Gambling Regulatory (Amendment) Bill — Ramgoolam : « La GRA a décimé l’industrie hippique »

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a tiré à boulets rouges sur la Gambling Regulatory Authority (GRA) et l’ancien gouvernement de Pravind Jugnauth. C’était lors de la présentation en deuxième lecture du Gambling Regulatory (Amendment) Bill à l’Assemblée nationale, vendredi après-midi. Accusant la GRA d’avoir trahi sa mission de régulation dans le domaine hippique, il a multiplié les critiques contre les responsables politiques et administratifs de l’époque, en ciblant nommément l’ancien Senior Adviser au Prime Minister’s Office, Dev Beekharry, le lien organique avec Jean-Michel Lee Shim, le magnat des paris.

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D’emblée, le Premier ministre a planté le décor. « The GRA decimated horse racing in Mauritius ». Selon lui, l’autorité, censée protéger l’intégrité des paris et courses hippiques, avait en fait lamentablement échoué dans sa mission. Il a dénoncé la manière dont la GRA a détruit la confiance du public, au point de « littéralement décimer l’industrie hippique mauricienne. »

L’ancien Board member de la GRA, Dev Beekharry, en a pris pour son grade. Navin Ramgoolam a souligné que ce dernier aurait touché Rs 3,3 millions en tant que vice-président de la GRA, tout en cumulant d’autres fonctions lucratives au sein d’une série d’autres entreprises publiques. « Comment oublier que ce même Beekharry a servi de conseiller spécial à l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, tout en concoctant un plan machiavélique pour liquider l’héritage historique du Mauritius Turf Club ? », a-t-il martelé.

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Dans le même souffle, Navin Ramgoolam a pointé du doigt Ravi Yerrigadoo, ancien conseiller légal de la GRA, qui aurait perçu Rs 4 millions entre 2014 et 2024. « La GRA avait été accaparée par une bande d’agents notoires au service de leurs maîtres politiques », a-t-il fustigé, dénonçant un système « gangrené par la mafia » sous le gouvernement de Pravind Jugnauth.

Le Premier ministre a également évoqué la Horse Racing Division (HRD), qu’il a décrite comme « a political agent of the MSM », incapable de remplir son rôle de manière indépendante. Selon lui, la HRD aurait été transformée en instrument politique pour servir des intérêts partisans, au détriment de l’organisation et de la transparence des courses.

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Navin Ramgoolam a commenté longuement l’épisode du rapport Parry, censé faire la lumière sur la corruption dans le secteur hippique. Préparé en 2014, ce rapport avait mystérieusement disparu après les élections législatives de 2014, avant de réapparaître en 2017 suite à l’intervention de Xavier-Luc Duval. Pour justifier la réforme actuelle, Navin Ramgoolam a avancé : « Nous avons entrepris de restaurer la confiance du public dans la GRA, en particulier pour la supervision de l’industrie hippique. Ces amendements vont assurer que la GRA soit un trustworthy regulator. »

Il a détaillé les nouvelles mesures visant à restructurer la GRA, notamment la création d’une Horse Racing Integrity Division chargée de garantir que les courses soient « fair, clean and free from corruption or malpractice ». Il ajoute que ces changements doivent permettre d’en finir avec les pratiques douteuses : « Lack of trust, allegations of race fixing, cases of doping, animal mistreatment, pitiful state of the race tracks… tout cela est la conséquence directe de l’ancien régime et de ses acolytes . »

Le chef du gouvernement s’est aussi insurgé contre l’abolition des bookmakers hors courses, qu’il a qualifiée de manœuvre pour « favoriser un bookmaker notoire opérant par télécommande », entraînant la perte d’emplois et une baisse des revenus.

En conclusion, il a martelé que ce projet de loi constitue une étape essentielle pour réhabiliter le secteur : « Nous voulons redonner à l’industrie hippique sa place d’honneur, et restaurer la confiance des Mauriciens dans l’équité des courses ». Son message est clair, la GRA, sous l’ancien régime, a failli. Avec ces amendements, le gouvernement promet de tourner la page d’une décennie d’abus et de scandales.

Les dispositions de la loi

Réformes clés

Le projet de loi propose plusieurs mesures majeures pour redresser la situation :

• rétablissement des pleins pouvoirs de l’organisateur des courses (articles 16 et 17).

