Centenaire de la naissance d’un homme religieux peu orthodoxe : « Le père Henri Souchon a ouvert le dialogue interreligieux »

Le père Henri Souchon est mort le 13 septembre 2013. S’il était encore de ce monde, il aurait été centenaire aujourd’hui. Plusieurs proches, collaborateurs, élèves et amis ont tenu à lui rendre un vibrant hommage lors d’une messe à son intention vendredi matin, à l’école Père Henri Souchon, à Pointe-aux-Sables. Également présent, l’ancien président de la République, Cassam Uteem, a témoigné de l’engagement du prêtre auprès des démunis.

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Ambiance cordiale et conviviale à l’école Père Henri Souchon, à Pointe-aux-Sables ce vendredi matin. Le soleil était au rendez-vous, apportait ses rayons dans les cœurs de ceux présents comme si le père Souchon était aussi de la partie. De son vivant, son rire tonitruant faisait écho dans la salle. Beaucoup diront qu’à chaque fois qu’il voyait des enfants, il disait : « Bat lamin zanfan. » Une dame âgée confie : « an lesiel li pe fet so 100 tan ek li ankor pe vey lor nou. » Cette joie immense a été ressentie tant par les invités, les proches, les amis, les membres de Mam San Baz et par les élèves de l’école Oasis de Paix, devenue aujourd’hui l’école Père Henri Souchon.

Dans son homélie, le père Philippe Goupille a raconté une anecdote. Lorsqu’il venait de terminer ses études de théologie à l’université, il s’était présenté à la cure de l’Immaculée Conception où le père Souchon lui a demandé : « “Où est ton, diary ? Il m’a dit : Vas t’acheter un diary. Le diary était sa discipline de vie, pour l’organisation de sa paroisse. Et c’est à travers cette discipline qu’il pouvait exercer la dimension créatrice de son imagination. »

Il a souligné que le père Souchon a été un modèle pour tous les Mauriciens, comme en témoigne son rôle alors que la bagarre raciale faisait rage en 1968. Il avait alors invité un imam à venir prier avec lui à l’église Immaculée Conception. « Quand l’imam a récité le Coran, le père Souchon m’a dit : Je sens comme un frisson. Il avait ouvert le chemin des dialogues interreligieux. Le lendemain, il y a eu l’accueil de toutes les cultures et religions au Centre Marie Reine de la Paix », témoigne le père Goupille réaffirmant que le père Souchon a aussi placé l’humain au cœur de toutes les actions.

D’autres témoignages se sont succédé dont celui de Cassam Uteem, ancien président de la république de 1992 à 2002. Il a décrit le père Souchon comme étant « un homme religieux peu orthodoxe » qui a vécu son sacerdoce autant à l’extérieur qu’au sein de son église. « En invoquant le nom d’Allah, il a fait preuve d’une profonde sensibilité envers l’islam, la religion à laquelle j’appartiens », a fait ressortir Cassam Uteem. Ce dernier dira dans la même foulée que le prêtre était un observateur averti de la politique et que durant les nombreuses conversations qu’il a eues avec lui, « il enfourchait toujours son dada » qui était l’interculturalité. « Il se définissait comme un prêtre interculturel qui a ouvert toutes les portes de son église pour la célébration des mariages mixtes, décision décriée et contestée à l’époque. »

Cassam Uteem a aussi parlé des tristes événements liés à la mort du chanteur Kaya et qui avaient marqué le père Souchon. Il a raconté que ce dernier et le cardinal Jean Margéot, au lendemain des émeutes de février 99, avaient entamé une tournée pour réconforter les familles innocentes dont les maisons avaient été incendiées en guise de représailles. Il dira que le père Souchon militait pour les droits de l’homme et pour la liberté d’expression. D’où son engagement auprès des journalistes en 1984 pour manifester lor koltar et protester contre l’introduction au Parlement d’une loi liberticide. Ce qui lui a même valu d’être incarcéré avec des journalistes protestataires.

Cassam Uteem a poursuivi avec beaucoup d’émotions dans la voix, disant que le père Souchon était toujours disponible et à l’écoute des plus pauvres de ses concitoyens, sans distinction. Il a évoqué aussi la tournée du curé qui rendait visite aux malades, aux sans-abri. Il recevait aussi les SDF et les clochards qu’il appelait affectueusement les Mam San Baz au Centre social Marie Reine de la Paix et leur offrait avec un repas chaud et de la chaleur humaine.

Véronique Leclézio, nièce du père Souchon, dira que son oncle voulait que son épitaphe se lise comme suit : « Henri Souchon – prêtre avec pour devise : Tout est dans tout le Christ. » Elle réitère que son oncle Henri avait la foi chevillée au corps et ne faisait jamais de prêchi-prêcha, se contentait de vivre selon les paroles de Jésus tout en étant fidèle à sa famille humaine, ses paroissiens, ses compatriotes et tous ceux qu’il côtoyait.
« Cent ans après sa naissance sur notre île Maurice, il nous reste une trace lumineuse de cet homme exceptionnel et je pense que maintenant Henri Souchon est aux côtés de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus pour passer son ciel à faire du bien sur la terre », fait-elle ressortir.

Norma Thomas, ancienne enseignante, ajoute le père Souchon demandait toujours : « Quel âge ? Quelle classe ? Quelle école ? Le père Souchon débutait presque invariablement ses premières rencontres avec des enfants et ados par ces trois questions… C’est dire l’intérêt, que certains qualifiaient de disproportionné, qu’il portait à ces bouts d’hommes et de femmes pour lesquels il avait de grandes ambitions … surtout ceux et celles laissés en bordure de route par les circonstances de la vie.»

Elle a souligné que le père Souchon avait rêvé de réaliser cette Oasis de Paix, école qui porte son nom. Et qu’il passait la plupart de ses jours de congé hebdomadaire à sillonner les écoles primaires du pays, tant celles de la RCEA que celles gérées par l’État, pour y rencontrer éducateurs et écoliers, et s’évertuait à soigner la qualité des ressources matérielles de ces écoles, s’employant à insuffler un dynamisme indéniable à leur personnel. « J’ai eu la grâce de grandir aux côtés de cet homme d’exception » confie-t-elle.

Pour avoir travaillé avec le père Souchon pendant plus de 43 ans, Françoise Yaw Kan Tong-Mootoosamy a présenté un ouvrage de 180 pages intitulé Henri Souchon – Jusqu’au bout de sa passion, comprenant le récit détaillé de la vie du prêtre, les témoignages poignants de ceux qui l’ont côtoyé et connu, et une abondance de photos chargées de souvenirs.

À travers les pages de cet ouvrage, elle revisite la vie, les actions et les enseignements de ce Mauricien qui a transcendé les frontières religieuses et sociales pour devenir une inspiration vivante. Le livre sera disponible à la procure du Carmel à Bonne-Terre et du Montmartre à Rose-Hill et dans d’autres librairies au prix promotionnel de Rs 300. Toutes les recettes des ventes seront partagées entre le magazine Prions et les Mam San Baz, le projet initié par le père Souchon lui-même pour apporter réconfort et soutien aux sans-abri de l’île.

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