Kot mo’nn fote à la Santé !

« À la santé ! » Cette expression est un signe d’allégresse partagée dans un instant de grande joie et de réjouissance, accompagnée de souhaits que des lendemains meilleurs se profilent à l’horizon. La question demeure : peut-on boire à la santé de la République de Maurice dans la conjoncture socio-économique actuelle, avec en toile de fond les promesses de changement formulées dans une chaude surenchère électorale ? Les réponses à cette question peuvent être aussi contradictoires, dans un sens comme dans un autre, que le score réalisé par les forces engagées lors de la dernière joute électorale.

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Le traité entre Port-Louis et Londres sur les Chagos, avec la souveraineté confirmée et reconnue de Maurice sur l’ensemble du territoire, dont l’archipel des 55 îles regroupées en sept atolls au cœur de l’océan Indien, et dont la ratification s’annonce pour la fin de cette année, mérite que chaque Mauricien en boive à la santé. C’est incontestable, car cela relève d’un patriotisme intrinsèque, qui ne peut souffrir d’aucune contestation de la part de celui dont le nombril est enterré dans le sol de la République.

Aussi légitime que cela puisse paraître, d’autres voix se feront entendre pour affirmer le contraire sur d’autres plans, démocratie oblige ! Les sujets de récriminations populaires ne font pas défaut. Les réseaux sociaux en demeurent la preuve, même si, par le passé, les échanges dans le salon de coiffure du coin, avec l’affiche For Credit Come Tomorrow bien placée en évidence, permettaient de tâter le pouls de la rue.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’avec l’évolution des prix de vente au détail des commodités de première nécessité dans les supermarchés ou autres points de vente, la ménagère ne peut prétendre pouvoir boire à la santé, car l’érosion du pouvoir d’achat est inéluctable. À l’Hôtel du Gouvernement, surtout lors des dernières délibérations du Conseil des ministres, la question de la hausse des prix a été chaudement évoquée. Le vétéran de l’échiquier politique, le Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, s’est vu confier la délicate mission de présider un comité interministériel pour trouver des solutions susceptibles d’apporter un sourire sur le visage de la ménagère à la caisse du supermarché. Faute de pouvoir boire à la santé.

Toutefois, les clameurs, fussent-elles légitimes pour exprimer des rancunes conjoncturelles, ne peuvent prétendre occulter cette profonde détresse humaine, qui se décline depuis le 29 avril dernier au tribunal de Curepipe. À chaque audience de l’enquête préliminaire, instituée par le Director of Public Prosecutions, Rashid Ahmine, décision arrêtée par le gouvernement du Changement sous la pression tenace des parents des victimes, les récits de ce drame, qui s’est déroulé entre le New Souillac Hospital et l’hôtel Tamassa, transformé en centre de quarantaine pour des patients suivant des traitements de dialyse et atteints du virus du Covid-19, sont des plus poignants.

Depuis mars 2021, les parents des victimes de la machinerie administrative à la Santé se sont battus pour que la lumière soit faite sur ce crime commis de sang-froid, alors que Maurice avait été placée sous cloche en raison de la pandémie de Covid-19. Cela n’avait pas empêché des intérêts inavouables de se gaver avec des entorses criminelles aux procédures de Procurement, le tout couvert du sceau du secret d’État. La défense des suspects dans l’affaire Reward Money à Rs 250 millions en dit long.

Ce qui se décrit, séance après séance, au tribunal de Curepipe, dont la dernière en date est la First Hand Evidence de Vinajagee Lutchammah, qui a vécu le calvaire aux côtés de son époux, victime du système en place en 2021, est un affront difficilement lavable aux louanges et à la gloire contenues dans les rapports des technocrates de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale de la santé ou encore du Fonds monétaire international. Pour ne citer que ces institutions. Alors que d’autres parleront de la tyrannie éditoriale des bureaucrates à l’international.

Un véritable satisfecit pour un système ne générant que des déchets, pires qu’à Mare-Chicose. Tout cela se résumait à des Armchair Evaluations, encensant aveuglément le ministre de la Santé d’alors, Kailesh Jagutpal, et ses acolytes au ministère. Et comment n’ont-ils pas bu à la santé à la légendaire question de Kot Mo’nn Fote, avec en arrière-plan les ventilateurs défectueux de Pack & Blister ?

Au-delà de cet exutoire pour les familles des victimes, qui ne sont pas encore parvenues à faire le deuil plus de quatre ans après, l’enquête judiciaire, sous la présidence de la magistrate Shavina Jugnauth, se présente comme un symbole fort dépassant le slogan de Lakes Vid pour démontrer la faillite d’une politique avec pour seul rideau d’arrogance Kot Mo’nn Fote ? En attendant les conclusions de l’enquête judiciaire, le récit des proches constitue déjà un Indictment sans appel du bluff servi à la Santé sous le Covid-19.

Au moins, le ministre de la Santé d’alors a eu la pudeur de se faire tout petit, comparativement à son voisin de circonscription…

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