• remplacement de la Horse Racing Division (HRD) par une Horse Racing Integrity Division indépendante (article 11).

• la GRA reprendra le contrôle sur les licences des jockeys, entraîneurs, vétérinaires, etc., avec des frais annuels de Rs 500 à Rs 15 000 (article 29).

• interdiction de la location de chevaux comme outil de blanchiment d’argent (article 19).

• réintroduction des paris à cotes fixes, mais les bookmakers ne pourront opérer qu’à l’hippodrome.

Dispositifs financiers et institutionnels

• réduction de 50% des frais de licences pour bookmakers et totalisateurs en 2025.

• amendement à la State Lands Act pour transférer le Champ de Mars à un organisme public (article 31).

• Mise en place d’un Responsible Gambling Board chargé d’un programme d’éducation et de prévention (articles 9 et 10).

Joe Lesjongard, le leader de l’opposition

« Le GM ouvre la voie à des possibilités

de collusion et malversations »

Le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, évoquant les réformes engagées en 2021 et 2022, a dénoncé les amendements actuels, qu’il juge porteurs de risques, de dérives et de régression.

« Je ne suis pas un fan de courses hippiques, mais on nous sert une législation troublante », a-t-il déclaré. Selon lui, les modifications proposées vont à l’encontre de l’objectif initial de professionnalisation du secteur hippique. Il est d’avis que le rapport Parry, publié en mars 2015, avait révélé un paysage gravement détérioré, où « l’intégrité des courses hippiques était at a all time low ».

Joe Lesjongard a déclaré que la commission d’enquête avait mis en évidence « des pratiques illicites », une mauvaise gestion, et même des influences mafieuses au sein du Mauritius Turf Club, comme l’avait confirmé l’ancien président du Mauritius Turf Club (MTC), Jean-Michel Giraud, dans une interview : « Les courses sont dirigées par des mafias. »

Le leader de l’opposition a regretté que les avancées obtenues suite à la réforme de la Horse Racing Division (HRD) soient aujourd’hui compromises. « Aujourd’hui, au lieu de consolider la réforme, les amendements proposés à la section 4 et à la section 32 redonnent à l’organisateur des courses des prérogatives qui relèvent de la réglementation », prévient-il.

Il y voit une porte ouverte à de graves abus : « Le gouvernement ouvre la voie à des possibilités de collusion et, ce faisant, laisse le champ libre à des malversations. C’est un recul de dix ans. Malheureusement, nous retournons à la case départ, et on se demande à qui va profiter le crime ! », estime-t-il.

L’intervenant s’est inscrit en faux contre le fait que la GRA est appelée à payer des millions à l’organisateur pour l’utilisation de la salle des commissaires, alors que le MTC réclame toujours Rs 1 milliard de dommages à l’État. Il s’est dit préoccupé par la clause 18, qui pourrait selon lui créer un monopole autour d’une filiale du MTC comme unique opérateur de Tote, clause « taillée sur mesure pour deux opérateurs actuels connectés au MTC ». C’est ce qu’il allègue.

Par ailleurs, l’amendement à la clause 101 réintroduit, sous une nouvelle appellation de Stable Owner un concept rejeté par le rapport Parry. « Ce gouvernement réintroduit subtilement un modèle qui a été décrié par la commission d’enquête », a-t-il dit, rappelant que ce type de gestion avait nourri la confusion et les manipulations dans le passé, au point que le MTC l’avait lui-même banni en 2016.

Joe Lesjongard a également exprimé ses craintes au sujet de la lutte contre le blanchiment d’argent .« Ce projet de loi est en train d’affaiblir le régime d’AML-CFT mis en place pour combattre le blanchiment et prévenir que notre pays ne soit placé sur la liste grise ou noire », met-il en garde en faisant allusion à la surveillance de Maurice de la part d’organismes comme le GAFI ou le FMI. Il conclut que cette réforme risque de replonger le secteur hippique dans ses vieux démons.

Arvin Boolell, ministre de l’Agro-Industrie :

« The agenda was to bankrupt MTC »

Le ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell, a dénoncé vertement la gestion passée des courses hippiques et du secteur des jeux sous le régime précédent du MSM. Il a lancé, sans détour que « the agenda was to bankrupt MTC » pour permettre à certains intérêts de s’accaparer ce secteur. Il a accusé le MSM d’avoir ignoré délibérément les conclusions de la commission Parry, demandant avec force : « Pourquoi le MSM n’a rien fait ? » et ajoutant que les 23 recommandations avaient été « dumped in their political dustbin ».

