Arrogance décadente ou décadence arrogante

Depuis longtemps, il avait été le symbole des abus institutionnels à outrance sous un commissaire de police, qui laissait entendre à qui voulait l’entendre que « mo pou al odela eleksion ! » De surcroît, cet ex-CP, qui se voyait calife à la place du calife en croyant pouvoir usurper les prérogatives conférées par la Constitution au Directeur des Poursuites Publiques (DPP) pour plaire au maître politique de l’époque.
Avec le système Mo grat to ledo, to grat mo ledo, la porte des institutions les plus sacrées de la république était grande ouverte à la mafia. Surtout, les nouvelles règles du jeu avaient fait fleurir une arrogance décadente des tenants des pouvoirs constitutionnels et avaient donné place subséquemment à une décadence des plus arrogantes, sanctionnée à juste titre par ce cinglant 60/0.
N’est-il pas aussi vrai que sous le précédent gouvernement, il était question que la mafia avait infiltré les institutions ? Ce constat ne provenait nullement de l’homme de la rue, mais de celui qui, de par les dispositions de la Constitution, était investi des pouvoirs pour garantir la sécurité et l’exercice du droit de chaque citoyen sans avoir à plaider le légendaire Kot mo’nn fote ? Mais il n’en fut rien quant aux mesures pour marginaliser le poids de la mafia dans les structures de l’État. Des deux choses l’une : soit une incapacité d’agir contre cette mafia, soit une situation d’otage, même si le sempiternel mantra était nou pou kas lerin lamafia ?
Aujourd’hui, neuf mois après l’avènement du changement, un premier signe positif se résume au fait que ces abuseurs patentés, en tous genres et en tous lieux, dont les chatwas s’occupant des deksi/karay de Lakwizinn démantelée du PMO, des droits citoyens les plus élémentaires, ont été obligés de descendre du bus. Aujourd’hui, graduellement, ils se rendent à l’évidence que l’heure est venue de rendre des comptes, de payer rubis sur l’ongle, pour toutes les exactions abusives commises et infligées aux citoyens.
Sur le front politique, les acteurs trouvent la parade qu’avec les résultats des dernières élections générales, les comptes ont été réglés. C’est peut-être pour leur donner bonne conscience dans la conjoncture politique. Quand même, il y a les lois de la république à respecter et à appliquer pour eux. Comme pour tout citoyen.
Mais les préposés du secteur public et autres nominés politiques, qui n’ont pas brigué le suffrage universel, ne sont pas couverts par cette police d’assurance électorale. Le cas est encore plus vrai pour la Mauritius Police, dont le slogan Loyally We Serve s’affiche sur le portail des Line Barracks. Toutefois, devant le déballage de ces linges sales au titre du Reward Money, en attendant que l’ancien commissaire de police ne soit convoqué pour interrogatoire Under Warning, le risque de faire face au délit de Causing Disaffection Among the (police) Force semble être far-fetched.
Ashik Jagai et consorts de la Police Headquarters Special Striking Team, en dépit de leur bilan, peuvent-ils prétendre trouver refuge légitime sous la bannière de Loyally We Serve ? Sinon, quels intérêts ont-ils servi Loyally dans la lutte contre la prolifération de la drogue, qui a gangréné la société ?
En plus de cela, de par leurs viles manœuvres, marquées par leur avidité, ces hommes, en qui le pays avait placé sa confiance face à un ennemi sans cœur, ont trahi leur mission en s’appuyant sur une arrogance décadente. Mais aujourd’hui, les forces vives de la société ont le devoir d’une vigilance redoublée pour s’assurer que le travail entamé soit achevé.
Certes, les droits fondamentaux de chaque citoyen doivent être respectés. Aucun compromis. Le droit à un Fair Trial, une condition sine qua non. La liberté d’expression, un passage obligé pour redonner des lustres à la démocratie à Maurice.
Mais les subterfuges de la mafia ou encore de ses représentants ne peuvent nullement être tolérés. Leurs racines sont encore bien ancrées dans le système, la mafia sachant tirer les ficelles pour renverser des équations compromettantes. Un simple exemple a surgi le week-end dernier : de quel droit le détenu Ashik Jagai, occupant la Notorious Cell No 6 de Moka Detention Centre, a-t-il obtenu le transfert d’un co-détenu ? Demain, cela pourrait être l’escalade et il pourra estimer que les seules conditions convenables pour toute incarcération de suspect ne pourraient être qu’à Mar-a-Lago en Floride ? Un droit démocratique des plus légitimes ou l’exercice de l’arrogance décadente ?
Pour transmettre un signal fort que les dernières lianes de la mafia dans le système seront éradiquées, le gouvernement du changement ne serait-il pas plus inspiré de ramener à l’avant-plan cette recommandation du rapport Lam Shang Leen, prônant le démantèlement des structures désuètes de la lutte contre la drogue au sein de la police et son remplacement par la National Drug Investigation Commission ?
La mise en vigueur de cette mesure du rapport Lam Shang Leen a été vigoureusement combattue par le précédent gouvernement. Peut-être que l’opération DeepCode trahira la raison de cette obstination. Le démantèlement de l’ADSU pourrait s’avérer un véritable point de rupture avec l’arrogance décadente.

- Publicité -

Patrick Michel

 

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques