Demain se tient une réunion spéciale et cruciale du conseil des ministres pour passer en revue les effets du budget 2025/26, parfois délétères attisés par un cartel d’opposants pressés d’en découdre avec le gouvernement. S’il fallait une dose considérable de courage pour proposer un budget de rupture, il faudra, sans doute, beaucoup de réalisme et d’humilité pour venir corriger certaines mesures jugées bien trop radicales.
Fort de ses 60/0, ce gouvernement s’était senti investi d’une mission historique, celle de commencer à solder les comptes déficitaires abyssaux laissés par un régime dont la tromperie, la forfaiture et la corruption étaient inscrits dans son ADN, et de redresser la barre dès le début de son mandat.
S’ils ne l’avaient pas fait et s’ils ne le font pas, qui l’aurait fait ? Pas un Pravind Jugnauth et son triomphe sans gloire d’une élection avec seulement 37% des voix de 2019 et une obsession de remporter la prochaine échéance en jouant au Père Noël tous les 25 du mois.
Navin Ramgoolam et Paul Bérenger étaient, cette fois, d’autant plus déterminés qu’ils sont au crépuscule de leur carrière politique et nullement obligés d’avoir toujours l’œil sur le calendrier électoral. Ils ont promis de laisser un héritage plus sain et plus prometteur aux prochaines générations. C’est un programme bienvenu.
Mais c’était sans compter la pratique éhontée et indécente de la démagogie par ses opposants et la mentalité d’assistés et de l’obtention du tout gratuit encouragées depuis de longues années par le MSM. C’est un cocktail sulfureux que ce nouveau gouvernement a, sans doute, sous-estimé.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il a eu tout correct et tout bon depuis son installation. On n’est plus certain aujourd’hui que c’était vraiment une bonne idée que le Premier ministre, déjà pris par ses nombreuses autres responsabilités importantes, comme l’Intérieur, prenne aussi la charge d’un ministère aussi prenant que les Finances.
Navin Ramgoolam exerce si bien son rôle de chef de gouvernement qui se frotte aux grands de ce monde, d’Emmanuel Macron à Antonio Gutteres en passant par Narendra Modi, qu’il devrait désormais consacrer toute son énergie à être le leader d’une équipe qui écoute, qui inspire et qui décide.
La situation se complexifie lorsque le Junior Minister choisi pour épauler le grand argentier, Dhaneshwar Damree, qui a la mérite d’avoir conduit l’équipe qui a terrassé Pravind Jugnauth, est un élu débutant. Il est, certes, sympathique, souriant, communique plutôt bien, mais il n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements de parlementaire.
Les conseillers de Navin Ramgoolam, issus du privé, sont solides mais il leur manque, peut-être, la capacité de jauger de l’humeur du pays et des attentes de ceux qui sont habitués à tout demander et recevoir de l’État-providence. Un Premier ministre, ici et ailleurs, a un rôle d’arbitre.
C’est lui qui a la prérogative de recadrer un ministre dont les décisions auraient été mal inspirées et leur application mal ficelées. En cumulant les postes exigeants de Premier ministre et de ministre des Finances, Navin Ramgoolam n’a pas mesuré l’immensité et le paradoxe de la tâche.
Un tenant du porte-feuille de l’Économie et des Finances à temps plein serait la décision la plus logique à prendre dans le meilleur délai et, pourquoi pas, un remaniement pour signifier à ceux qui n’arrivent pas à décoller ou qui ont déjà des mauvais points à leur tableau, qu’ils serviraient mieux ailleurs.
Parce que les urgences se bousculent. Notamment celle de revoir la communication d’un gouvernement aphone et absent depuis sept mois. Malgré le recrutement de quelques initiés censés affiner la communication du gouvernement, c’est ni plus ni moins que la catastrophe.
À la MBC, la remise en ordre est en marche, mais cela doit être générale. Ne pas dégraisser et, en même temps, s’offrir des berlines de luxe. Le journal de la MBC s’est sans aucun doute amélioré mais, pour le reste, c’est le désert total. Si le gouvernement a décidé, avec raison, de ne pas utiliser le service public de l’audiovisuel comme un outil de propagande, comme l’avait fait avec une indécence inégalée le régime précédent, il faut très vite dégager une stratégie de communication à la hauteur des exigences du moment.
Si ce gouvernement ne peut pas expliquer ce qu’il fait avec méthode, intelligence, précision et tact, surtout, au lieu de petites piques inutiles en direction d’une presse parfois bien médiocre, il offrira très bientôt un boulevard à ces affamés du pouvoir qui rôdent jour et nuit et qui espèrent pouvoir très vite revenir pour mieux dilapider et se remplir les poches.
Il y a toujours une majorité qui veut du bien au gouvernement qu’il a plébiscité il y a moins d’une année. Mais si elle comprend que la situation est difficile, elle s’attend néanmoins à ce que l’exemple vienne d’en haut.
S’il n’est pas question de revenir à la cure d’assainissement radicale et spectaculaire, à la rupture totale de 1982, avec la réduction du nombre de ministres à 18 qui, en plus, à cette époque, utilisaient leur propre voiture, quitte à tomber en panne lors d’un déplacement officiel, il y a néanmoins lieu d’exercer le pouvoir sans extravagance ni ostentation, mais avec une bonne dose de réserve. Ce qui n’a pas toujours été le cas jusqu’ici.
Lorsqu’on voit la composition de certaines délégations officielles et la présence de personnes qui n’ont rien à y faire, cela interroge et cela agace, surtout. L’humeur du pays en ce moment est que l’on ne peut pas lui demander des sacrifices pendant que des agents politiques se croient tout permis et que certains font même déjà preuve d’arrogance.
C’est indéniable, il y a de bonnes mesures dans le budget, l’orientation est donnée, mais il y a aussi des récriminations légitimes qui méritent d’être entendues. Le moment est crucial et décisif. Renoncer, améliorer, rassurer, apaiser, cela aussi demande du courage. Faut y aller.
JOSIE LEBRASSE