La contre-autopsie n’exclut pas un coup dans la zone des parties intimes de la victime
« Je n’ai trouvé aucune lésion attribuable à la violence, vu que l’état décomposé du corps ne permet pas d’aller plus loin. » C’est ce qu’a déclaré, hier, au tribunal de Pamplemousses le Dr Pierre Perich, médecin-légiste, dont les services ont été retenus par le Directeur des Poursuites Publiques pour une contre-autopsie du décès de Steeve Juliette suite à son arrestation par des éléments de l’Ant-Drug and Smuggling Unit (ADSU) au début de janvier 2023. Toutefois, il ne dédouane pas pour autant les policiers en charge de l’interpellation car la détresse que Steeve Juliette subissait à ce moment-là avait aggravé son état déjà fragilisé par des pathologies cardiaques et vasculaires antérieures. « La question se pose, s’il n’y avait pas interpellation ce jour-là, serait-il mort ? » devait-il se demander. D’autre part, le médecin-légiste, qui témoignait dans le cadre de l’enquête judiciaire, affirme avoir décelé trois ecchymoses « apparemment contemporains » au 5 janvier 2023, date de l’interpellation de Steeve Juliette, dont au bas du dos, mais rien qui soit susceptible d’entraîner la mort. Il a également examiné tous les os, mais n’y a décelé aucune lésion. Ayant étudié les documents fournis par le bureau du DPP, il sait que la victime s’était plainte de douleurs dans ses parties intimes, ayant évoqué un coup dans cette zone de son corps.
Or, le Dr Perich a expliqué qu’il ne pouvait se prononcer sur cet aspect du dossier. Il n’y a eu aucun signe de lésion des testicules, mais il y avait un gonflement des chairs dans la zone du pénis, et le Dr Perich n’exclut pas un coup qui a été porté à ce niveau, une blessure dont le Chief Police Medical Officer, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, n’en avait pas fait état dans son rapport. Après avoir officiellement déposé son rapport en cour, le Dr Perich a fait état de sa longue expérience. Cet ancien médecin militaire de l’armée française compte une vingtaine d’années d’expérience comme médecin légiste, et il est également chargé de cours à l’Université d’Aix-Marseille.
Le spécialiste a ensuite expliqué que la dépouille de Steeve Jacquelin Juliette avait été exhumée le 24 avril au cimetière de Poudre-d’Or. Le cercueil avait été convoyé à l’hôpital SSR et avait été désassemblé sur la table d’autopsie. Quatre autres médecins légistes ont assisté à l’autopsie en tant qu’observateurs : le Dr Sudesh Kumar Gungadin, le Chief Police Medical Officer, qui a été impliqué dans cette affaire ; le Dr Gert Saayman, Forensic Pathologist de l’Université de Pretoria, en Afrique du Sud, qui agit comme Watching Brief pour la police ; et le Dr Prem Chamane et le Dr Maxwell Monvoisin, Principal Police Medical Officers.
Alors que les photographies prises par le Dr Perich étaient projetées en Cour, le médecin-témoin a présenté les différentes étapes, ainsi que ses conclusions. Il a expliqué que la dépouille de Steeve Juliette était dans un état de décomposition avancée et présentait des signes de momification et de squelettisation, mais qu’il a pu examiner les os, une partie des muscles et des tissus cutanés.
Il a décelé les traces de l’autopsie effectuée initialement par le Dr Gungadin et a confirmé que cette autopsie avait été faite selon les normes internationales. Selon le Dr Perich, le Dr Gungadin avait fait état dans son rapport d’ecchymoses à la lèvre, au dos et aux membres supérieurs, mais n’avait noté aucune blessure aux parties génitales.
Le Dr Perich a toutefois identifié des signes que Juliette souffrait d’athérosclérose, soit le dépôt de graisses sur les parois des vaisseaux sanguins. Des signes d’infarctus antérieurs à son interpellation ont aussi été décelés. Il a confirmé les conclusions du Dr Gungadin, qui avait effectué des prélèvements biologiques et décelé la présence de produits toxiques dans le corps.
Le Dr Perich a ainsi expliqué que Steeve Juliette était décédé suite à un arrêt cardiaque à l’hôpital. Se basant sur la vidéo de l’interpellation brutale de Juliette, le Dr Perich ajoute que « l’air hagard, le visage terrorisé, décrit une sensation de mort imminente. Ce stress intense est accompagné par des palpitations cardiaques. Monsieur Juliette avait vécu son interpellation de façon traumatisante. » Il devait décrire que ce traumatisme se traduisait par une tachycardie (accélération anormale des battements du cœur) et une respiration rapide. La détresse que Steeve Juliette subissait avait aggravé son état fragile. Cela avait précipité son arrêt cardiaque.
L’audience a alors pris fin et l’affaire a été renvoyée au11 juin.
Les révélations de Missie Moustass en 2024 avaient relancé cette affaire, dont des échanges téléphoniques entre l’ancien commissaire de police, Anil Kumar Dip, et le Chief Police Medical Officer. Durant cette conversation, Anil Kumar Dip semblait donner des directives pour que l’autopsie révèle que Jacquelin Juliette était mort de causes naturelles. Le DPP avait alors ordonné une enquête judiciaire au niveau de la Cour de district de Pamplemousses.
Rama Valayden : « Le Dr Perich n’a jamais dit qu’il n’y a pas eu de Foul Play »
Me Rama Valayden, qui ensemble avec Mes Sanjeev Teeluckdharry et Anoop Goodary, agit Pro Bono comme Watching Brief pour la famille Juliette, a fait une déclaration à la presse une fois l’audience levée.
Il a expliqué que le Dr Perich n’a jamais dit qu’il n’y a pas eu de Foul Play ». Il a expliqué qu’en droit, il y a un principe connu comme Eggshell Skull Rule, qui établit qu’un agresseur ne peut se dédouaner de la mort de quelqu’un en invoquant une faiblesse que sa victime avait déjà, et qui avait précipité sa mort. Il a expliqué que les policiers sont toujours responsables de la mort de Juliette en vertu de ce principe. Il a par ailleurs lancé un appel à Missie Moustass de venir de l’avant avec d’autres bandes sonores au sujet de cette affaire.