Le gouvernement avance à petits pas avec le Finance Bill, selon l’analyse que livrent Dheerend Puholoo, Tax Leader – PwC Mauritius, et Ashveen Gopee, Managing Director – PwC Legal, dans leur commentaire détaillé du Finance Bill 2025. Le texte de loi entend élargir l’assiette fiscale, introduire des incitations ciblées et renforcer les finances publiques. Mais à y regarder de plus près, certaines mesures suscitent la prudence, voire la critique.
« The Finance Bill 2025 brings a new wave of reforms aimed at strengthening public finances. While the intent is clear, the impact is more complex », notent les deux experts de PwC. L’introduction de la Fair Share Contribution, l’adoption anticipée du QDMTT (Qualified Domestic Minimum Top-up Tax), ou encore l’imposition de la TVA sur les services numériques étrangers constituent des signaux forts. Toutefois, PwC pointe aussi des « missed opportunities for broader economic or legal reform ».
Présentée comme une mesure de justice fiscale, la Fair Share Contribution instaure une taxe de 15 % sur les revenus supérieurs à Rs 12 millions. Cette contribution inclut non seulement les salaires et bonus, mais aussi les dividendes, déjà taxés au niveau des sociétés. Pour PwC, cela pourrait s’apparenter à une double imposition : « Fair or Foul? On paper, the new Fair Share Contribution sounds simple enough: a 15% tax on leviable income above Rs12 million… The unintended consequence? A disincentive to invest and a likely exodus of top talent, particularly in finance and tech sectors. »
Autre mesure phare : la surtaxe sur les entreprises aux bénéfices élevés. Pour les sociétés générant un revenu imposable supérieur à Rs 24 millions, un taux additionnel de 5 % est appliqué, en plus du taux normal. Les banques voient leur charge encore alourdie, avec un supplément de 2,5 % sur les opérations domestiques. « The message is clear: businesses that perform well will pay more… But is this aligned with the government’s growth agenda? In the short term, it might help government revenue. But in the long run, it could slow down business investment and growth », soutiennent les deux représentants de PwC.
Le choix du gouvernement d’adopter dès maintenant le QDMTT, basé sur les standards de l’OCDE, est remis en question par PwC. « The goal is to make sure large multinational companies pay at least 15% tax wherever they do business. But with the US tiptoeing, EU reconsidering and major players like India and China still sitting on the fence, it begs the question: Are we moving too fast, too soon ? » D’autre part, annoncée en 2020, l’application de la TVA aux prestataires de services numériques étrangers devient enfin une réalité. Les fournisseurs de contenus en streaming, e-books ou publicités en ligne devront s’enregistrer à la Mauritius Revenue Authority et facturer la TVA. Une avancée attendue dans le contexte d’une économie de plus en plus digitalisée.
D’autre part, l’Alternative Minimum Tax (AMT) est désormais étendue aux secteurs de l’hôtellerie, des télécommunications, des services financiers et de l’immobilier. Une mesure qui, selon PwC, pourrait éroder la rentabilité de secteurs stratégiques déjà fragilisés par la conjoncture post-pandémie.
En revanche, certaines orientations sont saluées, comme l’extension du régime d’exonération de 80 % aux Virtual Asset Service Providers (VASPs). « By allowing VASPs to benefit from this exemption… Mauritius will position itself as a leading destination for VASPs. » Autre innovation stratégique : l’introduction du bullion banking, permettant aux banques d’opérer sur le marché des métaux précieux, y compris via le ‘tokenisation’. Cela ouvre la voie à un système bancaire plus sophistiqué et à une modernisation du commerce numérique. « These innovations are more than regulatory tweaks; they are catalysts for new business models, greater transactional efficiency and a more dynamic, internationally competitive financial centre. »
Mais ces avancées ciblées coexistent avec une certaine retenue, regrettent les analystes.« While the bill introduces several positive measures, it is also marked by a cautious approach that may limit Mauritius’s ability to fully capitalise on its potential… The absence of targeted incentives for green funds and sustainable finance is particularly notable. » Les deux spécialistes de PwC concluent que le Finance Bill 2025 avance ainsi sur plusieurs fronts – élargissement de l’assiette fiscale, conformité internationale, modernisation du secteur financier – mais avec une certaine prudence qui pourrait freiner son impact transformationnel. Si le texte de loi tente de concilier réforme et discipline budgétaire, il reflète aussi l’absence de mesures audacieuses pour repositionner Maurice comme un centre financier durable, innovant et compétitif sur l’échiquier mondial.
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Wasoudeo Balloo (KPMG Mauritius) :« Revoir les incitations pour que le pays reste attractif »
La Fair Share Contribution, appliquée aux individus n’est pas défini comme Income Tax selon l’Income Tax Act, et souleve des interrogations, notamment « if the individual is also taxed in another country that has a tax treaty with Mauritius, it is unclear whether they will be able to claim a foreign tax credit for the contribution», souligne Wasoudeo Balloo, associé et Head of Tax – KPMG Mauritius. Pour les entreprises, cette contribution s’appliquera à tout revenu imposable dépassant Rs 24 millions (hors GBC companies), avec un taux progressif pouvant atteindre 7,5%. Par ailleurs, le QDMTT, effectif dès l’exercice commençant après le 1er juillet 2025, vise à porter le taux effectif d’imposition à 15% conformément aux règles OCDE du Pilier 2. « Many of Mauritius’ existing tax incentives, such as the partial exemption regime, non-refundable tax credits, and tax holidays may no longer provide a competitive advantage, since they lead to an effective tax rate below the 15% threshold », souligne le fiscaliste de KPMG. Le Finance Bill impose également la tenue d’une documentation Transfer Pricing pour toutes les transactions intra-groupes, bien que les modalités précises restent à être définies, dit-il.
Face à ces changements, Wasoudeo Balloo recommande aux entreprises de « carry out impact assessments immediately to avoid unexpected exposures » et invite les décideurs politiques à repenser le système d’incitations fiscales pour que le pays reste attractif à l’échelle mondiale. « For Mauritius to remain competitive, we recommend that policy makers review the suite of tax incentives with a view to designing a tax incentive framework that is both compliant with Pillar Two standards and effective in post Pillar Two environment. We also expect that the fair share contribution payable by companies will qualify for covered taxes under QDMTT. »