La session parlementaire du 13 mai dernier fera date dans l’histoire de Maurice, car elle a marqué la fin des pratiques barbares par les services de sécurité du pays. On a peine à croire qu’une clause de notre Constitution, adoptée au moment de l’accession du pays à l’indépendance, a autorisé jusqu’à mardi dernier le recours à la torture. En effet, comme l’a souligné l’Attorney General, Gavin Glover, qui a présenté un amendement dans ce sens au Parlement mardi, alors que la clause 7 (1) stipule que « No person shall be subjected to torture or inhuman or degrading punishment or other such treatment », la clause suivante 7(2), « authorises the infliction of any description of punishment that was lawful in Mauritius on 11 March 1964 ». Ce qui, selon le Premier ministre, Navin Ramgoolam, ouvre la porte à de graves violations des droits humains par un régime oppressif décidé à défier les principes universels concernant l’intégrité physique et la dignité.
Le comité des Nations Unies contre la torture avait depuis longtemps, soit depuis 2017, constaté cette provision dans nos textes de loi et avait intimé le gouvernement de l’abroger. Pour ce comité, aucune justification ne peut être invoquée en aucune circonstance, qu’elle soit juridique, politique ou historique, pour permettre la torture ou des châtiments inhumains. Cet amendement constitue un pas en avant significatif pour les droits de l’homme à Maurice. Il renforce la protection constitutionnelle contre la torture et envoie un message clair que de telles pratiques sont interdites sans équivoque. Il répond également aux préoccupations soulevées par les organes internationaux de défense des droits de l’homme et démontre un engagement à faire respecter les droits fondamentaux de l’homme.
C’est un message fort adressé également à la force policière, qui est assez souvent accusée d’avoir recours à la violence. Des faits sont rapportés régulièrement dans les médias et le nombre de cas rapportés au Police Complaint Office en dit long. Ainsi, les forces de l’ordre seront désormais tenues d’avoir une approche plus humaine et plus professionnelle, même si elles sont appelées à traiter des situations difficiles. Un des derniers cas, qui a pratiquement été suivi en direct sur la page Facebook, a été la manière excessive dont la police a procédé à l’arrestation de l’activiste social George Ah Yan, figure très connue à Mahébourg et dans le pays. D’ailleurs, ce dernier, qui a recueilli beaucoup de témoignages de sympathie, ne compte pas rester les bras croisés.
Le deuxième changement historique apporté à nos textes de loi mardi concerne la section 242. Cette section du code pénal, présentée toujours par l’Attorney General, a été qualifiée « d’excuse de l’époque coloniale pour la violence basée sur le genre » par le député Kushal Lobine. « Ce projet de loi ne se contente pas d’actualiser notre loi; il défend la dignité de chaque personne, aligne nos statuts sur notre Constitution, respecte les obligations internationales et encadre une fiction juridique selon laquelle certains meurtres sont excusables parce qu’ils sont émotionnels. »
La ministre Arianne Navarre Marie, militante féministe également, souligne que dans la logique historique, la section 242 du Code pénal justifie les féminicides en offrant une excuse légale à un mari tuant sa femme en flagrant délit d’adultère, alors que la loi ne s’applique pas au mari. L’abrogation de la section 242 du Code pénal veut dire que tout cas d’homicide, de blessure et de coups infligés par un mari ou un conjoint en cas d’adultère ne sera plus considéré comme excusable.
Ainsi, l’adultère ne pourra plus servir de prétexte ou d’excuse pour violenter ou tuer une personne. « Nous mettons fin à un système patriarcal de notre société et qui a trop duré », insiste la ministre. L’Attorney General ne compte pas s’arrêter en si bon chemin dans le sens de la libération de la femme en annonçant la présentation prochaine d’un Domestic Abuse Bill, qui, entre autres, condamnera le viol conjugal. « Il est inadmissible qu’une femme puisse être contrainte, sous prétexte du mariage, que l’union légale puisse être invoquée pour priver une personne de son consentement et de son intégrité », insiste la ministre.
Le Premier ministre a annoncé que ces amendements ne sont que le prélude d’autres changements à venir. Il a annoncé la constitution prochaine du Constitutional Review Council.
Jean Marc Poché