- « La question d’indemnisation des opérateurs ne se pose pas », répond le ministre au leader de l’opposition, Joe Lesjongard
Le ministre du Logement et des Terres, Shakeel Mohamed, a fait comprendre, hier, qu’il n’est pas question d’indemniser les opérateurs dont les activités illégales sur l’île-aux-Bénitiers ont été suspendues par le présent gouvernement. Il répondait à une interpellation supplémentaire du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, dans le cadre de la Private Notice Question (PNQ), portant sur l’octroi des baux des îlots entourant Maurice et sur l’encadrement légal que le gouvernement compte instituer en vue d’y réglementer les activités des opérateurs.
Le ministre s’est appesanti sur l’objectif visant à promouvoir une approche équilibrée – qui encourage un tourisme responsable et des opportunités économiques, tout en préservant le patrimoine national des ressources côtières et marines. Par ailleurs, Shakeel Mohamed a fait ressortir que le gouvernement veillera que ces îlots ne soient pas utilisés pour le trafic de la drogue. D’autre part, il a été catégorique sur le point qu’aucun projet hôtelier n’y sera autorisé. Concernant l’île-aux-Bénitiers, Shakeel Mohamed a ajouté que 138 tonnes de déchets ont été enlevées jusqu’ici dans le cadre de l’opération de démolition des structures illégales.
Répondant, hier, à la PNQ du leader de l’opposition, le ministre Mohamed a affirmé qu’il y a 54 îlots autour de l’île Maurice, dont 51 appartenant entièrement à l’État. L’un d’eux, l’île-aux-Cerfs, est en partie une propriété de celui-ci. Les deux autres îles sont privées. Sur les 52 îlots appartenant à l’État 22 sont loués, 8 sont des parcs nationaux et 7 sont des réserves naturelles sous le contrôle du ministère de l’Agro-Industrie. L’îlot-Bernache, lui, est géré par le ministère de l’Environnement et de la police. Les autres îlots relèvent du ministère du Logement.
Shakeel Mohamed a mis en exergue l’urgence pour le gouvernement d’établir un cadre institutionnel, assorti d’un plan de gestion des îles en vue de réglementer les activités des opérateurs économiques sur les îlots autour de Maurice.
« Il est crucial de garantir l’exploitation durable de ces écosystèmes fragiles tout en conciliant protection environnementale et intérêts économiques, notamment dans les secteurs du tourisme et des loisirs. L’île-aux-Bénitiers, par exemple, servira de modèle à cette initiative. Ces dernières années, l’îlot a connu une augmentation des activités commerciales non réglementées, notamment des commerces informels de restauration, des installations récréatives non autorisées et des structures incompatibles avec les principes d’aménagement du territoire et de planification environnementale », a-t-il indiqué.
Et ce, avant d’expliquer que les activités des opérateurs illégaux ont suscité une inquiétude certaine au regard de l’assainissement, de la gestion des déchets et de la dégradation de l’environnement. Le nettoyage sur l’îlot a permis jusqu’ici d’enlever 138 tonnes de déchets, et il est mis en avant que ce modèle de gestion sera étendu à d’autres espaces similaires.
Pour le ministre Mohamed, l’objectif consiste à promouvoir une approche équilibrée qui incite à un tourisme responsable et à des opportunités économiques, tout en sauvegardant les ressources côtières et marines. Le ministère du Logement travaille à l’élaboration et la mise en œuvre de ce cadre légal, en collaboration avec les parties prenantes concernées, notamment le ministère de l’Environnement, le ministère de l’Agro-industrie et de la Pêche, ainsi que le ministère du Tourisme et le ministère des Collectivités locales.
Lesjongard : Puisque le ministre a répondu en mentionnant un modèle pour l’île-aux-Bénitiers, je crois comprendre qu’un plan directeur est en préparation et sera appliqué ultérieurement sur d’autres îlots. Le ministre pourrait-il nous indiquer où en est la préparation de ce plan directeur et quel est le calendrier ?
Shakeel Mohamed : Au vu du plan directeur, la situation est la suivante : la question a été soulevée au niveau du Cabinet, un comité interministériel a été mis en place, présidé par moi-même, et composé de plusieurs autres ministères, dont ceux de l’Agro-industrie, du Tourisme et de l’Environnement. Des techniciens se réunissent également pour élaborer le plan, qui est précisément le plan de gestion. Celui-ci devra être soumis au Cabinet pour que le gouvernement prenne une décision quant à sa forme.
Plusieurs options seront présentées au Cabinet, et il incombera au Cabinet de décider. Concernant le calendrier, de nombreuses autres réunions ont eu lieu sous la présidence du Premier ministre adjoint afin d’aider à mobiliser toutes les parties prenantes. L’équilibre entre la réalité économique et la situation environnementale a également été pris en compte. Nous laisserons les techniciens élaborer un plan de gestion approprié avant de le présenter au Cabinet.
Lesjongard : Le plan directeur prendra-t-il en compte et évaluera le potentiel de développement, par exemple hôtelier ou commercial, dans ces îles ?
