La présentation du budget 2025/26 ce jeudi, par le Premier ministre et ministre des Finances Navin Ramgoolam, représentera une étape cruciale et un test majeur pour le gouvernement de l’Alliance du Changement au pouvoir depuis novembre de l’année dernière. Il faut reconnaître que le nouveau gouvernement a hérité d’un budget présenté cinq mois auparavant par l’ancien ministre des Finances. Comme le souligne le ministre des Relations industrielles et de l’Emploi, Reza Uteem : « Il ne faut pas oublier le poids de l’héritage économique que nous portons, un fardeau accentué par des politiques marquées par le manque de transparence et les mensonges de l’ancien gouvernement et de l’ancien ministre des Finances. » Il observe que pour pallier ces imprécisions budgétaires, le gouvernement a dû adopter des budgets additionnels, car les revenus avaient été surévalués tandis que les dépenses étaient sous-estimées, ce qui a aggravé le déficit budgétaire. « Ce déficit, financé par des emprunts, explique pourquoi la dette publique a atteint près de 90 % du PIB », s’appesantit-il. Ainsi, après avoir pris le train budgétaire qui avait déjà démarré, il était difficile d’aller au-delà des dotations budgétaires et de la politique fiscale déjà définies par l’ancien gouvernement. C’est pourquoi, que ce soit à Maurice ou à l’étranger, tout le monde a les yeux fixés sur le budget, principal instrument par lequel un gouvernement traduit ses promesses de campagne et sa vision de l’avenir, qui, comme on le sait, était résumée par le terme « rupture ».
Dans une analyse publiée cette semaine par Axys, Sanjay Goolam, Managing Director (Securities and Execution Desk), souligne qu’après des années de sous-performance économique, d’érosion fiscale, d’une balance des paiements en détérioration, d’inégalités croissantes et d’aggravation de la position extérieure, il s’agit d’une opportunité historique de rétablir la confiance, de réorienter les priorités nationales et de mettre en œuvre des réformes structurelles audacieuses.
Au niveau du secteur privé, Kevin Ramkaloan, directeur de Business Mauritius, met en avant qu’il est très important d’assurer la compétitivité des activités des opérateurs, des industries, des secteurs majeurs ainsi que le climat des affaires. « Un cadre compétitif et attractif pour être en mesure de produire afin d’exporter est une nécessité incontournable », insiste-t-il. Le PM et ministre des Finances se trouve face à une situation difficile : il s’agira pour lui de maintenir une rigueur fiscale tout en dynamisant l’économie. Ce budget sera présenté également avec en toile de fond la notation de Moody’s, véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête du gouvernement mauricien. En janvier dernier, dans le sillage de la publication de The State of the Economy, Moody’s avait changé la perspective de la situation économique de Maurice de « Stable » à « Negative ». « The outlook change to negative reflects uncertainty about Mauritius’ ability to address its challenging fiscal situation, considering the significant and socially and politically difficult fiscal adjustments involved. » L’agence de notation s’attend à ce que « le gouvernement poursuive une consolidation budgétaire globale à partir de l’exercice 2026, offrant la perspective d’inverser la détérioration budgétaire et de maintenir la solvabilité ». Par consolidation, elle veut dire « un plan global de consolidation budgétaire comprenant des mesures d’augmentation des recettes et des réductions des dépenses visant à réduire le déficit budgétaire et à placer la dette publique sur une trajectoire plus soutenable ». Faute de quoi, Maurice risque une dégradation de sa notation souveraine. Ce qui serait une catastrophe pour l’économie mauricienne, car l’accès au financement international deviendrait très difficile et les taux d’intérêt seraient extrêmement élevés. Cela entraînerait une hausse du coût de la vie et de l’inflation.
Il ne faut pas s’attendre à des miracles concernant les allocations sociales. « Nous n’avons pas d’argent », répètent Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Même l’obtention des Rs 10 milliards de la location de Diego Garcia ne changerait pas grand-chose. Le compte à rebours a commencé. Attendons jeudi après-midi.
JEAN MARC POCHÉ