Il a suffi d’une chanson, « Souvenirs de nos anciennes paysannes » pour propulser Eddy Caramedon au summum de la notoriété en décrochant le prix Découvertes de RFI en 1983. Les années ont passé, l’artiste a mûri même s’il veut rester discret sur son âge, effleurant le temps d’un revers de la main. La poésie lui colle toujours à la peau, au point d’avoir élargi sa passion de chanteur à celle d’écrivain avec trois romans à son actif, dont le troisième, L’ami caporal Lyndsay Lapeyre, qui sortira à la mi-mars en hommage à son ami assassiné par son propre fils.
Chanteur à texte, Eddy Caramedon a su avec subtilité capturer les mots et les mettre en musique. Une parenthèse enchantée car quand la musique rencontre la littérature, elle devient poésie et façonne les écrivains. Cette écriture, il la cisèle à l’encre de ses yeux en gardant un regard vif sur l’actualité.
Trois romans dans son escarcelle : Lettre à toi-même, une autobiographie, suivi d’un thriller, Du sable dans les chaussures. Avec son nouveau roman, Le caporal Lyndsay Lapeyre, bras droit de Raj Dayal, l’écriture a été plus tourmentée. « C’était un ami, Lyndsay qui était caporal et qui a connu une fin atroce. Il ignorait que son fils, Christophe, était toxicomane et il l’a surpris fumant de la drogue synthétique. Son fils l’a tué à coups de marteau et de couteau, c’est macabre. Un parricide. Lyndsay travaillait dans la même équipe que Raj Dayal. Il y avait une belle amitié entre Lyndsay et Raj Dayal. J’ai entamé l’écriture de ce livre en plein-Covid. J’ai eu l’occasion d’avoir le témoignage de Raj Dayal de son vivant. Je raconte aussi mon histoire avec Lyndsay, mon ami d’enfance. Nous avions étudié dans le même collège et je me souviens qu’enfant, Lyndsay était fasciné par les Casernes. Grand, il est devenu soldat et il est mort en soldat. »
Écrire est devenu un exutoire pour Eddy Caramedon qui trouve que le métier de chanteur ne suffit plus. La poésie, il en a fait son armure, décrochant ainsi une médaille de bronze du Jasmin d’argent avec « Île Maurice » et le prix du département de la Dordogne pour le poème « Ailleurs ». « C’est plus facile d’être journaliste qu’écrivain. Il n’y a pas longtemps Natacha Appanah lançait son roman en France et quelqu’un m’a demandé comment on devient écrivain. Je n’ai pas eu de réponse à cette question, car pour moi, il faut être narrateur de sa vie avant de pouvoir s’aventurer vers des écrits, qu’ils soient fictifs ou autobiographiques. »
Des mots, des notes et des couleurs
Eddy Caramedon trouve que le goût de l’écriture vient de l’éducation donnée par les parents et par goût personnel. Sa mère était enseignante et son père l’a formé dans le domaine musical. À 11 ans, il se découvre des aptitudes pour le chant, ce qui le pousse à écrire de la poésie. « J’ai même un poème dédié à ma mère, “Ailleurs”. »
Consultant artistique à RFI, Eddy Caramedon a découvert l’univers radiophonique, mais ce qui l’a vraiment amené à l’écriture c’est le journalisme politique. Son destin à lui s’est ciselé sur Souvenirs des anciennes paysannes, son tube phare qui résonne encore dans bien des cœurs où les rivières, les fleurs de canne, les marins, les pêcheurs racontent une île Maurice colorée.
Ayant commencé sa carrière dans les années 70 à Maurice avant d’émigrer en France dans les années 80, Eddy Caramedon a réussi par sa détermination à se frayer une place de choix jusqu’aux grandes scènes internationales aux côtés de Catherine Lara, Marc Lavoine, Robert Charlebois avec un titre, « Je m’envole », qui lui a valu le prix de la presse et du public. Il a même écrit un titre pour Billy, un rockeur des années 80, a eu la chance de faire la première scène du concert d’Éric Blanc, tout en signant chez Eddy Barclay, Ivre de toi. En parallèle, l’artiste crée dans les années 80 son groupe Coffee, puis AYO où il coproduit un mini-album séga.
Cette année, il a décidé de redonner libre cours à sa passion avec le lancement d’un nouveau CD, Évasion, mini-album de cinq titres conçu pendant la crise sanitaire. « Il fallait trouver un titre pour ce nouveau CD et “Évasion” représente un nouveau souffle de vie après la pandémie. Aujourd’hui, c’est vrai, je n’aime pas trop les concerts en solo, je préfère m’entourer d’une équipe pour qu’il y ait plus de vibe. »
Un besoin d’énergie créatrice anime encore Eddy Caramedon. Ses textes, il les considère plus poétiques que les textes d’amour. « Je sais dessiner la vie avec des mots et je reste avant tout un chanteur de variété. Il faut beaucoup de nostalgie dans la poésie. Je n’ai jamais été fan du rap mais de Whitney Houston et Lady Gaga dont le genre de mélodie m’impressionne. Un musicien est comme un troubadour et pour durer il faut le facteur chance qui est le public. Sur ce, j’emprunterai les mots de Cabrel qui disait : “J’espère après 50 ans de carrière trouver encore un disque dans les bacs”. J’ai connu la traversée du désert, mais la gloire que le public nous fait est éternelle. »
Narrateur de sa vie, philosophe à sa manière, Eddy continue d’être un auteur-compositeur-interprète et aussi un écrivain qui reste convaincu que « la gloire d’un artiste se fait à la reconnaissance du public ».