Droits humains : une journée riche en réflexions et propositions

La Journée internationale des droits humains, célébrée le 10 décembre, n’a pas été cette année une simple routine. Elle a été marquée par deux activités fortes : le séminaire organisé par la National Human Rights Commission à l’Hennessy Park Hotel et l’atelier tenu par Dis-Moi à l’Institut français de Maurice. Ces rendez-vous ont mis en lumière, avec intensité, les fissures, les contradictions et les urgences d’un pays qui célèbre volontiers les droits humains, mais peine encore à les traduire pleinement dans la réalité. Le message, sans complaisance, était clair : Maurice n’a plus le luxe de l’autosatisfaction. Un message également relayé par deux autres initiatives importantes : l’exposition organisée par le Parliamentary Gender Caucus sur la violence basée sur le genre et le jubilé des migrants tenu cette semaine par le diocèse de Port-Louis.

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A l’Hennessy Park Hotel, le président de la République, Dharam Gokhool, a dressé un constat sévère : nos droits humains se fragilisent là où ils devraient se renforcer. Il a rappelé que les droits fondamentaux « ne vivent que lorsqu’ils sont embrassés dans l’esprit », soulignant que la santé mentale, le vieillissement, l’inclusion, la vulnérabilité numérique ou la condition des migrants exigent désormais bien plus que des textes : ils requièrent une volonté politique réelle. Le pays ne peut plus se réfugier derrière une Constitution de 1968, devenue trop étroite pour contenir les défis du présent.

Dans cette même logique, Satyajit Boolell, président de la NHRC, est intervenu mercredi. Il a rappelé que la protection des droits humains repose d’abord sur des institutions capables de déranger. La Commission, a-t-il soutenu, ne vaut que si elle ose poser les questions difficiles, résister aux pressions et rappeler que le respect des droits n’est pas une faveur administrative : c’est un impératif d’État de droit. Un rappel nécessaire, presque salutaire.
Lors de l’atelier organisé par Dis-Moi, le ton était plus frontal. Ashok Subron a énoncé une vérité implacable : il n’y aura pas de droits humains sans droits de la nature. La justice sociale, a-t-il affirmé, est indissociable d’un écosystème vivant. Et ceux qui tentent d’empêcher l’inscription des droits de la nature dans la Constitution se dressent non seulement contre le progrès écologique, mais aussi contre le progrès démocratique. La société civile n’a pas vocation à applaudir, mais a vocation de résister.

Le président de Dis-Moi, Lindley Couronne, a replacé le débat dans une perspective historique. La Déclaration de 1948 est née d’un monde dévasté; or, a-t-il averti, « nous ne nous sommes pas libérés des monstres ». Les menaces changent de forme – extrémismes, dérives autoritaires, violence numérique –, mais elles ressurgissent toujours par les failles que nous leur laissons.

Face à ces voix, l’Attorney General, Gavin Glover, a choisi de tracer la voie institutionnelle : la Constitutional Review Commission sera opérationnelle d’ici fin décembre ou début janvier. Son président a déjà été identifié. En évoquant les faiblesses de l’Independent Police Complaints Commission et la nécessité d’un modèle de contrôle plus robuste, Glover a reconnu – explicitement, enfin – que l’accountability demeure le talon d’Achille de notre démocratie.

Par ailleurs, beaucoup s’étonnent du manque de cohésion au sein du système des Nations Unies. En s’appuyant sur l’avis d’une infime minorité de Chagossiens vivant à Londres, l’UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination (CERD), où siège un représentant mauricien, a exprimé une vive inquiétude selon laquelle un récent accord bilatéral entre le Royaume-Uni et la République de Maurice concernant l’archipel des Chagos « would perpetuate longstanding violations of the Chagossian people’s rights ». Une affaire à suivre de près. Le gouvernement devait d’ailleurs apporter une réplique cette semaine.

La bonne nouvelle est venue de Washington, où le Ways and Means Committee a approuvé l’extension de l’AGOA pour trois ans, ce qui augure bien pour la suite du processus menant à la validation de la loi concernant les exportations mauriciennes vers les États-Unis.

Jean Marc Poché

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