La suppression de la National Pension Scheme (NPS) par le gouvernement du MSM en 2020 « a été une véritable trahison de la population. » C’est ce qu’a soutenu, hier, le ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, qui répondait à une Private Notice Question du leader de l’opposition Joe Lesjongard concernant la réforme de la pension de retraite de base avec l’éligibilité passant de 60 à 65 ans. Ce dernier, qui avait fait de la pension de retraite un des principaux thèmes de son intervention sur le budget prononcée mardi – est revenu à la charge, hier matin. Il a démandé au ministre de la Sécurité sociale si concernant cette réforme de la pension de retraite de base, telle qu’annoncée dans le discours sur le budget 2025-26, il peut indiquer si (a) il a été consulté à ce sujet et (b) une étude a été réalisée pour évaluer l’impact social de celle-ci.
Tenant compte de la portée de la thématique des pensions et la longueur élaborée de la réponse liminaire du ministre Subron, la Speaker, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, a consenti que le temps alloué à la PNQ dépasse la demi-heure du temps réglementaire d’au moins sept minutes. En réponse à des interpellations supplémentaires du leader de l’opposition, le ministre Subron – ancien syndicaliste et négociateur – a indiqué que le comité sur l’incapacité de travail pour raisons médicales comprendra non seulement une réforme de l’ensemble du conseil médical et de l’évaluation que nous connaissons depuis l’indépendance, mais aussi la refonte de l’ensemble de l’évaluation médicale. Les mêmes critères s’appliqueront aux personnes âgées de 60 à 65 ans et également à tout citoyen en situation de handicap à Maurice. « Ce sera une réforme historique que la commission étudiera », a avancé Ashok Subron au sein de l’hémicycle hier.
Dans sa réponse initiale à la PNQ, le ministre Subron s’est appesanti sur l’évolution du système de pension à Maurice depuis l’ère coloniale et les reformes apportées durant la période pré-indépendance et post-indépendance. C’est ainsi qu’il a expliqué que les pensions non contributives ont été introduites en 1950. L’introduction du système de retraite universel remonte à 1958, et l’espérance de vie d’alors se situait entre 55 et 58 ans. Le système contributif de la pension pour les employés du secteur privé a vu le jour en 1978. Au fil des années, le système a connu de nombreux changements et réajustements reflétant l’évolution des besoins sociaux et les réalités économiques.
Par ailleurs, Ashok Subron a accusé le pouvoir MSM d’avoir transformé la pension de base en une arme électorale, accusant par là même l’ancien gouvernement de trahison pour avoir supprimé le régime national de retraite en 2020. « La contribution au fonds de pension a été interrompue en septembre 2020 et ce fut une rupture avec l’histoire », a fait ressortir le ministre de la Sécurité sociale. « La valeur du Fonds national de pension s’élevait à Rs 160 milliards de roupies. Imaginez le montant que celui-ci aurait représenté si les cotisations n’avaient pas été suspendues à l’époque. C’était un crime contre les travailleurs », a-t-il mis en avant. Et ce, avant d’expliquer qu’après le démantèlement du régime national de retraite, la Contribution Sociale Généralisée (CGS) a été instituée. La CSG est une cotisation versée par les employés touchant moins de Rs 50 000, soit 1,5 % de leur salaire, et de 3% pour ceux dont les salaires étaient au-dessus de Rs 50 000. La CSG a été introduite parallèlement au démantèlement du régime national de retraite afin que le gouvernement honore sa promesse électorale.
Pour Ashok Subron, avec la suppression du National Pension Scheme et l’introduction de la CSG, deux autres problèmes importants allaient faire leur apparition sur le plan des politiques économiques. Premièrement, les plus riches ont bénéficié d’une exonération de cotisations, voire d’une absence de cotisations. Il a cité le Wage Assistance Programme de Rs 21 milliards, programme d’aide aux salaires, financé par l’argent du peuple. Cette mesure s’inscrit dans le cadre du démantèlement du régime national de retraite. Deuxièmement, la Mauritius Investment Corporation (MIC) a été instaurée à hauteur de Rs 80 milliards, avec pour objectif de soutenir les grandes entreprises et des proches du régime précédent.
« En abrogeant le National Pension Scheme, le lien entre travail, cotisation et prestations est devenu plus étroit. La retraite est devenue un avantage politiquement vulnérable, plutôt qu’un droit garanti. Le gouvernement a reconnu la fragilité du système actuel », devait s’appesantir Ashok Subron.
Ashok Subron affirme qu’il reconnaît à quel point les Mauriciens accordent une grande importance aux retraites, non seulement comme soutien financier, mais aussi comme symbole de leur contribution à la nation. « C’est la promesse que personne ne sera laissé pour compte. Dans ce contexte, nous saluons la précieuse contribution de mon parti (ReA), qui a soumis une proposition détaillée après le budget et qui a participé presque quotidiennement aux travaux du sous-comité, présidé par le Premier ministre adjoint Paul Bérenger. »
Ashok Subron a expliqué que lorsque le budget a été présenté, c’est en sa qualité de ministre du Cabinet qu’il a été consulté. De plus, il dit avoir soumis des propositions budgétaires à son ministère. « Lorsque nous avons analysé le budget, mon parti a soumis des propositions aux partenaires des alliances. C’est ainsi que fonctionnent les alliances. Nous avons soumis nos points de vue. Par la suite, les questions relatives aux retraites et au nouveau système ainsi que les mesures à prendre pour tenir compte des préoccupations et de la considération de la population ont été débattues pendant une semaine », a-t-il fait ressortir.
