Coups de théâtre et promesses non tenues

« Quel dommage cette nouvelle annulation après tout ce travail fait en amont. Je suis déçu pour toutes les comédiennes et les comédiens mauriciens qui s’étaient investis dans ce beau projet. Je n’ai appris l’annulation par Pascal Legros que début mars. J’ai trouvé cela un peu léger et très méprisant. Je ne veux d’ailleurs plus entendre parler de ce “monsieur”, le terme est inapproprié pour le désigner. » Ces propos nous viennent du comédien français Francis Perrin, qui devait revenir début mai pour répéter avec les comédiens mau- riciens la pièce de Didier Caron, Un vrai bonheur, qui devait être présentée dans le cadre des 3e Théâtrales de Maurice qu’organise Pascal Legros.

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Le comédien mauricien et français Philippe Houbert, qui assurait la jonction avec le milieu théâtral mauricien, n’a quant à lui appris cette mauvaise nouvelle de la bouche de ce dernier qu’une semaine plus tard. Le plus étonnant dans l’histoire, c’est que ce gérant de quatre théâtres parisiens en vue n’ait à notre connaissance pas daigné ou pensé adresser un mot aux comédiens mauriciens impliqués dans le projet, qui se sont ainsi retrouvés dans le vide. Le dirigeant de PascalLegros Production comptait peut-être, pour s’acquitter de cette tâche, sur la presse, qu’il a commencé à contacter plusieurs semaines après ses échanges avec Francis Perrin et Philippe Houbert, qui a pris sur lui de prévenir les comédiens mauriciens…

À la question de savoir ce que ferait Francis Perrin, une fois la colère passée, si d’aventure PascalLe gros venait lui proposer de monter la pièce prévue l’année prochaine à Maurice, il nous a répondu avec la même détermina- tion : « Je ne prendrai pas le risque que l’annulation se reproduise. Je n’ai aucune envie de travailler avec des personnes qui ont trahi ma confiance. Je viendrai par contre avec joie monter et jouer un spectacle avec les comédiens mauriciens si quelqu’un d’autre que M. Legros me le proposait. » Il faut rappeler que déjà en 2017, PascalLegros avait renvoyé la troisième édition des Théâtrales… à 2018, en expliquant que les élections présidentielles et législatives en France compromettaient la fréquentation du festival, qui se tient également dans la même période à La Réunion… tout comme en France métropolitaine, où les électeurs bouderaient les salles de théâtre en cette période.

Cette fois, le fondateur d’une autre société à Maurice, Pascal Legros Maurice, avait certes précisé à la presse en janvier dernier qu’il n’avait pas encore trouvé tous les sponsors qu’il souhaitait pour les Théâtrales 2018, mais qu’il y travaillait bien entendu. Courant avril, Pascal Legros a tenté de nous appeler et il était convenu qu’il nous rappelle. Nous ne savions pas à ce moment que les Théâtrales seraient annulées. Puis nous l’avons appris dans un quotidien, qui a cité Pascal Legros en invoquant deux types de motifs à cette décision, à savoir que la pièce vedette, La Raison d’Aymé, avec Gérard Jugnot, avait tellement de succès à Paris qu’elle serait prolongée jusqu’en juin et ne pourrait donc pas venir au festival à Maurice, et d’autre part que les délais étaient trop courts pour faire venir à Maurice un moteur, introuvable ici comme à La Réunion, qui devait, dans cette pièce, actionner une gondole…

Il est permis de s’étonner que le transport de ce moteur n’ait pas été envi- sagé plus longtemps à l’avance, voire ne puisse être fait par avion-cargo. La Raison d’Aymé avait été annoncée comme la pièce vedette du festival mauricien, ce qui ne manquera pas d’agacer les fans de Gérard Jugnot et d’Isabelle Mergault. Ces derniers peuvent aussi être choqués d’apprendre que le public mauricien, qui est pourtant friand de comédies et de théâtre de boulevard, compte moins que le public parisien. Nous pouvons comprendre que Pascal Legros doive rentabiliser ses quatre salles parisiennes, mais leur réputation et la fréquentation qu’elles reçoivent généralement permettent de penser que le public français qui aurait loupé Gérard Jugnot lors de la saison théâtrale 2018 n’aurait guère hésité à venir pour une reprise à la prochaine rentrée théâtrale parisienne.

À Maurice, où les amateurs de théâtre et de comédie sont frustrés d’avoir si peu de pièces et de spectacles à découvrir, l’annonce de ces annulations pour la deuxième année consécutive a quand même de quoi froisser. Sans compter que nous parlons là d’un secteur créatif, où beaucoup reste à faire et encourager, notamment si les rénovations des deux salles existantes (Plaza et Théâtre de Port-Louis) aboutissent effectivement un jour à une réouverture, et si la nouvelle salle prévue au Caudan ouvre bien comme prévu. Pascal Legros, qui aime se présenter comme celui qui apporte le théâtre parisien à l’île Maurice, semble décidément beaucoup plus soucieux de la viabilité financière de ses activités que du théâtre mauricien qu’il se targue de soutenir.

Sans oublier les accords qui le lient probablement à ses différents partenaires ici, qu’il s’agisse du groupe Beachcomber ou des comédiens qui avaient pris leurs dispositions pour le projet de pièce avec Francis Perrin, l’engagement qui a été pris avec le public mauricien dès le mois de janvier, avec l’annonce en grande pompe de ces 3e Théâtrales, a une nouvelle fois été ajourné. Finalement, ne vaut-il pas mieux s’en tenir à ceux qui agissent : qui jouent et continuent de divertir le public mauricien, sans tambours ni trompettes, comme Miselaine Duval le fait chaque jour avec ses comédiens dans son théâtre des Komikos, ou comme Gaston Valayden et ses amis s’y adonnent plus discrètement chez Sapsiway, voire comme Philippe Houbert et Daniel Mourgues, qui montent une pièce ici chaque année, depuis si longtemps déjà, avec le succès qu’on connaît ?

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