Commençons par saluer deux initiatives très louables organisées respectivement par la Commission nationale des droits de l’homme et par l’Institut français de Maurice. Ainsi, l’exposition d’art « Donn nou ene deziem sans » comprenant les œuvres réalisées par des détenus mérite d’être saluée et encouragée. « Nous croyons dans le pouvoir de l’art de redonner confiance aux détenus », souligne le président de la commission des Droits de l’homme, Satyajit Boolell, qui insiste sur l’importance de « leur donner une seconde chance ».
Cette exposition a aussi été l’occasion de rappeler l’importance de la famille dans l’encadrement des prisonniers, non seulement lorsqu’ils sont en détention, mais également pour leur réinsertion dans la société. À ce propos, le témoignage de la ministre déléguée, Véronique Leu-Govind, a été particulièrement touchant.
À l’IFM, jeudi, un débat très intéressant s’est tenu sur l’abolition universelle de la peine de mort, organisé à l’occasion de la Journée du droit. Les intervenants ont, à l’unanimité, estimé que le gouvernement, qui dispose d’une majorité absolue au Parlement, a une occasion rare d’abolir définitivement la peine de mort.
Sur un plan plus général, les regards, tant à Maurice qu’à l’international, sont désormais braqués sur le procès intenté à l’homme d’affaires malgache Mamy Ravatomanga. Il a été placé en détention préventive en cellule policière, jeudi, sous une accusation provisoire de blanchiment d’argent et d’entente délictueuse. Pour beaucoup d’observateurs, cette affaire met à l’épreuve la réputation du centre financier mauricien.
Shamima Mallam-Hassam, personnalité respectée dans le domaine des services financiers, confie : « Le risque de cette affaire réside dans la perception. Elle pourrait provoquer une perte de confiance des investisseurs mais aussi des banques correspondantes ». Et d’ajouter : « La question n’est pas seulement juridique, réglementaire ou de conformité, mais il en va de la réputation du pays. C’est le moment de démontrer que les mécanismes de contrôle et les institutions fonctionnent efficacement et en toute transparence. Il faut à tout prix préserver la crédibilité de la juridiction mauricienne et la confiance de nos partenaires internationaux. »
D’autres voix se joignent à la sienne pour insister sur le fait que tout doit être fait pour que le centre financier ressorte plus fort de cette affaire. Il faut rappeler que les services financiers représentent 13,8% du PIB national et constituent la principale source de devises étrangères pour Maurice.
Ceux qui suivent de près la situation politique du pays ont enregistré cette semaine les signes précoces d’un tremblement de terre politique au sein de l’alliance gouvernementale. C’est la raison pour laquelle les journalistes s’étaient rués, jeudi après-midi, à Rose-Hill, où le MMM réunissait son troisième bureau politique en une semaine. Ça a été toutefois une fausse alerte, selon le leader adjoint du parti, qui a affirmé à ceux qui craignaient le pire que le travail gouvernemental se poursuit normalement.
Pour les observateurs avisés, un travail de fond en matière de prévention politique doit cependant être entrepris sur plusieurs fronts. Ainsi, la réforme électorale annoncée dans le programme gouvernemental doit être mise sur les rails de façon convaincante ; la gestion de l’affaire malgache Mamy Ravatomanga doit être revue afin d’éviter le risque d’être mis à l’index par les agences internationales ; le dossier des Chagos continue de soulever des réserves ; et au sein de la police, personne ne comprend comment un caïd international venu d’Amérique latine a pu séjourner quatre mois à Maurice et s’engager dans toutes sortes d’activités sans attirer l’attention des autorités. Enfin, à Air Mauritius, on attend toujours que Megh Pillay agisse pleinement en tant que président.
Au-delà de tout cela, personne n’a oublié que le 10 novembre 2024, les élections générales avaient donné lieu à un élan d’unité nationale sans précédent. Beaucoup de choses ont changé pour le mieux, notamment en matière de liberté, de démocratie et de fonctionnement parlementaire, où Navin Ramgoolam et son équipe ministérielle projettent une image convaincante de sérieux. La sérénité est revenue dans certaines institutions majeures dont la BoM. Il est bon de savoir qu’avec la réforme de la FCC, c’est un étranger qui serait nommé à la tête de la nouvelle institution. Souhaitons que, quoi qu’il arrive, ce soit l’intérêt national qui finisse par primer !
Jean Marc Poché