Shakeel Mohamed : Permettez-moi de dire une chose sans détour. De nombreuses tentatives ont été faites par le passé pour élaborer un plan de gestion approprié. Mais que des tentatives. Il a fallu du courage politique pour commencer par mettre en œuvre le plan, en nettoyant une île, puis en poursuivant sur d’autres. Il est nécessaire d’avoir une définition juridique de ce qu’est une île.
À ce stade, toutes ces îles ont été déclarées zones écologiquement sensibles. Par conséquent, l’idée générale est que les hôtels ou complexes touristiques ne peuvent et ne doivent pas être construits sur des îles, car notre objectif – et celui de tout gouvernement responsable – est précisément de les protéger.
Évidemment, certaines îles sont déjà louées pour 60 ans. Sur celles-ci, des activités touristiques sont donc menées, d’où l’objectif avec lequel elles ont été louées. En ce qui concerne l’île-aux-Bénitiers, nous ne pouvons pas envisager la construction de complexes hôteliers. Il faut rendre ce site à la nature.
Lesjongard : Pouvons-nous connaître le statut de l’île-aux-Bénitiers ? Existe-t-il un bail concernant l’îlot ? Je crois savoir qu’il y a quelque temps, vers 2009, deux Letters of Intent ont été émises, l’une à une société du nom de Suleyman Nabeebaccus Company et l’autre pour un terrain de 2,90 perches sur les Pas-Géométriques destinées à servir de base au projet hôtelier. Ces lettres ont-elles été annulées par le ministère ?
Shakeel Mohamed : Le leader de l’opposition était alors ministre au sein du gouvernement, il est au courant de l’émission d’une lettre d’intention. Mais concernant toutes ces lettres d’intention de ces dix dernières années, le gouvernement précédent, dont il en faisait partie, a laissé les choses en l’état, n’a rien fait, et a laissé pourrir la situation. Ce qui est regrettable, c’est que des structures en béton et des toilettes en céramique ont été construites à l’époque comme si de rien n’était. Je suis certain de pouvoir compter sur la bonne volonté du peuple mauricien, y compris le chef de l’opposition pour constater et prendre acte que ce que nous entreprenons actuellement relève bel et bien d’une gouvernance et d’une action gouvernementale appropriées.
À une question au sujet de l’octroi d’un bail agricole pour une cocoteraie sur l’île, le ministre a répondu que celle-ci n’est pas soumise à un tel bail. Aucun contrat n’a été signé. Par ailleurs, il a ajouté qu’alors que le leader de l’opposition était ministre dans le précédent gouvernement, de la drogue avait été trouvée dissimulée sous le sable dans l’île.
Le ministre des Terres maintient que le projet gouvernemental consiste à restituer l’île à la nature. Lorsque les opérateurs seront autorisés à s’y installer, le gouvernement leur fournira des structures adéquates. « Notre objectif est de les faire reconnaître en tant que commerçants licites, et agissant légalement sur place. Nous souhaitons que la majeure partie de l’île – au moins les deux tiers – soit convertie en parc naturel protégé. Le ministre de l’Agro-industrie dispose d’experts au sein de son ministère pour gérer cette question », dit-il.
À la question du leader de l’opposition de savoir si les opérateurs bénéficieront d’une indemnisation, le ministre Mohamed a été catégorique : « nous ne pouvons pas accorder d’indemnisation ni même prendre en compte cet élément s’il s’agit d’opérateurs illégaux. Nous devons donc assumer nos responsabilités ».
Pour sa part, Adrien Duval est revenu à la charge sur cette question d’indemnisation. Le ministre a alors répliqué qu’il n’y a pas de problème d’indemnisation : « Mettons un terme à cette idée de vouloir se faire du capital politique à bon compte en parlant de ça. Mais soyons responsables et raisonnables ! ».
En ce qu’il s’agit du choix des opérateurs, le ministre a affirmé que les opérateurs eux-mêmes ont rencontré le Premier ministre adjoint et les ministres, et ont pris une décision. « Toutes les questions doivent être prises en compte pour assurer une protection adéquate des zones autour des îles. Ainsi, concernant le nombre d’opérateurs, voire le nombre de visiteurs autorisés à s’y rendre quotidiennement, nous examinerons attentivement la manière dont d’autres îles sont gérées par d’autres juridictions, par exemple les Philippines ou la Thaïlande, et la manière dont elles mettent en place des structures adéquates pour gérer les îlots ; non pas pour des gains politiques faciles, mais à l’intention des générations à venir », s’est appesanti le ministre.
Dans le cadre de la dernière question du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, une situation de poids et de mesure a été avancée. À quoi le ministre Mohamed a répondu que depuis dix ans, des responsables du précédent régime n’ont rien entrepris. « Le Premier ministre m’a informé qu’il collabore étroitement avec le commissaire de police en vue de garantir que ces îlots autour de l’île Maurice ne soient pas utilisés pour le trafic de drogue ou toute autre activité illicite », a-t-il mis en avant.
Le ministre a conclu, affirmant par là même que « nous ne nous contentons pas d’encourager les rares privilégiés, connus de certains ministres, à accéder à ces îlots. Nous protégeons également l’environnement, car nous reconnaissons l’importance de léguer un patrimoine aux générations futures. L’îlot est dans un état plus satisfaisant qu’aujourd’hui. Il sera meilleur demain. Nous souhaitons également équilibrer la situation avec les opérateurs. »