Marc Brassard, Journaliste retraité d’Ottawa, au Canada
C’est à l’île Maurice, plus précisément au Royal Green Resort and Spa de Moka, que la toute première conférence axée sur le thème : « Équité en accessibilité/accessibilité en équité » a eu lieu du 11 au 14 mars 2025.
Des délégués en provenance du Canada, de la Chine, des États-Unis, du Maroc et de Maurice ont pris part à ce qui se voulait une retraite interdisciplinaire et internationale sur l’équité en matière d’accès et d’aptitudes.
Le professeur Arnaud Carpooran, de l’Université de Maurice, a donné le coup d’envoi à l’événement en tant que conférencier principal, discutant de l’importance de l’enseignement du créole dans le système d’éducation mauricien.
Il est à noter qu’il est, entre autres choses, l’auteur du guide Le créole mauricien de poche, aux éditions d’Assimil, et Président du Creole Speaking Union, et qu’il travaille sans relâche depuis quelques années, avec une équipe de collaborateurs/trices, afin de réunir les conditions nécessaires à l’entrée de cette langue dans les institutions mauriciennes, parmi lesquelles figure en première ligne, le Parlement mauricien.
Faisant le point sur la question de l’“exclusion” (sur le plan de l’éducation et au niveau social) dans le débat politique et médiatique à Maurice, il considère la décennie 1990 comme la période charnière marquant la problématisation de cette thématique, avec comme point d’orgue, l’émergence du concept de “malaise créole” en 1993.
Dressant ensuite un parallèle entre ce qui se passait alors à Maurice sur le plan social et les autres îles de l’océan Indien, le Professeur Carpooran a par la suite aiguillonné sa réflexion sur son sujet de prédilection: le créole mauricien, tout en faisant le lien entre celui-ci et la question de l’exclusion et de l’échec scolaire à Maurice. Cela est surtout vrai lorsqu’on parle de certains quartiers peuplés majoritairement d’enfants dont les ancêtres ont été jadis victimes de l’esclavage, système de domination et d’exploitation dont certaines séquelles sont manifestement toujours présentes à Maurice, si l’on se réfère, selon le Professeur Carpooran, aux différents volumes du Rapport de la Truth and Justice Commission publié en 2011, mais aussi aux résultats scolaires de ces dernières années au niveau national, concernant ces mêmes milieux.
Voici quelques extraits que nous choisissons de reproduire de la communication du Professeur Carpooran:
“Plusieurs aspects me viennent à l’esprit au moment où je m’apprête à m’adresser à vous, en tant que premier conférencier de cette partie inaugurale de cette conférence internationale:
1. D’abord, le fait qu’on soit le 11 mars, c’est-à-dire, la veille du 57e anniversaire de l’indépendance de mon pays.
2. Ensuite, le fait que je sois en train de parler, en ce moment symbolique, du Kreol Mauricien, langue née dans des conditions liées au colonialisme et à l’esclavage, mais qui est devenue au fil du temps, la langue des Mauriciens au sens large du terme. Elle symbolise à la fois le “mauricianisme” et la “mauricianité”. Si le premier terme (“mauricianisme”), est défini dans le Diksioner Morisien comme: (1) le sentiment d’appartenance qui lie le Mauricien à son pays et (2) un idéal philosophique fédérateur réunissant les Mauriciens autour de certaines valeurs communes), le second (“mauricianité”) renvoie davantage à ce qui permet à un Mauricien de se distinguer, culturellement, d’un ressortissant de n’importe quel autre pays.
3. Mieux encore, et c’est ce qui me permet d’établir un lien direct avec la thématique de la présente conférence, le Kreol Morisien est, à Maurice, la seule langue qui permet à tous les Mauriciens de se comprendre et d’être à pied d’égalité et d’équité, dans leurs communications verbales.”
Il est à noter que le comité organisateur de la conférence était mené par la Mauricienne d’origine, Stephanie Chitpin, consultante en recherche et professeur titulaire à l’Université d’Ottawa, Awad Ibrahim, vice-provost et professeur à l’Université d’Ottawa, et Youngzhi Liu, doyen et professeur à l’Université de technologie Chengdu en Chine, Sarah McAllister et Michael Dougan, étudiants au doctorat à l’université d’Ottawa.
Ils avaient comme vision de « créer des espaces propices à des dialogues interdisciplinaires et interculturels imaginatifs et enrichissants, où les participants peuvent apprendre les uns des autres. L’idée principale cependant, étant de favoriser des liens constructifs qui cultivent les relations au sein et entre différentes disciplines académiques et professionnelles.
Les commentaires de quelques participants à la retraite, une fois celle-ci terminée, avec une excursion à Port-Louis et Pamplemousses — Jardin botanique Sir Seewoosagur Ramgoolam et Aventure du Sucre — reflètent que l’objectif des organisateurs a été atteint.
« Je suis toujours émerveillée par l’espace d’apprentissage spirituel et la communauté que nous avons créés ensemble ! Je n’aurais pas pu imaginer un moment d’apprentissage et de partage plus marquant que celui que nous avons vécu. Je ne m’y attendais pas, mais je vous en serai éternellement reconnaissante. Notre expérience enrichissante et rafraîchissante ensemble a nourri mon âme ! Vous avez inondé mon cœur d’espoir. Je crois que l’espoir est ce dont nous avons tous besoin pour faire preuve de solidarité, de résilience et de résistance en ces jours extrêmement difficiles », a écrit la Dr. Késa Munroe-Anderson, du département de l’éducation à l’Université Acadia d’Halifax, au Canada.
Son conjoint Lennett J. Anderson, pasteur et professeur adjoint au Acadia Divinity College, en rajoute : « Les séances ont été non seulement phénoménales, enrichissantes, transformatrices et enrichissantes, mais les échanges avec mes collègues au-delà des ateliers ont été une véritable bénédiction pour nos esprits. Nous sommes RELATIONNELS… Ce rassemblement interdisciplinaire et international a réuni un réseau mondial d’universitaires, de chercheurs, de professionnels de la santé et des services sociaux, et d’éducateurs, tous unis par un engagement commun en faveur de l’équité en matière d’accès et de l’accès en matière d’équité. Nous reconnaissons que la véritable équité va au-delà de l’accès physique ; elle englobe la langue, la culture, le statut socio-économique, la santé (mentale) et bien plus encore ! »
« Cette retraite a mis en lumière la nécessité pour le monde universitaire de dépasser l’hégémonie linguistique et d’adopter des politiques linguistiques inclusives qui donnent du pouvoir aux chercheurs issus de milieux linguistiques historiquement sous-représentés. Les discussions ont renforcé l’idée qu’une véritable équité en matière d’éducation est impossible sans la reconnaissance de la diversité linguistique comme un pilier fondamental», a dit pour sa part Mohamed Kamal Elmouhtaker, candidat au doctorat à l’Université Cadi-Ayyad de Marrakech.
« Outre des discussions intellectuellement stimulantes, les paysages époustouflants de l’île Maurice et l’accueil chaleureux de ses habitants ont considérablement enrichi l’expérience. Les plages tranquilles, réputées pour leurs eaux cristallines, et les paysages luxuriants du Jardin botanique de Pamplemousses ont créé un cadre captivant. Découvrir la riche culture de l’île tout en profitant de promenades tranquilles le long du rivage a rendu cette retraite à la fois intellectuellement enrichissante et profondément rajeunissante», a-t-il ajouté.