Jyoti Jeetun : « Nous verrons comment aider ceux qui ont des difficultés à travailler jusqu’à 65 ans »       

 La ministre des Services financiers et du Plan, Jyoti Jeetun, s’est exprimée sur les mesures phares du dernier budget, en particulier la décision controversée de relever l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse (Basic Retirement Pension) de 60 à 65 ans. Une décision qui a déclenché une levée de boucliers au sein de la population, mais que le gouvernement défend comme étant inévitable dans la conjoncture économique. Intervenant lors du Budget Focus, organisé par EY & CMS Prism, hier matin, elle a admis que « very harsh measures have been taken ». Consciente du tollé provoqué par cette mesure, « causing such a huge outcry and backlash in the public », elle concède que « maybe, we could have communicated better ».

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Mais elle affirme que la gravité de la situation financière du pays a imposé une telle décision. « Nous n’avions pas d’autre choix que de presser le Reset Button, car Moody’s est aux aguets », dit-elle en insistant sur le fait qu’il n’était plus possible de continuer avec le même niveau d’endettement. Elle a reconnu que « obviously there is a social impact. » Elle entrouve la porte en indiquant « il faudra voir comment aider ceux dont le métier ne leur permet pas de travailler jusqu’à 65 ans, ou qui auront des difficultés à le faire ». Elle précise que « beaucoup travaillent déjà jusqu’à 65 ans », et que la confusion entre l’âge de la retraite et l’âge d’éligibilité à la pension contribue à une mauvaise perception.

Pour la ministre, cette réforme s’inscrit dans une vision à moyen et long terme : « We cannot have a short-term vision », avance-t-elle, d’autant que ce budget vise à « repair the broken foundations », avec des réformes structurelles majeures à venir. Au chapitre de la fonction publique, elle déclare: « we have layers and layers of bureaucracy and major reforms to implement. La fonction publique opère toujours comme il y a 20 ou 30 ans. Rien n’a changé et c’est difficile d’entendre les fonctionnaires me répondre à chaque fois : ici on n’est pas dans le secteur privé. Il faudra changer les attitudes. »

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Jyoti Jeetun a également pointé du doigt les limites du modèle économique actuel basé sur la consommation, et a évoqué l’élaboration d’un plan de développement sur 25 ans : Vision 2050, qui devrait être prêt d’ici à mars 2026. Ce Masterplan s’accompagnera d’un plan de développement pour les dix prochaines années. Évoquant le secteur des services financiers, elle est d’avis que « Mauritius is not yet ready for more sophisticated financial services products », tout en réitérant sa volonté de faire progresser le secteur avec des solutions concrètes, loin des simples slogans du passé.

Sur le plan énergétique, Jyoti Jeetun tire la sonnette d’alarme, soulignant l’urgence de trouver des solutions rapidement : « Nous n’avons que six mois pour améliorer la fourniture énergétique avant l’été. Il y a beaucoup de projets Ready To Go, mais il n’y a pas d’électricité pour les faire démarre. » Enfin, s’adressant directement au monde des affaires, et se référant à certaines mesures annoncées qui ont suscité des appréhensions, elle s’est voulue rassurante : « we will make sure that we are helping, facilitating and promoting enterprises. »

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Concluant sur une note d’espoir malgré les nombreuses critiques depuis la présentation du budget, Jyoti Jeetun rassure : « we will get this country out of this mess and we need the people with us. Nous devrons être solidaires pour que le changement se fasse. »

Le budget a suscité des réactions diverses parmi les acteurs économiques. Plusieurs d’entre eux, participant à un panel lors du Budget Focus d’EY & CMS Prism, ont commenté les mesures et leur impact sur la trajectoire du pays. Patrice Robert, Executive Director d’IBL, met l’accent sur la nécessité de rétablir un climat de confiance. Selon lui, la clé du succès réside dans l’exécution des mesures annoncées.

Interrogé sur la relance des exportations, il estime indispensable d’avoir une stratégie claire, combinée à des incitations ciblées : « We need to reinvent this industry… We need a strategy, because if you want to attract an investor in the manufacturing industry, you need to have a combo of incentives. » Il a également attiré l’attention sur l’importance de la régionalisation: « we can’t afford to look at growing our economy without looking at East Africa. »

Rubina Toorawa Taujoo, Country Head chez Apex Group, relève la prudence du gouvernement, qui a fait en sorte « not to jeopardize the country » en prenant des décisions difficiles.

Afar Ebrahim, Executive Director de Kick Advisory Services, reconnaît que ce type de mesures était attendu : « On voulait du changement, on a eu du changement », dit-il. Toutefois, il s’interroge sur la capacité du budget à réellement attirer les investisseurs étrangers, citant l’effet dissuasif potentiel des nouvelles taxes sur les grandes fortunes. Il souligne également le manque de vision claire et les difficultés de Maurice à concurrencer des marchés comme l’Inde ou le Kenya. « We are a little bit at a disadvantage, we do not have much to offer », reconnaît-il.  Sur le tourisme, il se montre alarmiste : « I don’t think we are stagnating. I think we are losing ground », dénonçant une baisse de la qualité de service et une perte de compétitivité.

Manisha Dookhony, économiste et présidente d’Africa Legal Support Facility, qualifie le budget de « very courageous », saluant le passage d’un modèle économique axé sur la consommation à un modèle fondé sur l’investissement. « C’est très difficile de faire cela, mais nous aurons des dividendes sur le long terme », affirme-t-elle, en abordant l’urgence de s’attaquer aux déséquilibres structurels. « Nous devons tackle notre triple déficit et le budget doit être interprété avec le rapport State of the Economy en tête », propose-t-elle.

 

 

 

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