Face à la tempête…
nécessité d’unité et de quiétude
Ce qui s’est passé ces derniers jours à la tête du gouvernement n’est pas acceptable dans le contexte actuel.
Il faut l’affirmer avec force.
Certes, les désaccords, voire les disputes, sont inévitables dans le cadre d’une alliance. Certes, l’exercice du pouvoir est difficile, complexe, et les tensions ne peuvent pas toujours être évitées. Mais, quand on a l’expérience politique et (j’ose le croire) existentielle de Navin Ramgoolam et de Paul Bérenger, quand on a le sens de l’histoire, il s’agit de savoir garder son sang-froid et sa lucidité.
Aussi, et surtout, il s’agit de savoir ne pas se laisser dicter par l’impulsivité, l’impatience d’un côté, et l’excès de prudence, des calculs politiciens éhontés, des compromissions ou de la faiblesse inacceptables et inconcevables à l’égard de certains affairistes patentés de l’autre côté.
Dans le contexte local, régional, international problématique dans lequel le pays se trouve, tout cela prend en otage la population mauricienne, la plonge dans une anxiété et une désillusion qui ne favorisent pas la nécessaire volonté de travailler avec acharnement pour redresser un pays fragilisé par dix ans d’inertie, de manque de vision et d’incompétence.
Le pays a besoin de pouvoir avancer dans la quiétude mais surtout dans l’unité, la cohérence, la discipline, la solidarité et la volonté inébranlable de construire les conditions de la résilience. Il s’agit aussi d’avoir la volonté infaillible de reconstruire les fondements démocratiques, économiques, politiques, sociaux et culturels nécessaires pour que le pays puisse braver les mille dangers qui le guettent ; nous voguons déjà en eaux troubles et il est possible de prédire que c’est la tempête qui nous attend ces prochaines années.
Un monde en crise…
La COP 30 qui se déroulera bientôt devrait déjà nous rappeler que Maurice est un des pays les plus exposés aux dangers et menaces associés au dérèglement climatique.
Aussi, les tensions géopolitiques actuelles et à venir entre le monde occidental et la Russie, mais également (et surtout) entre la Chine et les États-Unis, nous exposent à des risques certains et à de l’aléatoire aussi bien dans les relations internationales que dans le devenir économique et financier de l’île. Le pays sera ainsi livré à tous les vents tumultueux d’un monde en surchauffe et en proie à des convulsions militaires qu’on croyait révolues.
Il est aussi évident que nous entrons (voire que nous sommes déjà) dans une ère nouvelle qui menace d’ébranler le socle même des conditions socio-économiques rendant possible l’émergence et la pérennité de toute société civilisée, c’est-à-dire, le monde du travail. L’intelligence artificielle va effectivement redéfinir profondément, et beaucoup plus rapidement qu’on ne le croit, le travail humain.
En fait, c’est déjà le cas. Il est donc possible de prédire, qu’on est en train de s’y préparer ou pas, un profond bouleversement du système socio-économique dominant dans le monde. Au mieux, cela va redéfinir le rôle de l’humain au sein des sociétés, au pire cela mettra à mal sa place au sein des sociétés auxquelles il appartient. Le marasme social et ce qu’on connaîtra risquent d’être inédits.
Il faudrait ajouter à tout cela la crise énergétique qui s’annonce, aussi bien que celle de l’eau ou des terres rares, et leur exploitation et contrôle. Bref, les défis contemporains à l’échelle de la planète sont nombreux.
Un pays fragile et malade
À tout cela se greffent nos crises intérieures qui exigent thérapie, réformes fondamentales, reconstruction, réinvention, et cela au plus vite.
Il est nécessaire qu’on s’y attelle sans qu’on se laisse distraire par des peccadilles et des désaccords, des bouderies ou des crises d’ego inadmissibles face aux problèmes qui gangrènent la société mauricienne.
Le pays est malade. Pêle-mêle, pour synthétiser : la drogue tue dans nos maisons et sur nos routes. Des adolescents sont en situation prédiabétique et s’adonnent à une violence physique et psychologique que les plus âgés ont du mal à imaginer. Le taux de suicide parmi eux devient extrêmement préoccupant. Notre école a vacillé ces dernières années et continue à échouer d’être à la hauteur. Et, ces dernières années, face aux enjeux contemporains, elle n’a produit que du vide.
Notre économie, quant à elle, reste extrêmement fragile et les agences de notation nous surveillent de près. Quant aux institutions publiques ou para-publiques, elles ont besoin d’être revues de fond en comble.
