Alors que l’actualité reste dominée par l’atterrissage à Maurice d’un jet privé transportant des dirigeants malgaches fuyant la révolution dans leur pays, et par l’arrestation de l’un des passagers, Mamy Ravatomanga, accusé de corruption et faisant l’objet d’enquêtes internationales, les débats parlementaires sur l’amendement au Criminal Code sont venus rappeler qu’au-delà des faits divers spectaculaires, la démocratie mauricienne poursuit sa propre trajectoire. Si la Private Notice Question du leader de l’opposition, mardi dernier, était axée sur ce dossier malgache, ce sont pourtant les débats sur le Criminal Code (Amendment) Bill, présenté par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, et visant à abroger les amendements introduits en 2021, qui ont retenu l’attention.
La raison en est simple : cette réforme touche à l’un des fondements essentiels de notre vie publique, à savoir l’équilibre entre la liberté d’expression et la responsabilité. Elle a également permis au gouvernement d’afficher l’image d’une équipe soudée autour d’une vision commune, notamment sur des sujets de souveraineté nationale comme la question des Chagos. La même démarche a été observée jeudi autour du Master Plan de l’île-aux-Bénitiers.
Dans son discours d’introduction, le Premier ministre a brossé un tableau magistral de la situation, en retraçant l’historique de la lutte pour l’exercice de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. L’occasion pour lui de souligner la dimension apolitique de ce combat, en rappelant la contribution non seulement des femmes chagossiennes – présentées comme des héroïnes –, mais aussi de figures telles que sir Seewoosagur Ramgoolam, Paul Bérenger et le MMM, sir Anerood Jugnauth et lui-même. En somme, la victoire remportée après quelque cinq décennies de lutte repose sur les épaules de géants politiques et sur leurs efforts indéfectibles.
Avec lucidité, Navin Ramgoolam a rappelé que l’introduction de l’article 76B du Criminal Code « was conceived in a specific context in 2021 », c’est-à-dire pour contrer ceux qui menaient campagne contre Maurice et qui étaient à l’origine d’une vaste opération de propagande destinée à maintenir les Chagos comme British Indian Ocean Territory (BIOT). Or, les choses ont changé depuis le mois de mai avec la conclusion d’un accord entre le Royaume-Uni et Maurice reconnaissant la souveraineté mauricienne sur les Chagos, y compris Diego Garcia. Dès lors, cette disposition du Code pénal n’avait plus de raison d’être.
« L’abrogation de l’article 76B est un acte de confiance démocratique. Elle montre au monde que Maurice n’a pas peur des mots, qu’elle ne criminalise pas les idées et qu’elle respecte les promesses constitutionnelles qui ont guidé notre lutte pour la justice », a insisté le Premier ministre. Cette déclaration a valeur de symbole. Elle s’inscrit dans l’idéologie du nouveau gouvernement et révèle une autre réalité, plus subtile : celle d’une démocratie qui affirme sa maturité, qui cherche à s’exorciser de la peur pour faire place à la confiance – confiance dans la parole, dans le droit et dans les institutions. C’est la conviction, partagée par plusieurs intervenants, dont le VPM Paul Bérenger, le Junior Minister Narsinghen et le ministre du Logement, Shakeel Mohamed, que la démocratie ne se défend pas en restreignant la parole, mais en la libérant, en l’éclairant, en la rendant responsable et respectueuse. Les orateurs gouvernementaux ont unanimement souligné que la loi introduite en 2021 était démagogique, inapplicable, et révélatrice d’un esprit de gouvernement cherchant à régner par la peur. Ils ont aussi dénoncé l’instrumentalisation de la question des Chagos à des fins de propagande politique, dans une vision à court terme. L’absence des parlementaires de l’opposition lors des débats a d’ailleurs été stigmatisée par tous les intervenants.
La démocratie n’a pas besoin de peur : elle a besoin de confiance et de paroles libres – dans la presse, au Parlement et au sein de la population. C’est cela, la maturité démocratique : savoir que la liberté n’est pas un privilège, mais une responsabilité partagée.
Profitons-en pour souhaiter bonne fête de la Toussaint aux Mauriciens de foi chrétienne et bonne fête à ceux qui commémoreront l’arrivée des premiers travailleurs engagés dimanche.
Jean Marc Poché