Arvin Boolell fait ressortir que les amendements proposés sont « long overdue », permettant de mettre en œuvre ces recommandations. « We are ushering public confidence », a-t-il fait ressortir, insistant sur la nécessité de restaurer l’intégrité des courses. Il se félicite que la GRA disposera dorénavant de son propre service d’enquête sur les paris illégaux, tout en questionnant l’inaction de cette autorité sous le précédent gouvernement : « There is no place for illegal activities aided and abetted by the previous regime », devait-il faire comprendre.

Le ministre a dénoncé le rôle trouble de certains proches de l’ancien Premier ministre, notamment un conseiller. « He made a hefty contribution of more than Rs 12 million and that is what we call the petty cash », dénonce-t-il. Ce qui illustre, selon lui, un système de copinage et d’enrichissement illicite.

Arvin Boolell est revenu sur les manipulations passées qui ont, à ses yeux, sapé la confiance du public et terni l’image du MTC : « Horse race fixing and gambling scandals were rife, and those guilty of fixing horse races cannot get away », ajoute-t-il en citant également les sabotages sur la piste ou encore la maltraitance animale.

Il fait comprendre que « under our government, transparency and accountability is the practice ». Il a salué le rétablissement des pouvoirs du Horse Racing Organiser, l’amélioration de la supervision vétérinaire et la protection des chevaux, affirmant que « welfare of these horses is natural justice ».

Arvin Boolell a assuré que cette réforme était une étape cruciale pour redonner ses lettres de noblesse à l’industrie hippique, mise à mal par « a corrupt and filthy regime », et a promis que « public confidence in the integrity of horse racing industry is now being restored. »

Ram Etwareea, backbencher de la majorité :

« Un remède de cheval »

Ram Etwareea a replacé l’enjeu du projet de loi dans un contexte mondial où l’industrie des jeux de hasard pèse pas moins de USD 618 milliards et devrait générer USD 750 milliards d’ici à 2034. Un secteur colossal, donc, qui exige selon lui des garde-fous solides.

Il fait comprendre que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a voulu, à travers ce projet, « tourner la page sur une période sombre de l’industrie du jeu à Maurice, tout le pays était géré de sorte que les affairistes remplissent leurs poches à n’en plus finir, avec du népotisme et du blanchiment d’argent ».

Le député de la majorité a cité les noms de Jean-Michel Lee Shim et de Dev Beekharry comme symboles de ces dérives et s’est interrogé : « Est-ce qu’une commission d’enquête ne s’impose pas ? » Pour Ram Etwareea, la situation actuelle s’apparente aux « écuries d’Augias qui nécessitent aujourd’hui un remède de cheval pour un nettoyage de fond en comble ».

Par ailleurs, il a souligné l’attachement des Mauriciens à cette activité : « Beaucoup de Mauriciens aiment miser un kopek, personnellement je n’ai jamais fait de paris, mais je connais beaucoup de petits parieurs, tristounets un jour et heureux un autre jour. »

Tout en reconnaissant les dangers du jeu, notamment l’addiction, Ram Etwareea a salué la perspective d’une reprise des courses, « une activité sportive unique et chère au cœur de la population. » 

Kaviraj Rookny, backbencher :

« Integrity is everything »

Kaviraj Rookny, troisième élu de Pamplemousses/Triolet, a défendu le Gambling Regulatory (Amendment) Bill en soulignant que la refonte proposée va bien au-delà d’un simple amendement technique. Selon lui, il s’agit d’un processus né d’années d’introspection et amorcé dès 2007, lors de la création de la GRA, pour restaurer la confiance. « The government has taken the decision to act decisively », affirme-t-il.

Il a réitéré que les courses font partie de l’identité mauricienne, ponctuant le samedi après-midi de générations entières. Toutefois, au fil des ans, les rumeurs persistantes de courses truquées se sont multipliées. « Horse racing fans started to wonder if only people winning were a corrupt few operating behind the scenes », poursuit-il.