La crise démographique – ses causes comme ses conséquences : vieillissement de la population, fuite des cerveaux, ébranlement culturel et identitaire – doit aussi être pensée, préparée, résolue au risque de nourrir chez les jeunes générations le désespoir et le constat résigné qu’il faut quitter cette île, fragilisée par dix ans de gestion calamiteuse, fragilisée par les vents contraires venus du monde entier et, désormais, fragilisée par les tiraillements inutiles et irresponsables de nos dirigeants actuels.
Le pays ne mérite pas ça, le mauricien, toutes générations confondues, ne mérite pas ça.
L’Union sacrée
Il y a un an, c’est collectivement, dans un sursaut d’orgueil national, dans une certaine lucidité retrouvée, dans un désir renouvelé de plus de démocratie et de liberté, dans un sursaut politique salutaire, c’est, oui, majoritairement, que nous avons voté pour un changement radical de nos mœurs politiques et l’espoir que le pays puisse panser ses plaies et avancer.
Certes, personne n’était dupe des mauvaises expériences passées associées aux tentatives malheureuses de rendre pérenne une alliance entre le parti travailliste et le MMM ; plusieurs fois, ils auront échoué à aller jusqu’au bout. Mais, tout un peuple, lassé d’un pouvoir malsain et désastreux pour le devenir du pays, a voté une coalition se voulant être le symbole d’une union sacrée, à la fois entre deux des plus grands partis de l’île, mais également union sacrée entre tout ce qui constitue le tissu social et identitaire du pays. L’espoir étant de remettre ce pays sur les bons rails de l’Histoire.
L’espoir était grand et tout le monde était et reste conscient que pour cela le pays a besoin de toutes les compétences disponibles à la tête du pays : celles émanant des quatre partis élus.
Nous n’avons pas d’autres choix crédibles alors que le MSM et ses alliés se sont fourvoyés et se sont discrédités en amenant le pays au bord d’un gouffre dans lequel on risque toujours de sombrer si nous n’agissons pas avec patience et intelligence. Collectivement.
Un leadership digne
Il importe peu, un an après les élections générales, les sources de tension ou de désaccord. Le pays ne peut pas se permettre le luxe des disputes liées aux méthodes de gouvernance ou des disputes engendrées par la confrontation de tempéraments incompatibles.
Cela fait partie d’un leadership avisé que d’être lucide et responsable ; cela fait partie d’un leadership digne de ce nom que face aux enjeux, aux défis et aux attentes de tout un peuple, qu’on trouve des solutions pour aplanir les différends, qu’on trouve la volonté de toujours construire des ponts, et cela, au nom de l’intérêt supérieur du pays.
Un leader politique aspirant à entrer dans l’Histoire doit être capable de construire les conditions d’un dialogue permanent, et surtout être en mesure de maintenir ces conditions dans les moments difficiles. Surtout dans les moments difficiles.
Le sens de l’État, de l’histoire et la nécessité du sang froid
Le pays a assez souffert ces dernières années et si on veut donner à nos enfants des raisons de rester ou de revenir au pays, il est nécessaire que nos dirigeants nous offrent un spectacle digne.
Digne de nos attentes et des sacrifices que nous sommes prêts à faire pour le pays. Digne de notre histoire. Digne de nos objectifs et de notre potentiel. Digne de notre devenir commun en tant que nation et peuple souverain.
Le calme semble être revenu mais, connaissant les protagonistes, gageons que nous ne sommes pas à l’abri d’autres conflits.
J’ose penser cependant que nos dirigeants, ces chefs de partis au pouvoir, ont réellement à cœur la destinée de ce pays. Mais ce qu’on attend vraiment d’eux, c’est qu’ils soient plus que des chefs de partis.
Le pays a besoin de véritables hommes d’État, conscients du sens de l’histoire. Et le temps est à l’union des forces, à l’union sacrée de tous les Mauriciens, à l’union sacrée entre le Parti travailliste et le MMM, à l’union sacrée entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger.
Ils n’ont d’autre choix que de s’entendre.
Seul un gouvernement ayant une majorité confortable pourra mener à bout les réformes dont le pays a besoin pour s’en sortir.
Ce gouvernement a une chance historique de mener à bout les projets et ces réformes nécessaires. Le peuple mauricien a aussi voté pour cela !
Alors, messieurs nos dirigeants, au nom du pays, au nom de nos enfants, au nom de la destinée de cette petite île, au nom de l’intérêt supérieur du pays, oui la vie continue, mais, s’il vous plaît, un peu de décence, un peu de dignité, de calme, de vision, et du sang-froid, que diable !
Gillian Geneviève
