Dans la conjoncture, la vie dans la Cité s’articule principalement autour de deux problématiques majeures. D’une part, les effets incommensurables de la drogue, surtout du Simik, au sein de la société, mais essentiellement parmi les jeunes, la relève de demain. D’autre part, la décision, presque immuable, du gouvernement de l’Alliance du Changement, de mettre à exécution la BRP à 65 ans, affectant ceux qui ont consacré toute une carrière, chacun à sa façon, à la construction de l’édifice de la nation mauricienne. Cela, que ce soit sur le plan politique ou encore en termes de cohésion socio-économique.
Dans les deux cas, les discours et commentaires, l’industrie zeko, ont battu des records de croissance. S’il y avait une taxe sanctionnant Lalang pena lezo, Lakes pa ti pou vid. C’est ce que diront les plus perfides. Pour la BRP à 65 ans, les débats ont été entamés depuis la présentation du budget le jeudi 5 juin et risquent de se poursuivre encore longtemps.
De leur côté, les débats sur le fléau de la drogue ne datent pas d’hier. Oui. La génération appelée à assurer la relève post-indépendance s’était réveillée un matin au début des années 80 avec l’hydre du Brown Sugar, laissant des quartiers comme des champs de bataille jonchés de loques humaines, pour ne pas dire de cadavres. À la manière d’Attila, qualifié historiquement de « fléau de Dieu ».
Toutefois, la lutte acharnée contre les trafiquants de drogue d’alors, avec le soutien inconditionnel de la société civile, tous segments confondus, a débouché sur des résultats à la hauteur de la situation dans un contexte d’exception. Que ce soit dans la lutte contre la prolifération de la drogue, avec les différents événements organisés dans le cadre d’une campagne de mobilisation en marge de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues le 26 juin, ou dans le cadre de la réforme avec l’élévation de l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension de 60 à 65 ans à partir du 1er septembre, la population a été abreuvée de discours.
Serait-il exagéré d’avancer qu’à la sortie de ces débats, notamment concernant la situation des stupéfiants dans la société, nou’nn droge (pour ne as dire nou gagn nisa) ar zeko (koze) mais fat-yen (comme les accros à la drogue) en réalité (le Way Forward) ? Chaque intervenant a le droit d’avoir raison dans ses analyses, ses réflexions ou encore ses méthodes proposées.
Le droit à la parole est la traduction de l’expression la plus directe d’une démocratie vivante ou encore d’une pratique retrouvée de la démocratie après une longue période de kadnasaz sans compromis.
À cela se greffe la magie des chiffres à faire tourner la tête. 43 % des consommateurs optent pour le cannabis, 28 % s’adonnent à l’héroïne, 13 % sont sous le régime du Subutex et 9 % consomment des drogues de synthèse. Pire encore, les centaines de millions de roupies de drogue saisies ces derniers temps. Les conditions du marché, même s’il est illicite, font qu’avec le prix du pouliah de gandia, presque inaccessible pour certaines catégories, le trafic de Simik est déjà en phase exponentielle de croissance.
Sur le terrain, la National Agency for Drug Control, dont la composition du Board a été annoncée par le Conseil des ministres vendredi, a du pain sur la planche. Le marché des stupéfiants subit un rajeunissement, avec des consommateurs de plus en plus jeunes — une vérité de La Palice — et aussi dans le réseau de trafic, avec des accros transformés en agents actifs de distribution, avec en prime le besoin d’assouvir leur manque quotidien, tandis que des Gro Palto, bien protégés, ou encore immunisés, semblent à l’abri de toute poursuite par les autorités. Sauf au titre des Unexplained Wealth, au nom de Sa Majesté le Blanchiment.
Quand les consommateurs ne sont pas convertis en martins des trafiquants ou autres, la détresse et les dégâts causés dans les cellules familiales, avec les proches, notamment les aînés vulnérables pour cibles, ne peuvent être occultés. Meurtres dans les cas extrêmes, mais surtout des angoisses chroniques et sans limites, si ce n’est des sévices cruels, au quotidien.
Les préjudices, matériels ou émotionnels, subis dans ces familles ne sont pas encore intégrés dans la Matrix for Drugs Control. C’est une réalité. Les larmes versées par ces mères de famille, plus visibles que le stoïcisme des pères devant le désastre à la maison, n’ont pas de prix. Mais ces sentiments pèsent lourd dans le bottomline de la société.
Indépendamment — et en complément — de tout plan d’action susceptible d’être élaboré par la National Agency for Drug Control, le point de départ vers une Drug-Free Society ne relève-t-il pas d’une prise en charge plus responsable au niveau de la cellule familiale, avec des effets contagieux — dans le bon sens — dans le quartier, à l’école et au travail ? Quoi ? Une affaire de tous, avec un mindset faisant fi de toute aliénation au sein de la nation, qui se donne pour ambition, depuis le 12 mars 1968, d’avancer As One People, As One Nation.
N’est-il pas vrai de dire que quand quelqu’un sent qu’il est rejeté par le mainstream, il se voit tenté d’emprunter la voie marginale pour justifier la pertinence de son existence, croyant trouver sa comfort zone comme les autres, quitte à nuire à ses qualités intrinsèques et mettre en danger le tissu social en général ? Le combat contre la drogue ne passe-t-il pas par une aliénation de toute aliénation au sein de la Cité ?