Chaque Mauricien ressent invariablement une énorme fierté depuis que le deal concernant les Chagos a finalement été conclu. Avec la souveraineté reconnue, les choses s’accélèrent. Retour des natifs dans leurs îles (sauf Diego Garcia, base militaire comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, dans l’éventualité d’une guerre), études et examens pour dégager et élaborer des projets et en parallèle de leur réinstallation, comment développer la destination, attirer investisseurs et touristes… Tout cela est certainement magnifique ! Ça donne du baume au cœur, quand on connaît cette âpre lutte, menée depuis plusieurs décennies. Ouf ! de soulagement massif et unanime, serti d’un énorme sentiment patriotique d’appartenir à une jeune nation qui s’est battue pour la reconnaissance de ses droits. Ça fait beaucoup de bien.
De facto, l’artillerie lourde est déployée. Le Premier ministre est, on le devine, au four et au moulin, d’autant que d’ici quelques jours, il présentera son premier grand oral, post le phénoménal 60-0 de l’histoire de notre pays ! Les attentes sont immenses. Le mot est faible. Le contexte socio-économique dans lequel vit la population est limite. Avec les augmentations incontrôlées, les ruptures de stocks (médicaments comme aliments), les trous sans fin laissés par l’ancien régime, couplé d’un climat de “Law & Order” qui ne cesse de dégénérer, le cœur du Mauricien tangue… dangereusement même, par moments.
Il cherche vainement à s’accrocher à la moindre brindille pour lui faire retrouver cette euphorie inédite, ce Feel Good Factor du 11 novembre 2024. Mais tel le toxicomane, aucune nouvelle dose ne vient ressusciter ce “yen” ressenti au premier shoot. À la place, les sensations s’estompent, irréversibles. Les craintes (énormes) que le premier exercice budgétaire du gouvernement Sanzman ne puisse que prôner le serrage de ceintures deviennent hantise.
On peut, malgré tout, se permettre de rêver… un tout petit peu, quand même. Dans ce fameux deal, il est question de compensations. La priorité des priorités est, évidemment, d’injecter des fonds, littéralement tombés du ciel, dans une économie défaillante pour faire redécoller le pays. Cela va de soi. Mais, dans le même temps, une partie de cette manne ne pourrait-elle pas être distribuée à la population ? Selon des modalités à définir, certainement. Si cela se concrétise, l’on peut imaginer le soulagement que cela amènera à tant de foyers qui se battent au quotidien pour manger décemment ! Et, au final, ce geste n’équivaudrait-il pas au partage du gâteau si cher à l’actuel Premier ministre ? Food for thought…
Mais revenons-en au toxicomane. Le vrai, cette fois. Les médias mettent régulièrement en exergue les souffrances indicibles des parents d’enfants accros aux substances illicites. Ces dernières semaines, des parents sont tombés sous les coups de leurs enfants sous influence. Certains mortellement. Des membres de l’actuel gouvernement, de même que des personnalités dans son giron, ont rencontré nombre de ces mères en détresse et désespérées. Pourtant, six mois après les élections, Anne, ma sœur, Anne : rien n’a été prévu pour ces victimes ! Aucune structure, aucune forme d’aide sous quelque ministère, aucune mesure pour les prendre en charge, les accompagner et un cadre pour les sortir de l’enfer qu’ils vivent. À mesure que passent les jours, ces familles survivent un peu plus difficilement. N’y a-t-il donc rien qui puisse être fait ? Est-ce que, d’après sa formulation, la National Agency for Drug Control (NADC) comprend quelque chose à l’égard de ces parents ? Ou ces Mauriciens sont-ils voués à rester invisibles, pendant que ces marchands de la mort tuent leurs enfants. Et eux avec !
La polémique s’est tue concernant la constitution du panel de sélection de la composition de la National Empowerment Foundation (NEF). L’on aurait, toutefois, apprécié, que dès le départ, Ashok Subron et Kugan Parapen aient fait preuve d’humilité et concédé qu’ils avaient commis une malencontreuse erreur. Plutôt que de s’enfoncer avec des explications qui leur ont fait davantage tort. La faute à leur manque d’expérience de la real politik ? Car le capital de confiance et de sympathie qui a été attribué au papillon de l’Alliance du Changement revêt un caractère important aux yeux de la population. Le mal est fait. Merci aux whistleblowers d’avoir attiré l’attention. Et, surtout, prions pour qu’il n’y ait plus jamais encore ce genre d’impair !
Husna Ramjanally