Judiciaire – Meurtre de Vanessa Lagesse : Bernard Maigrot acquitté en appel 24 ans après

Hier, en Cour d’Appel, 24 ans de cauchemar ont pris fin pour Bernard Maigrot et sa famille. Cette instance a en effet cassé le verdict de culpabilité prononcé par la Cour d’Assises à l’encontre de Bernard Maigrot le 27 juin 2024. Ce mardi 27 mai 2025, la cheffe-juge, Bibi Rehanna Mungly-Gulbul, a donné lecture du jugement de la Cour d’appel, acquittant l’homme d’affaires. Le jugement s’est focalisé sur les défaillances du Summing-Up prononcé par le juge Lutchmyparsad Aujayeb vers la fin du procès en Cour d’Assises. Le Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Rashid Ahmine, a indiqué qu’il comptait étudier la teneur du jugement avant de décider de la marche à suivre.

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Bernard Maigrot, vêtu d’un costume beige, avait pris place dans les travées réservées au public, entouré de ses proches, dans une salle bondée. Le Directeur des Poursuites Publiques avec à ses côtés Me Darshana Gayan, qui avait assuré la poursuite pendant le procès, s’était déplacé en personne pour prendre connaissance des attendus du jugement.

C’était la cheffe-juge, Bibi Rehana Mungly-Gulbul, siégeant seule, qui a lu le jugement du Full Bench de la Court of Criminal Appeals. Cette instance, composée de la cheffe-juge elle-même et des juges David Chan Kan Cheong et Kesnaytee Bissoonauth, avait entendu l’appel interjeté par Bernard Maigrot en mars dernier.  La Cour a rejeté d’emblée l’objection préliminaire du Parquet que l’appel de Bernard Maigrot avait été logé Out of Time. La cheffe-juge a expliqué que la Cour d’appel a utilisé sa discrétion pour entendre cet appel, vu qu’il y avait des « issues of public interest » impliqués. Parmi, le fait que des Criminal Proceedings avaient été logés contre le prévenu 24 ans après le crime. « It is a fit and proper case to entertain this appeal outside the prescribed time limits », dit-elle, vu en outre que cela ne causait aucun préjudice au Parquet.

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Vers la fin du jugement, la cheffe-juge devait annoncer que la Cour suprême cassait le verdict de culpabilité de la Cour d’Assises, qui avait trouvé Bernard Maigrot coupable du meurtre de la styliste Vanessa Lagesse, crime pour lequel il avait été condamné à 15 ans de servitude pénale.

Ci-dessous, un condensé des raisons avancées par la Cour d’appel pour infirmer ce verdict.

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  • La Cour a pris note de l’absence de toute preuve directe contre Bernard Maigrot mais qu’il n’y avait que des preuves circonstancielles contre lui.
  • Le Summing-Up du Juge Lutchmyparsad Aujayeb a été critiqué comme Limited and Inadequate en ce qui concerne les preuves ADN. L’ADN de Bernard Maigrot avait été retrouvé sur deux draps dans le bungalow de Vanessa Lagesse. Pour la Cour d’appel, le juge Aujayeb aurait dû mieux expliciter aux jurés que la présence de l’ADN de Bernard Maigrot sur ces draps n’expliquait ni quand ni comment cet ADN s’est retrouvé là, en conformité avec les témoignages de deux experts en génétique de la défense. « The trial juge failed to direct to the jury as to the issue of when and how the DNA was deposited there », concède la Cour d’Appel.
  • Il y a eu Lack of Guidance du juge Aujayeb aux jurés au sujet de l’explication de Bernard Maigrot, qui avait fait état qu’il avait rendu visite à la styliste le 6 mars 2001, soit trois jours avant le meurtre, ce qui expliquerait la présence de son ADN.
  • Le Summing-Up du juge était « lacking in more than one respect » en ce qui concerne l’alibi fourni par Martine Desmarais à Bernard Maigrot le soir du 9 mars 2001.
  • Le juge Aujayeb a complicated the task of the jury en faisant référence extensivement au protocole de lavage ordonné par l’expert français Doutremepuich, protocole qui avait été ordonné pour déterminer si des traces d’ADN pouvaient subsister sur un tissu après un lavage dans le lave-linge. Or, ce test n’avait pas yielded any result. C’est ce que note la Cour d’Appel.
  • Le juge Aujayeb aurait dû s’étendre davantage sur des zones d’ombre, créant un doute raisonnable dans cette affaire, notamment : qu’il y a la possibilité qu’il y avait plus d’un agresseur au moment du crime, comme admis par le médecin légiste, le Dr Satish Boolell ; le fait qu’il y avait l’ADN d’une personne inconnue, de sexe masculin, sur une cordelette en nylon qui aurait pu servir à tuer Vanessa Lagesse, ADN qui s’était également retrouvé sur un t-shirt et une serviette imbibée de sang ; et l’absence de l’ADN de Bernard Maigrot ailleurs dans le bungalow, à l’exception des deux draps.
  • Les demi-vérités de Bernard Maigrot, tenues en ligne de compte par la poursuite pour le clouer au pilori, avec pour explication le fait qu’il voulait cacher le fait qu’il entretenait des relations extraconjugales avec Vanessa Lagesse, un point que le juge Aujayeb aurait dû mettre en avant devant les jurés.
  • Le fait qu’aucun mobile de Bernard Maigrot pour tuer Vanessa Lagesse n’a été démontré en Cour, encore un point que le juge Aujayeb aurait dû mettre en avant devant les jurés.