La perte de confiance a été accentuée, selon lui, par divers facteurs, incluant l’inefficacité des contrôles antidopage et l’inaction de l’ancien régime pendant dix ans, malgré un rapport d’enquête qualifié de « damning » par le leader de l’opposition lors des débats sur ce projet de loi. Il maintient que cette réforme permettra d’« institutionnaliser ce qui devrait être une évidence : l’intégrité », soulignant que « in sports as in governance, integrity is everything. »

Il a tenu à rassurer que la réforme n’était pas hostile au secteur, citant l’exemple de Hong Kong, où « the Stewards’ room never sleeps ». Il a conclu son intervention en déclarant que « I am not saying that we are Hong-Kong, not yet, but with this bill we are on the track. We are incorporating international best practices, independent stewardship and laboratory protocols and close collaboration with financial crime agencies to choke off illicit funds. »

Gavin Glover, Attorney General

« Les courses hippiques ne sont pas

qu’une simple activité commerciale »

D’entrée de jeu, l’Attorney General, Gavin Glover, a déclaré que le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, a concédé qu’il ne connaît pas grand-chose à la chose hippique. Et il s’est livré à un strip-tease parlementaire de Joe Lesjongard au tout début de son intervention sur le texte de loi, présenté par le Premier ministre, Navin Ramgoolam.

« Ceci étant, j’ai donc été estomaqué d’entendre le leader de l’opposition oser faire le procès de ce gouvernement et du Mauritius Turf Club. De ce fait, il a essayé de défendre l’indéfendable, soit de couvrir les frasques de ceux qui avaient pris en otage le Champ-de-Mars pour faire des sous, rien que des sous pour que celui qui a avoué publiquement financer le parti du leader de l’opposition puisse faire plus d’argent. Le leader de l’opposition n’a pas dit pourquoi le fameux PTP a quitté le Champ-de-Mars en octobre 2024, si tout était si rose sous le soleil de Port-Louis. Pourquoi la COIREC du MSM a laissé filer le PTP et laissé le Champ-de-Mars dans un état lamentable ? Ce sont des questions, Monsieur le leader de l’opposition, auxquelles vous n’avez pas répondu », s’est-il appesanti dans son style propre à lui.

Gavin Glover a affirmé qu’après 2021, le public turfiste n’a pas pu assister aux courses pendant une année entière et tous les bookmakers ont été contraints de fermer boutique. « Le seul à pouvoir opérer était SMS Pariaz, une situation de monopole, tolérée par la GRA de l’époque. En 2023, lorsque le MTC a déclaré qu’elle en avait assez de cette situation, il y a eu la mainmise totale de l’État sur le secteur hippique, » a-t-il ajouté.

La Horse Racing Division, la branche opérationnelle de la GRA, était devenue un outil politique. « Ce projet de loi abolit la Horse Racing Division. Cette HRD a été créée en 2021 dans le but de réguler, de contrôler et de surveiller l’organisation des activités hippiques. Mais elle a ensuite été dotée d’un comité des courses hippiques pour l’administrer et la gérer. Comprenne qui comprendra. La HRD était en soi une autorité au sein de la GRA. Si je soulève cette question, c’est en raison d’une situation absurde. Toute action menée par la HRD était légalement considérée comme relevant de la GRA. Si la HRD manque à ses obligations, vous ne pouvez poursuivre que la GRA, et non la HRD. Nous mettons fin à cette absurdité. Permettez-moi de rassurer l’Assemblée : les pouvoirs du Chief Executive de la GRA n’ont pas été accrus. En réalité, ce sont les pouvoirs du conseil d’administration qui le sont avec la prise de contrôle de la HRD. Tous les pouvoirs auparavant conférés à la HRD seront désormais confiés au conseil d’administration », a déclaré Gavin Glover.

« Nous ne pouvons pas accepter qu’un organisateur de courses dont le modèle économique est constamment menacé par les autorités, constamment soumis au chantage pour satisfaire le gouvernement en place. Les courses hippiques ne sont pas qu’une simple activité commerciale. C’est un patrimoine. En protégeant le Champ-de-Mars, nous protégeons le terrain sur lequel des générations se sont rassemblées dans un esprit de camaraderie sportive. Nous choisissons de préserver ce site qui appartient à la mémoire de la nation », a déclaré l’Attorney General.

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