Par ailleurs, Ashok Subron a signalé à la Chambre et au peuple mauricien qu’il y avait un comité de haut niveau sur la réforme des pensions lorsque le chef de l’opposition était au pouvoir. Le mandat du comité portait exactement sur le système de retraite et la Basic Retirement Pension. « Et il y avait plusieurs options. Parmi ces options figuraient des changements drastiques au système BRP. Et c’était sous le régime du MSM », dit-il.
Concluant la première partie de son intervention, Ashok Subron a affirmé que son implication dans ce gouvernement ne diffère aucunement de l’objectif qu’il s’était alors fixé en tant que syndicaliste. « Je tiens à dire que nous, en tant que gouvernement, reconnaissons le droit des travailleurs », dit-il. La longueur de la réponse liminaire du ministre a donné du fil à retordre à la Speaker, qui est allée jusqu’à demander au ministre de se cantonner à l’essentiel des préoccupations de la PNQ. De son côté, Joe Lesjongard n’a pu se garder de laisser voir ses protestations face à la démarche du ministre.
Lesjongard : Mme la Speaker c’est la première fois que je vois un ministre prendre autant de temps pour répondre à une question (Rire général au sein de l’hémicycle). Le ministre peut-il confirmer qu’il n’y a pas eu d’étude pour évaluer l’impact d’une telle mesure sur la population ?
Subron : À l’heure actuelle, il y a 287 679 bénéficiaires de la Basic Retirement Pension (BRP) et nous avons étudié que pour la première année, c’est-à-dire à 60 ans, 39 % d’entre eux travaillent dans les secteurs privé ou public. Le nombre de bénéficiaires actifs diminue jusqu’à 15 % lorsqu’ils auront atteint 65 ans.
Nous nous sommes donc penchés sur cette question et, deuxièmement, je tiens également à souligner que le gouvernement a décidé de maintenir le paiement de la pension d’invalidité de base pour toutes les personnes handicapées jusqu’à 65 ans. Nous avons décidé de maintenir toutes les allocations à toutes les veuves jusqu’à 65 ans. Le comité sous la présidence du Premier ministre évaluera également l’impact des changements que nous proposons d’apporter aux travailleurs. La loi prévoit déjà des dérogations dans de nombreux secteurs, au moins cinq secteurs d’après mes renseignements. Ce sont les travailleurs de l’industrie sucrière, du secteur du transport, de l’industrie de la construction, des salines…
J’ai donc répondu à votre question. Nous avons envisagé et nous envisageons tout cela alors que vous avez abrogé le régime national de retraite. J’ai votre manifeste ici… Vous avez participé au démantèlement du régime national de retraite et c’était une trahison envers le peuple mauricien.
JL : En ce qui concerne la décision du conseil des ministres du 16 juin de mettre en place deux comités interministériels chargés d’examiner les questions relatives à la pension de retraite de base, l’un d’eux, si je comprends bien, sera présidé par l’honorable ministre lui-même. Pourrait-il nous donner des précisions sur le mandat de ce comité et sur le calendrier ?
AS : Notre objectif est de tout finaliser avant la mise en œuvre du passage de BRP 60 à 65 ans. C’est donc le 1er septembre. Deuxièmement, le mandat, je peux en parler. Celui-ci est assez explicite dans la décision du Cabinet, mais je vais donner davantage de détails sur le comité que je préside. Le comité sur l’incapacité de travail liée à la santé ne comprendra pas seulement une réforme de l’ensemble du conseil médical et de l’évaluation que nous connaissons depuis l’indépendance. Il est également question de l’examen et de la réforme de l’ensemble de l’évaluation; tout ce qui sera appliqué aux personnes âgées de 60 à 65 ans le sera également à tout citoyen handicapé à Maurice. Il s’agira d’une réforme historique que le comité étudiera et je compte sur le soutien de tous les ministres. Il s’agira d’une réforme majeure. Ne vous inquiétez pas, vous verrez quand il paraîtra !
JL : Le ministre peut-il dire à la Chambre, et c’est une question directe, s’il est d’accord pour un système de ciblage quant à l’attribution de la pension de retraite de base ?
AS : Le ciblage fait partie de notre histoire dans les années 1950. Cela fait partie de la décision du gouvernement précédent. Il se peut qu’il y ait des dérogations pour certains secteurs.
JL : Puis-je demander au ministre s’il participera à la manifestation prévue par les syndicats samedi ?
Speaker : There is no need to answer.
AS : Je ne vous ai jamais vu dans une manifestation. C’est parce que nous avons entendu les syndicats et les travailleurs que nous avons travaillé nuit et jour la semaine dernière.
JL : Le ministre peut-il affirmer si la pension BRP sera augmentée durant cette année financière ?
AS : La réponse est dans le budget. Vous pourriez jeter un coup d’œil si vous avez le temps.
JL : Compte tenu du tollé quant à cette mesure, est-ce que le gouvernement compte l’abandonner ?
AS : Le gouvernement a pris une décision et celle-ci a été communiquée au public.
Concernant les consultations, le ministre a avancé que les comités décideront de la formule qu’ils adopteront. Pour la pension des veuves, le ministre a affirmé que le gouvernement sera au pouvoir pendant cinq ans et fera le nécessaire durant ce mandat même. « Nous n’avons pas de leçons à recevoir du MSM », a laissé entendre Ashok Subron par ailleurs.