Pour la Cour d’appel, se référant au texte de référence connu comme Archbold, cette absence de ‘Non Direction’ par le juge Aujayeb aux jurés sur certains points cruciaux équivalait à une Misdirection du juge.

Encadrement 1

Le DPP compte étudier le jugement avant de décider de la marche à suivre

Dans une déclaration à la levée de la séance, le Directeur des poursuites publiques, Me Rashid Ahmine, a indiqué qu’il comptait étudier le jugement avant de décider de la marche à suivre.

Encadrement 2

Bernard Maigrot s’en remet à la Bible

Bernard Maigrot s’est pour sa part contenté de lire un verset de la Bible aux journalistes, sans aucune autre déclaration : « Je vous enverrais l’esprit de la Vérité », un verset qu’il indique avoir lu le matin avant de venir en Cour.

Encadrement 3

Le ‘Timeline’ de 24 ans de calvaire pour Bernard Maigrot

  • Vanessa Lagesse est retrouvée morte dans sa baignoire dans son bungalow à Grand’Baie le 10 mars 2001.
  • Bernard Maigrot est arrêté le 23 avril 2001 sous une accusation de meurtre. Cette arrestation avait été effectuée par l’escouade de feu Prem Raddhoa, et Bernard Maigrot avait apparemment été « torturé » en vue d’avouer le crime.
  • Une enquête préliminaire est initiée le 7 mai 2003 devant la Cour de district de Mapou, enquête qui va durer trois ans. Bernard Maigrot est déféré devant la Cour d’assises le 28 novembre 2007.
  • Le 2 juin 2008, le DPP prit la décision de « discontinue » cette affaire, après les allégations de torture.
  • Le 4 juillet 2008, l’enquête policière est rouverte, avec cette fois-ci l’assistance des autorités françaises. Des pièces à conviction sont envoyées en France pour les besoins d’un test ADN.
  • Le 18 mai 2012, une accusation d’homicide est logée contre Bernard Maigrot en Cour d’assises. Le juge Prithviraj Fekna, qui devait entendre ce procès en Cour d’assises, meurt le 6 août 2019.
  • Le procès doit recommencer le 5 septembre 2019 devant le juge Benjamin Marie Joseph.  Ce dernier décida en 2021 suite à une motion de la défense que la poursuite ne pouvait se référer à ces nouvelles preuves scientifiques émanant de France vu que l’accusé n’avait pas été confronté à ces conclusions durant l’enquête policière, et qu’il ne pourrait jouir d’un procès équitable en conséquence.
  • Le DPP loge une 2e « discontinuation of proceedings ».
  • Basée sur le rapport du Laboratoire d’hématologie médico-légale de France, une nouvelle accusation est logée contre Bernard Maigrot le 21 février 2022 par le DPP, directement aux assises cette fois-ci.
  • Le 25 octobre 2023, le juge Lutchmyparsad Aujayeb rejette une motion des hommes de loi de Bernard Maigrot pour un Permanent Stay of Proceedings dans cette affaire.
  • Le procès de Bernard Maigrot s’ouvre aux assises le 20 mai 2024, procès présidé par le juge Aujayeb. Il est reconnu coupable de meurtre par les jurés le 27 juin 2024, à sept voix contre deux.
  • Le 25 mars 2025, Bernard Maigrot interjette appel contre le verdict de culpabilité et la sentence prononcée contre lui.
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