Audaces et… graves incertitudes

Il y a à boire et à manger dans ce premier exercice budgétaire du gouvernement de l’Alliance du Changement. Est courageuse, en effet, la mesure de repousser l’âge de la retraite à 65 ans. Il fallait effectivement en avoir l’audace. Notre population vieillissante, notre main-d’œuvre qui ne se renouvelle pas, l’arrivée des travailleurs étrangers pour pallier la productivité en baisse mais qui n’est pas vue d’un bon œil et les sommes astronomiques englouties par les pensions ont donc beaucoup pesé dans la balance. Y a-t-il d’autres alternatives ? Très probablement. Celle-ci en représente toutefois une qui n’est pas du tout négligeable.
Inévitablement, cette mesure ne fait pas l’unanimité. Comme d’autres encore d’ailleurs. À l’instar de la décision de taxer le gros capital et les revenus importants. Même si cela se fera sur une courte période, cette étape permettra – nombre de Mauriciens lucides et aspirant à une justice sociale le savent – de souffler. Le temps, et cela aussi, nous l’espérons de tout cœur, de mettre en place d’autres projets ambitieux et modernes, qui aideront à faire redécoller le pays.
Parce que c’est justement là la plus grosse déception. Nombreux sont les compatriotes qui attendaient vraiment un budget de rupture. Ils en avaient assez de la médiocrité qui, sur les trois ou quatre dernières décennies, a enfoncé le pays dans un précipice. Les extravagances du régime de Pravind Jugnauth n’ont fait qu’enfoncer le clou.
Navin Ramgoolam a évoqué la mise à contribution des terres de l’État – Landscope – à des fins agricoles. Le souhait d’une politique d’autosuffisance alimentaire est-il bien là ? Alors, pourquoi ne pas avoir embarqué également les propriétés sucrières dans l’aventure ? Quand l’on sait que celles-ci peuvent mettre à contribution une partie, tout au moins, de leurs terrains plutôt que de bétonner à tour de bras. Réintroduire des programmes de culture interlignes, mettre en place des structures de “processing”, de transformation et d’empaquetage des aliments, tout cela n’aurait-il pas de surcroît aidé à générer des emplois ?
Nouvel ordre social. Empathie. Compassion. Solidarité. Ces mots étaient au cœur du discours de Navin Ramgoolam. L’urgence d’une justice sociale revient également régulièrement sur le tapis. Pourtant, pas un mot, pas une proposition de baisser les salaires des ministres. Au nom de cette sacrée société égalitaire, ne serait-il pas de bon ton que ce présent gouvernement, justement, fort de son 60-0, en donne l’exemple ? Encore une fois, cela pourrait se faire sur une base temporaire.
Nous sommes à une période de notre Histoire où la majorité de nos jeunes rechignent à travailler la terre. Mais certains souhaitent s’y investir. Donc, pourquoi ne pas leur offrir ces opportunités ? Et leur garantir des mesures de “job enhancement” qui feront qu’au final ces Mauriciens auront pris un pari qui leur sera bénéfique.
La décision de renforcer la Santé par le biais de recrutements à divers niveaux, du plus bas de l’échelle jusqu’à la gestion des hôpitaux, est, elle aussi, excellente. Cela fait plusieurs années que tous ceux concernés dans ce secteur éprouvent d’immenses difficultés. Surtout après la pandémie de Covid-19.
Le flou est entretenu concernant la lutte contre les drogues. Si un signal fort est donné avec l’allocation de Rs 70 millions à la mise en place de la National Agency for Drug Control, en revanche, rien n’a été prévu pour les campagnes de prévention et encore moins pour le traitement des patients. Le nombre de toxicomanes, qu’il s’agisse des héroïnomanes ou des consommateurs de drogues synthétiques, grandit chaque jour. Et dans le même temps, les familles de ces victimes se brisent. Les moyens pour combattre le trafic sont renouvelés, certes. Mais qu’en est-il du traitement des malades ? Et leurs parents ? Quels recours, quelles avenues d’écoute et d’aide pour les aider à remonter la pente et refaire partie de la force ouvrière ?
Quelques bonnes bases sont donc jetées dans ce premier budget de l’Alliance du Changement. La très attendue rupture finira-t-elle par arriver ? On l’espère de tout cœur.
Les mois se succèdent et, à Gaza, les enfants continuent de tomber sous les bombes des sionistes déterminés à exterminer le peuple palestinien. Et l’impunité de l’armée de Benjamin Netanyahu n’a toujours aucune opposition en face… L’horreur ne s’arrêtera-t-elle donc jamais ?

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Husna Ramjanally

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