ASP Kokil : « On a fait de moi un bouc émissaire pour ne pas embarrasser les autres »

L’ancien Assistant Superintendent of Police (ASP) a saisi la Cour suprême pour contester sa mise à la retraite « forcée », avec en toile de fond l’enquête sur les cas de brutalité policière

L’ASP Roshan Kokil se dit convaincu que l’on a fait de lui « un bouc émissaire évident » afin, selon lui, de « ne pas embarrasser d’autres personnes » au sein de la force policière dans l’affaire de l’enquête sur les cas de brutalités policières perpétrées par des éléments de la Central Investigation Division (CID) de Terre-Rouge.

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Ce haut gradé de la police, affecté à la Central Investigation Team du CCID, a logé en Cour suprême hier une demande de Judicial Review contre la Disciplined Forces Service Commission (DFSC) et le commissaire de police Anil Kumar Dip pour contester la décision de le pousser vers la retraite anticipée. L’ASP Kokil soutient dans la cadre de cette démarche de révision judiciaire qu’il avait soumis un rapport sur l’enquête qui lui avait été confiée, aussi bien sur la clé USB contenant les vidéos des actes de tortures, à l’ancien CP Khemraj Servansing le 15 janvier 2021, ajoutant ne pas savoir ce qui s’est passé par la suite.

L’ASP Roshan Kokil conteste la décision de la DFSC et du commissaire de police de le pousser vers la porte de sortie au sein de la force policière, le sommant ainsi à recourir à son départ à la retraite après 34 ans de service. Le principal concerné, à travers ses hommes de loi, Me Ali Hajee Abdoula et Preetam Chuttoo (avoué), a soumis une demande de Judicial Review contre ce qu’il dit être une démarche visant à faire de lui « le bouc émissaire » pour le manque d’actions contre les officiers de police tortionnaires depuis décembre 2020, date à laquelle l’avocat Rama Valayden avait remis à la police la clé USB contenant des vidéos de ces actes de torture.
Selon les affirmations de l’ASP Kokil, la clé USB, qu’il avait obtenue du DCP Heman Jangi, semblait être très ancienne et dans un état lamentable.

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Il explique ainsi qu’en ce 6 janvier 2021, il avait visionné le contenu de ladite clé et qu’il avait constaté que les vidéos étaient « tellement floues » que ni les protagonistes, ni les lieux, ni les voix, ni les actions ne pouvaient être identifiés. Ainsi il dit avoir demandé au Chief Inspector Angelo Dieudonné et à l’inspecteur Rajendranath Ajodha, tous deux en poste au sein de la CIT Nord, de visionner eux aussi ces vidéos, « qui étaient très floues ».

Roshan Kokil poursuit qu’en dépit du fait qu’il était « très pris » par le naufrage du MV Wakashio, il avait initié enquête sur le contenu du pendrive, malgré le fait que les voix contenues dans les vidéos étaient peu audibles et intermittentes, ne pouvant en effet uniquement comprendre que certaines personnes étaient malmenées.

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Selon ses dires, le 14 janvier 2021, afin que l’enquête puisse être poursuivie avec diligence, il a demandé à ses deux collègues de rencontrer l’avocat Rama Valayden à son bureau en vue d’obtenir une meilleure copie des vidéos se trouvant sur la clé USB. Ce dernier devait ainsi faire comprendre aux enquêteurs, dit-il, qu’il n’était pas en possession d’une meilleure copie des vidéos et que, selon ses informations, les incidents se seraient déroulés dans le nord du pays. Me Valayden aurait également déclaré n’avoir aucune information sur les victimes de ces actes de brutalités policières.

L’ASP Kokil soutient que l’affaire n’a pas été mise dans un tiroir dans la mesure où, le 15 janvier 2021, le CP Khemraj Servansing lui a parlé par téléphone pour réclamer une mise à jour du contenu de la clé USB. Ainsi l’ASP affirme avoir préparé un rapport « le jour même », soulignant que Me Rama Valayden n’avait pas de meilleures copies des vidéos, qu’il refusait de se prononcer sur la clé USB et sa provenance, et que son équipe et lui continuaient de faire les efforts nécessaires en vue de recueillir des informations sur les différents protagonistes apparaissant dans les vidéos.

Il dit en outre avoir informé l’ancien CP dans son rapport qu’au vu de la « très mauvaise qualité » des vidéos, aucune information ne pouvait être recueillie. Il précise qu’une entrée à cet effet figure aussi dans le Dispatch Book de la CIT North. L’ASP Kokil poursuit en affirmant avoir pris connaissance le 28 mai dernier de quatre vidéos qui circulaient sur les réseaux sociaux, ajoutant avoir ensuite chargé le DCP Jangi de poursuivre son enquête sur l’affaire au vu des nouveaux développements.

Ainsi, selon lui, les quatre vidéos, contrairement à celles contenues sur la clé USB, étaient « très claires » et les protagonistes étaient « facilement identifiables ». Les officiers de police s’étant adonné à ces actes de violence ont alors été identifiés, de même que les trois personnes victimes d’actes de torture alléguée. Anisi, explique l’ASP, il a soumis un nouveau rapport le lendemain à l’actuel CP Anil Kumar Dip, désignant ainsi les officiers de la CID de Terre-Rouge comme étant les tortionnaires visibles dans les vidéos mises en ligne.

Roshan Kokil explique avoir été informé en juin dernier qu’il serait interrogé par une Special Team, composée de l’ACP Armoogum, du SP Gungadin, de l’ASP Kurreeman, du WCI Raymond et du SI Kissoondayal, dans le cadre d’une enquête interne visant à déterminer « whether there has been a failure on the part of police officers to take actions » en relation avec le pendrive soumis par Me Valayden au CP Servansing. Poursuivant qu’après avoir fait son récit des faits, il a été informé par le bureau du commissaire de police, entre autres, que « failure in handling of the enquiry on the pendrive has caused immense prejudice and brought disrepute to the image of the Police at both national and international levels », et qu’il avait fait de fausses déclarations contre l’ancien CP Servanising. On estime qu’il s’est rendu « unworthy of the trust and confidence of superiors and subordinates of the Mauritius Police Force ».

L’ASP Kokil se dit d’opinion qu’un avis de départ à la retraite ne peut être réservé qu’à un officier reconnu coupable de « graves maladresses professionnelles », et ce, sur une longue période et sans aucune amélioration de son travail, malgré les reproches formulés. Ajoutant que c’était « la première fois » de sa carrière qu’il faisait face à des problèmes disciplinaires, et ce, « injustement ». L’affaire sera appelée le 21 novembre prochain avec toutes les parties assignées, notamment la DFSC, le CP, l’ancien CP Servansing, et les collègues de l’ASP Kokil, qui devront communiquer leur position.

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