L’ex-CEO de la Banque d’État, Premchand Mungur, inculpé de fraude en faveur de la société Dhyanavartam Ltd, gérant de l’hôtel Maradiva, pour un montant de Rs 470 M
Sur la base d’informations erronées fournies au Board de la banque, le suspect aurait sauvé l’empire hôtelier Jugnauth/Ramdenee d’une liquidation par une autre banque commerciale pour défaut de paiement
Dans le contexte de l’opération Maradiva, Lakaz Mama, dont le scandale des trois valises à Rs 113,8 millions, avec l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth, inculpé et sous caution, un autre épisode est venu bouleverser le clan Jugnauth/Ramdenee avec en toile de fond les affaires de l’hôtel Maradiva sur la côte Ouest. Et hier, avec l’arrestation de l’ancien Chief Executive Officer (CEO) Premchand Mungur, âgé de 68 ans, par la Financial Crimes Commission, les sinistres tractations au plus haut niveau de la SBM Tower sont projetées sous les feux de la rampe. Au cœur de ce développement, des Toxic Loans de Rs 470 millions consentis par la State Bank of Mauritius, sur la base d’informations erronées, frisant de délit de Forgery by Writing de la part de l’ancien CEO de cette institution bancaire, auront tout simplement permis aux propriétaires de l’hôtel Maradiva d’éviter In-Extremis une mise en liquidation par une autre importante banque commerciale pour défaut de paiement de prêts et facilités bancaires. Cette information avait été révélée exclusivement par Le-Mauricien à deux reprises il y a un an, soit au début de juin et de septembre de l’année dernière(voir fac simile plus loin).
En tout cas, hier avec l’arrestation de Premchand Mungur et son inculpation provisoire pour le délit de Fraud by Abuse of Authority, en attendant d’autres charges, la State Bank of Mauritius se voit absorbée formellement dans le tourbillon de la Maradiva, Lakaz Mama Saga, à multiples têtes et des décisions stratégiques prises à la veille des dernières élections en faveur du clan Jugnauth/Ramdenee. Ainsi, la
Financial Crimes Commission (FCC) a procédé, hier matin, à l’arrestation du dénommé Premchand Mungur pour son rôle sur le décaissement d’une somme de Rs 470 millions au préjudice de la State Bank of Mauritius en faveur de la société Dhyanavartam Ltd, qui gère l’hôtel Maradiva.
L’établissement, qui était au bord de la faillite, appartient à la belle-famille de l’ex-Premier ministre Pravind Jugnauth. Une accusation provisoire de Fraud by Abuse of Position en vertu des sections 43(a)(b)(c) de la Financial Crimes Commission Act, a été retenue contre lui au tribunal de Port-Louis, hier. Il a dû s’acquitter de deux cautions de Rs 450 000 chacune et d’une reconnaissance de dettes de Rs 5 millions après sa comparution.
Outre sa position névralgique de CEO de la SBM, le suspect était aussi Chairman du Management Credit Forum (MCF) de cette institution bancaire. Après, plus de deux mois d’enquête dans les paramètres imposés par les dispositions de la Banking Act, la Financial Crimes Commission a pu établir Beyond Reasonable Doubt à ce stade le rôle de Premchand Mungur dans l’octroi de ce prêt de Rs 470 millions à une entité hôtelière littéralement en faillite. De ce fait, dans l’acte d’accusation, la FCC lui reproche que durant août 2024, il aurait fourni des informations erronées au Board de la SBM concernant une décision qui a été prise par le Management Credit Forum.
Financially Sound
Les recoupements d’informations effectués par Le-Mauricien de sources concordantes indiquent que le Management Credit Forum avait mené son analyse sur la santé financière de Dhyanavartam Ltd. Les membres du Credit Forum avaient recommandé de ne pas aller de l’avant avec rachat des dettes (Buyback Facility) de cette compagnie auprès d’une autre importante banque commerciale, estimant que la société en question aura des difficultés à effectuer le remboursement nécessaire. D’ailleurs, le rapport de l’audit de Dhyanavartam Ltd était également parvenu à la conclusion que les opérations de Maradiva n’étaient pas Financially Sound à cette époque.
À ce stade de l’enquête, la Financial Crimes Commission, sur la base des documents saisis suite à un Judge’s Order en avril dernier, est arrivée à la conclusion que Premchand Mungur aurait fourni des Erroneous Information au conseil d’administration de la SBM. Les membres de cette dernière instance, sur la foi des déclarations de ce professionnel de la finance, ont approuvé les Buyback Facilities et donné leur feu vert pour le déboursement la somme de Rs 470 millions à Dhyanavartam Ltd.
