Des mesures difficiles

Moins de 24 heures après la présentation du budget 2025-26, les débats sur certaines mesures annoncées par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, s’enflamment. On peut comprendre que les partis de l’opposition, dont le leader de l’opposition parlementaire, Joe Lesjongard, saisissent cette occasion pour s’en prendre au gouvernement. Le problème est que, dans le cadre de ces débats, beaucoup sont des opportunistes qui cherchent avant tout à se mettre en avant. Le pire est que certains, qui n’ont même pas voté aux dernières élections générales ou qui ont voté pour la forme pour des partis qui n’avaient manifestement aucune chance de faire élire leurs candidats, sont entrés dans la danse pour réagir sans réfléchir.
Il est un fait que le pays était au bord du gouffre. L’endettement du pays avait atteint un niveau insoutenable, soit 642 milliards de roupies ou 90% du Produit intérieur brut (PIB). Le déficit budgétaire tournait autour de 9,8% du PIB, et le déficit commercial, estimé à 203,7 milliards de roupies, représentait 29,4% du PIB. Le service de la dette s’élevait à 21,8 milliards de roupies annuellement puisé du budget.
La situation économique avait déjà été exposée dans le State of the Economy présenté par le Premier ministre en décembre dernier. Par la suite, la sonnette d’alarme a été tirée par les institutions internationales. La presse internationale, dont The Economist, avait souligné que le pays, autrefois connu pour son miracle économique, était en grand danger. Moody’s avait mis le pays sous surveillance, qualifié la situation économique de « négative » et avait presque envoyé un ultimatum au gouvernement.
Dans son analyse de janvier, l’agence observait que : « The outlook could return to stable if the government proposes and starts to implement a comprehensive fiscal consolidation package that offers prospect of reversing the rise in government debt. Signs that revenue-enhancing measures are yielding results, that the risk of a contractionary impact is contained and that efforts to reduce spending are sustained would increase the likelihood of placing the debt on a downward trend. » L’avertissement concernant une dégradation ne pouvait être plus clair. À cela s’ajoutent les problèmes découlant du vieillissement de la population, qui reviennent régulièrement dans les rapports du FMI.
Face à cette situation, le Premier ministre et ministre des Finances a choisi de prendre la voie difficile, quitte à devenir impopulaire pendant un temps. Car il faut à tout prix éviter tout risque de dégradation qui pourrait coûter très cher au pays et à sa population. Dans le but d’éviter la détérioration de la santé économique, le ministre des Finances propose une pilule amère, certes, mais qui pourrait stabiliser la situation économique à moyen terme. « Il fallait avoir le courage d’introduire des mesures pour le bien du pays », a lancé Navin Ramgoolam en réponse à ses détracteurs.
Au lieu de poursuivre une stratégie de croissance basée sur la consommation au détriment des consommateurs, le gouvernement a décidé de miser sur un modèle axé sur l’investissement productif, l’innovation et la transformation structurelle, à savoir une productivité accrue, des investissements ciblés, de nouvelles stratégies commerciales et le bien-être des consommateurs. On a bien vu les effets qu’avait subis la population avec la hausse de l’inflation et la dépréciation de la roupie, où le gouvernement précédent augmentait ses revenus au détriment non seulement de la population, mais aussi du pays.
Certaines mesures peuvent, à première vue, être impopulaires, notamment le report de l’âge de la retraite à 65 ans, qui a fait débat dans de nombreux pays. Mais le débat est engagé. Il faudrait peut-être trouver un système de ciblage qui permettrait à ceux au bas de l’échelle de percevoir une partie de leur pension dès 60 ans. Il faudrait également analyser l’effet de l’abolition des taxes sur les smart cities sur l’industrie immobilière en général. L’introduction de l’importation parallèle de médicaments ne devrait-elle pas être accompagnée de la mise en place d’un laboratoire de haut niveau pour éviter l’infiltration de produits contrefaits ?
Les débats qui débuteront le 17 juin devraient nous permettre d’y voir plus clair, car le budget contient de nombreuses mesures positives. Mais une chose est sûre : le gouvernement doit mettre l’accent sur la communication, qui est pour le moment sa principale faiblesse.

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Jean-Marc Poché

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