À pareille époque il y a douze mois, la présentation du budget constituait la même préoccupation, que ce soit à l’Hôtel du Gouvernement ou au sein de la population. Aujourd’hui, à quatre semaines du Jour J du premier Grand Oral du Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, de l’Alliance du Changement, les attentes s’articulent toujours autour du budget.
L’autre fait conjoncturel unanime demeure que tout un chacun s’évertue à présenter le Budget Speech comme un exercice éminemment politique pour l’avenir du pays. Surtout, il ne se résume pas à une épreuve de comptabilité. Mais en fin de compte, à la fin de l’exercice financier, Kolonn gos bizin balans ar Kolonn drwat. Il n’y a pas à sortir de là.
D’où le casse-tête de la dette publique située juste sous la barre des 90 % du Produit Intérieur Brut (PIB). Et cela sans compter les Contingent Liabilities, découlant des gabegies, se comptant en milliards de roupies, de la Mauritius Investment Corporation Limited, d’Air Mauritius ou encore d’Airport Holdings Limited. Pour ne parler que de ces QUANGOs.
Cette tendance à l’endettement public ne date pas d’hier. Maurice ne s’est jamais souciée de s’interroger sur cette mauvaise habitude de vivre à crédit. L’innocent carnet de ration d’il y a 60 ans, le contrat tacite d’alors pour nourrir les membres de sa famille avec le boutiquier du coin, s’est transformé en cartes de crédit sans limite.
Vous ne voulez pas croire ? Alors les chiffres publiés par la Banque de Maurice attestent ce fait. Sur chaque Rs 100 de facilités accordées par les banques, Rs 40 ont pour bénéficiaires des ménages. En effet, sur les Rs 453 milliards de Bank Loans enregistrés au 31 mars dernier, Rs 183 milliards sont destinées à des households, terme faisant partie du lexique de la vénérable Banque centrale, secouée ces jours-ci par des scandales en tous genres.
Cet endettement des ménages auprès des banques commerciales représente plus de quatre fois le soutien bancaire à l’un des principaux piliers de la croissance et de la relance économiques, en l’occurrence la filière de l’hospitality.
L’excuse pour justifier cet endettement des ménages est que des prêts de Rs 128 milliards, soit Rs 70 sur chaque Rs 100, ont été accordés pour des besoins de construction résidentielle. De leur côté, les plus cyniques diront que cette enveloppe de Rs 183 milliards représente trois fois l’engouement pour les emprunts des corps parapublics, les canards boiteux, à la même époque.
Un signe que la problématique de l’endettement ne relève nullement de l’exclusivité de l’État gargantuesque. Mais d’une attitude à vivre impunément au-dessus de ses moyens sans se poser de questions au sujet de ce que sera fait demain. Surtout avec la voiture comme symbole de la consommation.
Le réseau routier peut-il continuer à absorber le rythme de nouvelles immatriculations enregistrées auprès de la National Land Transport Authority (NLTA) ? Les paris sont déjà ouverts avec, pour la première fois, plus de 7 000 voitures et véhicules neufs en cinq mois. Et ces embouteillages sur les routes, en dépit des milliards de taxpayers’ money engloutis dans l’infrastructure routière, ne feront que s’accentuer.
À la fin de mars dernier, les banques avaient déjà avancé Rs 10 milliards de facilités pour assurer les importations de voitures. L’économie dispose-t-elle de la résilience financière pour affronter la frénésie d’achats de voitures neuves avec les dépenses complémentaires liées à l’approvisionnement en carburant à la pompe ?
Et dire que la mise en service du Metro Express avait pour ambition déclarée de redonner au transport en commun ses lettres de noblesse. La formule n’a pas marché, sauf que la facture de la dette publique s’est alourdie d’un seul coup de Rs 15,4 milliards. Chiffres à la fin de mars dernier.
L’année dernière, à l’approche du Budget Day, le dernier d’un Grand Argentier embourbé dans des affaires alléguées pas possibles, la campagne labousdou avait aveuglé tout un chacun, avec à la remorque le train de promesses électorales en tous genres et de tous côtés.
Aujourd’hui, les clameurs des campagnes électorales s’étant tues, un arrière-goût margoz des plus tenaces remonte dans la gorge. Le diagnostic de Lakes Vid impose une thérapie de cheval avec une forte dose de fiscal consolidation, voulant dire ce que cela veut dire pour les contribuables ou encore les consommateurs, et de réforme structurelle. Avec en prime une politique budgétaire de rupture.
Du moins, c’est la thèse officielle venant de l’Hôtel du Gouvernement, répétant sa détermination à remettre de l’ordre dans les affaires du pays au cours de son mandat de cinq ans.
Mais de l’autre côté de la barrière, l’électorat, et par extension la population, cache difficilement son impatience, même s’il est d’autant plus vrai qu’il n’y aura pas de baguette magique pour résorber du jour au lendemain le debt trap qui guette l’économie. Sans compter cette incertitude pesant sur les exportations, sous la forme de la taxe douanière, signée Donald Trump.
Ce qu’attend cet électorat, surtout les jeunes, se résume à des modèles crédibles – merci à Sa Sainteté le pape Léon XIV pour cette expression si appropriée – ouvrant la voie à des perspectives d’un avenir meilleur.
La réalité du Budget 2025/26 s’avère être bien loin du goût de labousdou car le temps des promesses électorales est bel et bien révolu.