Dishonestly abuse
Ce qui a causé une perte énorme pour la SBM sur ce Toxic Loan. Les enquêteurs estiment que Premchand Mungur aurait eu un Illegal and Improper Conduct et aurait abusé de sa position pour qu’une fraude soit commise au préjudice de la SBM en faveur des proches du précédent gouvernement. Le délit qui lui est reproché est « whilst occupying a position in which he was expected to safeguard the financial interest of another person, wilfully, unlawfully and dishonestly abuse of that position to expose that another person to a risk of loss ».
Pourtant, en dépit de pertes cumulées d’environ Rs 50 millions à la fin de 2022 et de maigres actifs évalués à quelque Rs 240 millions, Dhyanavartam Ltd avait, néanmoins, contracté, entre juin 2022 et février 2024, pas moins de Rs 1,65 milliard de facilités de crédit, somme qui s’ajoute à des emprunts antérieurs dépassant déjà 3 milliards. Cet écart vertigineux entre garanties réelles et exposition bancaire avait fait frémir les membres du Management Credit Forum. Ils avaient averti sur un risque de perte si la SBM rachète une partie de la dette que Dhyanavartam Ltd doit à d’autres institutions bancaires et financières. Finalement, ces évaluateurs ont eu raison lorsqu’au final, ces prêts ont été reclassés dans la galerie des Non-Performing Loans.
Le parcours d’approbation de ces crédits emprunté à la SBM Tower intrigue à plus d’un titre. Chaque demande aurait d’abord transité par un comité de crédit interne avant d’être entérinée par le conseil d’administration. Or, dans le dossier Dhyanavartam, les Sureties exigées semblent être de nature extrêmement dérisoire, la banque ayant misé sur un Business Plan jugé trop optimiste, centré sur la vente de villas. Face à ces doutes, la FCC avait perquisitionné le siège de la SBM en avril dernier, emportant rapports d’évaluation, procès-verbaux du comité de crédit, états financiers et plan d’affaires afin de vérifier si les procédures ont été respectées ou si d’éventuelles faveurs ont biaisé la décision.
Plusieurs hauts cadres de la banque avaient été entendus en tant que témoins. La FCC a reconstitué dans les moindres détails la chronologie des décisions. Elle scrute aussi un volet parallèle : malgré une forte dette et une trésorerie fragilisée par la pandémie, Dhyanavartam Ltd a obtenu Rs 1,9 milliard de la Mauritius Investment Corporation (MIC) sous Harvesh Seegolam. Bien que cette aide doive soutenir les entreprises en difficulté, les enquêteurs veulent s’assurer que les critères d’octroi ont réellement été appliqués. Ce volet est toutefois traité séparément du Toxic Loan de la SBM avec des rebondissements à venir.
L’affaire, baptisée dossier Maradiva, Lakaz mama, relance le débat sur la gestion des risques dans le secteur bancaire sous l’ancien régime. Tandis que le cas Silver Bank Ltd demeure en suspens, tous les regards convergent vers le Réduit Triangle, où la FCC concentre ses efforts pour comprendre comment une aussi importante institution a pu se retrouver exposée à un risque aussi disproportionné en ne se basant que sur la déclaration du Chairman de la MCF, sans que ses systèmes de contrôle internes n’aient freiné la dérive…
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Blanchiment d’argent : Sham Mathura interrogé malgré la radiation de la charge provisoire
Bien que la Cour ait rayé l’accusation provisoire de blanchiment d’argent contre Sham Mathura, directeur de la BSP School of Accountancy, ce dernier a de nouveau été convoqué, hier, par la Financial Crimes Commission (FCC) pour fournir une Further Statement. Les enquêteurs précisent que l’enquête suit son cours normalement. Les éléments recueillis seront bientôt transmis au Directeur des Poursuites Publiques (DPP), qui décidera s’il convient de loger un Main Case contre Sham Mathura.
Il avait été arrêté en janvier dernier dans le cadre d’une enquête portant sur un possible abus de fonds publics liés au Youth Empowerment Program (YEP). Douze jeunes auraient été enrôlés par la BSP School dans le cadre de ce programme du ministère du Travail, qui prévoyait une allocation mensuelle de Rs 8 000 pour chaque participant.
La moitié de ce montant, soit Rs 4 000, devait être remboursée par le Human Resource Development Council (HRDC). Toutefois, ces jeunes n’auraient jamais reçu leurs allocations, ce qui a suscité des soupçons de détournement de fonds. L’affaire remonte à 2017.
Le 21 mai dernier, la charge provisoire de blanchiment d’argent avait été annulée par la Cour de Port-Louis. Malgré cela, les investigations se poursuivent activement.