L’État a été condamné à payer Rs 100 000 au dénommé D. Neemye, qui avait déposé plainte au civil pour actes de tortures de la part de la police. Dans un jugement rendu vendredi dernier, la juge Rita Teelock, Ag. Senior Puisne Juge, a estimé que la police a commis une « faute lourde » et agi sans discernement en menottant le plaignant au niveau des pieds et en l’enchaînant à son lit d’hôpital, au mépris de la section 7 de la Constitution, des Police Standing Orders et du manuel de la police.
Les faits remontent au 2 janvier 2009, dans le village de Tamarin. C’est avec des brûlures au torse et à l’abdomen, en plus d’une lacération au niveau du lobe pariétal, que le plaignant avait débarqué au poste de police de Rivière-Noire en ce deuxième jour de l’an. Vu l’état dans lequel il se trouvait, il avait été immédiatement conduit au dispensaire de la localité par les policiers, avant d’être transféré à l’hôpital Victoria, où il a été admis, son cas étant jugé sérieux par les médecins.
Ce n’est qu’après qu’il ait reçu les premiers soins que les policiers ont pris sa déposition, dans laquelle il a relaté les circonstances dans lesquelles il avait été blessé. Elles avaient pour origine une bagarre avec son beau-frère qui, lui, n’avait pas survécu à ses blessures.
Faisant l’objet de soupçons d’homicide involontaire, la police devait le placer sous surveillance permanente à l’hôpital, avec des sentinelles se relayant pour s’assurer qu’il ne prenne pas la fuite. C’est ainsi qu’à partir du 4 janvier, le suspect a été menotté au niveau des pieds puis enchaîner à son lit, et ce, jusqu’au 15 janvier.
Dans sa plainte, M. Neemye soutient qu’il a été l’objet d’un traitement inhumain de la part la police. Les actes de tortures et/ou de brutalités dont il a été victime lui ont donné l’impression qu’il était « un animal », dit-il. Ainsi, pour se rendre aux toilettes ou à la salle de bains, il devait marcher, accompagné d’un policier, les menottes aux mains et les pieds enchaînés. Le tout sous les yeux de son épouse, de ses enfants, de ses proches et d’autres visiteurs et patients de la salle dans laquelle il avait été admis. Ce n’est qu’après que son avocat lui a rendu visite à l’hôpital que la police a décidé de lui retirer les menottes et de ne plus poster de sentinelle pour le surveiller.
Dans son jugement, la juge Teelock a estimé que le traitement de la police envers le plaignant « lacked an element of discernment on their part ». Du reste, poursuit-elle, ce n’est qu’après que son avocat ait attiré l’attention des policiers sur l’état de son client qu’on lui a retiré ses menottes et qu’on a arrêté de le surveiller. Tout en acceptant que la détention du plaignant n’était pas illégale ou hors de proportion, la juge soutient qu’elle ne peut fermer les yeux sur la façon de faire de la police dans cette affaire.
Le traitement infligé au plaignant était à tout point de vue dégradant et humiliant, dit-elle. Pour elle, la police a commis une « faute lourde ». Elle a de fait ordonné à l’État de dédommager la victime à hauteur de Rs 100 000 pour le préjudice commis.
M. Neemye était représenté par Me Yahia Nazroo, avocat, et Me Komadhi Mardemootoo, avouée. Le jugement tombe à un moment où la police a à répondre à d’autres cas de brutalités et de tortures devant les tribunaux, et qui ont défrayé la chronique ces derniers mois.