Nul ne s’attendait que ce temps de prière et de pèlerinage allait laisser place aux larmes et au désarroi. Deux jeunes pèlerins, Rohan Dorjan (22 ans) et Parmeshwar Dookeea (35 ans), ont perdu la vie hier sur la route à Mare-Longue. D’autres jeunes, qui habitent à Albion comme les victimes, ont été blessés. À l’hôpital Victoria, anxiété et peur transpiraient des visages des proches, dont les craintes ont été intensifiées par de viles rumeurs circulées sur les réseaux sociaux.
Il est 21h tapante, ce jeudi, quand la première dépouille quitte la morgue de l’hôpital Victoria sur une civière. Seuls les pieds du jeune homme dépassent du drap blanc qui le recouvre. Trois minutes plus tard, la seconde est tirée sur un brancard par des policiers et préposés de la morgue. Ceux présents se signent ou montrent un signe de respect.
Choc et incompréhension se sont installés après la mort de ces deux jeunes hommes. « Nous les avons croisés à Grand-Bassin », raconte un habitant de Gros-Cailloux, rencontré dans les couloirs de l’hôpital.
« A Mare-Longue, il y avait ce câble électrique. Enn parti kab-la pa ti ena kaotsou otour li, ti metal mem. Je me disais qu’il y allait avoir des problèmes à cet endroit. Nous avons fait très attention en soulevant le câble avec une perche en bois pour faire traverser notre Kanwar. Nous avons poursuivi notre route. C’est quand nous sommes arrivés à hauteur de l’hôpital Victoria que nous avons reçu la nouvelle, vers 15h30 », explique-t-il, en retournant de la Burns Unit.
Six jeunes hommes, dont certains présentent des brûlures au niveau de la tête et du ventre, ont été admis en cette unité dans la soirée. Un autre blessé a été placé aux soins intensifs.
En dehors, d’autres pèlerins victimes de cet incident restent inconsolables. Légèrement blessés, ils ont été autorisés à rentrer chez eux. Mais avant cela, la police a enregistré la version de certains d’entre eux. L’enquête devra déterminer comment ont-ils procédé à hauteur de Mare-Longue, où leur imposant Kanwar a pris feu après ce contact fatidique avec une ligne de haute tension, traversant cette route.
En début d’après-midi, des ambulances ont commencé à gagner l’hôpital Victoria. Familles et proches se sont déjà regroupés au niveau des Casualties, s’attendant au pire. Ce qui devait être une journée de pèlerinage et de prières s’est transformée en une insupportable attente. Aucune information fiable ne parvient jusqu’à la cinquantaine de proches anxieux.
Cependant, sur les réseaux sociaux étaient déjà annoncés trois morts. Des rumeurs dont les effets se sont révélés dévastateurs. Certains pleurent des morts, qui ne le sont pas. L’un des jeunes pèlerins, dont les proches n’avaient pas de nouvelles, était déjà annoncé comme décédé. Alors qu’aucune information confirmée n’était disponible.
Exaspérés par les rumeurs se propageant à grande vitesse sur les réseaux sociaux, des jeunes confrontent les journalistes sur place, leur sommant de faire preuve de respect. La situation déjà tendue menace de s’envenimer. Car, sur la toile et par messagerie, des chiffres gonflés et erronés sont annoncés.
« Rien n’est encore confirmé », tente de rassurer le député Rajesh Bhagwan, installé sur un siège de la salle d’attente des Casualties aux côtés de son colistier Franco Quirin. Les deux membres du MMM sont venus offrir soutien et aide aux familles de la circonscription de Beau-Bassin/Petite-Rivière (No 20)
Rumeurs dévastatrices.
Pendant ce temps, le doute gagne en amplitude. L’anxiété fige les visages des mères, des pères, des grands-parents et autres proches venus aux nouvelles. 18h46, des pleurs déchirants confirment les pires craintes. Une habitante d’Albion s’écroule dans les bras de ses proches, qui ne parviennent à retenir leurs larmes. Quelques-uns se mobilisent pour récupérer la dépouille à la morgue. La tristesse des autres jeunes rescapés ne peut plus être contenue. Ils fondent en larme accablés.
Dans la foulée, d’autres nouvelles parviennent aux compte-gouttes : « Il se trouve au poste de police » ou encore « Il a été brûlé au ventre et est admis à la Burns Unit .» Le tout ponctué de « Nous n’avons toujours pas de nouvelles de notre neveu .»
Au même moment à l’unité des grands brûlés, des volontaires se présentent pour offrir des repas aux six jeunes qui y ont été admis. Des take-aways et des bouteilles d’eau, parmi d’autres vivres, sont emmenés en cette unité, particulièrement animée cette soirée. Pendant ce temps, un autre pèlerin se trouve aux soins intensifs.
À quelques mètres, une cinquantaine de proches ont gagné les abords de la morgue. Parmi la foule, des politiciens, dont le ministre de l’Environnement Kavy Ramano, le chef de file du PTr au Parlement, Arvin Boolell, les députés Sandra Mayotte, Dorinne Chuckowry, Kate Foo Kune, Prakash Ramchurrun, mais aussi le leader du Reform Party Roshi Bhadain. Le arrangements pour la crémation des victimes sont mis au point.
Entre-temps, les véhicules d’Elie and Sons et de Aum Shanti Funeral Services se garent non loin. Tandis qu’un photographe de la Scene of Crime Office (SOCO) pénètre à l’intérieur de la morgue pour les besoins de l’enquête.
Une heure après, un cortège composé du véhicule de la Western Division transportant les dépouilles, de la fourgonnette de Aum Shanti Funeral Services et d’un 4×4 de proches prend la route en direction d’Albion, sous escorte policière. La route s’annonce périlleuse car ils devront manœuvrer parmi les pèlerins et leurs kanwars pour regagner l’Ouest.
Toutefois, le mot d’ordre a été passé par les associations socioculturelles de respecter un deuil. Les remix se sont tus. En dehors, la nouvelle du drame des jeunes d’Albion circule parmi les pèlerins, qui s’interrogent sur les circonstances de ce drame et les rumeurs sur le nombre de victimes.
Alors que dans le village côtier, les familles s’affairent à organiser le dernier voyage de leurs deux jeunes partis en pèlerinage…