« Et si nous échangions nos fichus, Sœur Angélique et moi » ?

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Dr Zibya Issack

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvées, un lundi matin, dans la même classe au Collège (Couvent de) Lorette de Curepipe. Je me souviens encore d’Angélique Langlois, jeune fille dynamique aux yeux caramel et aux cheveux châtain clair, marchant gracieusement jusqu’à la « Cookery class » pour des cours épicés en taquineries. Angélique était d’une jovialité communicative. Elle aimait la vie et aimait embellir celle des autres.  Un jour, ne pouvant supporter de me voir porter deux grosses tentes chargées de plats fraîchement préparés, elle m’a proposé de me déposer chez moi à moto. C’est bien elle qui m’a refilé l’intrépidité des conductrices « fofolles » qu’on retrouve dans les comédies de Louis de Funès. Angélique était d’un naturel hors pair et elle aura finalement choisi sa vocation : celle de religieuse. Après avoir sillonné une partie du monde, Angélique rentre au pays dans le Couvent de Bon Secours de Belle Rose. Et c’est là que je l’ai rencontrée après deux décennies…

Nous portions chacune un fichu ; le mien gris, le sien blanc

Nos croyances religieuses diffèrent mais nous sommes liées par ce souvenir impérissable de Lorette. Notre amitié se caractérise par une allégeance nostalgique à la culture de notre collège. Le froid de Curepipe n’a donc pu nous empêcher de préserver cette humanité sublime. Et si nous échangions nos fichus, ma Sœur et moi? Nous conserverions sans doute notre foi tout en admettant le fait que nous appartenions toutes deux à la race humaine. C’est notre foi à chacune qui fait de nous de vraies Mauriciennes. Oui ! Comme de nombreux Mauriciens, nous sommes parvenues à dépasser l’amenuisement et la petitesse de vision dans le rapport à soi et à autrui au sein d’un monde si souvent porté vers les complexes et les préjugés. Dans une démocratie multiculturelle post-indépendante, nous aurons compris qu’il est important de construire des ponts et non des barrières. Nous aurons aussi compris que pour faire la paix, il faut être deux. Sur les pas de Mère Marie Augustine (née Caroline Lenferna de Laresle), Sœur Angélique Langlois a l’intérêt d’autrui à cœur. Sa tendresse, dépassant toutes les frontières communales, fait d’elle également une personne digne aux yeux de tous les Mauriciens qui la connaissent.

C’est ainsi que s’est achevé cet instant si fort chez les Sœurs du Couvent de Bon Secours de Belle Rose.  Dans l’espoir d’un pays meilleur, j’aurais aussi compris que « la voie qui mène à la Terre promise passe par le désert, mais le seul moyen d’y parvenir, c’est de se rassembler et de se mettre en marche » (Taguieff).

Pour la petite histoire…

En 1854, une épidémie de choléra éclate à Port-Louis. Mère Augustine et ses deux sœurs en religion se dévouent au chevet des malades. Elles sont rejointes par d’autres jeunes femmes qui les aident à soigner de nombreux malades. Après l’épidémie de choléra, Mère Augustine recueille les enfants dont les parents sont décédés. Ainsi, elle fonde le premier orphelinat de la colonie en 1854 et y accueille les enfants sans distinction de race et de couleur, ouvrant ainsi le berceau du Mauricianisme.

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