Le Port-Louis d’hier et d’aujourd’hui : L’incendie de 1893 dans la presse écrite

Parmi les publications qui rapportèrent l’incendie de 1893 à Port-Louis figurent Le Cernéen, L’Essor et L’Illustration. L’incendie s’étendit sur deux jours, les 23 et 24 juillet détruisant «l’ensemble des magasins, maisons de commerce, maisons de logements et autres édifices établis le long de la Chaussée, du ruisseau du Pouce, de la rue du Rempart, de la rue Moka et de la rue St Louis. Les magnifiques maisons de commerce de cette partie de la ville qui faisaient l’ornement de la capitale, ont toutes été la proie des flammes.»(1)

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Les suivants figuraient sur la liste des immeubles détruits par le feu au cours de l’incendie et publiée par Le Cernéen(2), tout en indiquant leur évaluation en roupies au cadastre municipal:-
— Rue de la Pompe – Adrien L’Hoste (12 000), Mme Vve J. West (6000)
— Rue Little Pump – Mme Alphonse Lagesse (8000), Melle C.V. Molliere(6000), Foultane et Caram (2500)
— Rues Little Pump et des Créoles – Vve Agarayen (3 800)
— Rue des Créoles – Vve F. Goumany (7000), M. de F.C. L. Dumez (6000)
— Rues des Castries et Chaussée – Vve L.E. Brue (12000)
— Rue des Castries – L.M. Sullivan (16000)
— Rues de Castries et la Pompe – H.M.A. Aga Hassan (23500)
— Rues de Castries et Chevreau – Succession C.F. Garreau (22000), Joseph Thomas (25000)
— Rues Chaussée et Rempart – Charles Gonnet (12000)
— Rue Chaussée – Michel Grégoire (20000), V. Zamudio (10000), Mme Marie O. Bouchy (14000), Sieur E. Mabille (26000), Mme Vve A. Christies (23000), Mme E. Vidal, née Bacquet (23000), Eugène Vidal (18,000), Jules Constantin (4000), Mlle Delavigne (12000)
— Rue du Rempart – Mme James Forester Anderson (8000), Mme Joseph Fernand André née Font (12000), Charles Henry Smith (12000), Grégoire, Rousset et Font (18000), Mme Bacquet née Fourmond (17000), Claude Guillemin (18000), George Dell (13000), Hamilton Stein (26000), Mme John Patrick Holton (3000), A. Mazand et Jules Montauzé (10000)
— Rues du Rempart et Moka – Hermine Raffray et Mme Léon Murphy (28000)
— Rues du Rempart et des Casernes – James Duncan (40000) et Arthur Mautalent (20000)
— Rues du Rempart, St Louis et Chevreau – Albert James Wilson (20000), Eugène Leclézio (10000), Arthur Mautalent (14000), Elicio Chauvin (9000)
— Rues du Rempart et de la Pompe – Paul Elias (36000), Elias Mallac & Cie (20000)
— Rue du Rempart et Nouvelle Rue de Moka – Géo Constant Baschet (10000), Henri Dusaulchoy, Charles Henry Smith (14000), Vve Léon Jean Marie Cassagne (6000)
— Rue de Moka – Pierre Evariste Laval (10000)
— Rues de Moka, Dumat et Passage Monneron – M et Mme Auguste Minvieille (50000)
— Rues de Moka et Dumat – Jean Charles Marie (18000), Mme Amédée Hermans (7500)
— Rues de Moka et Jemmapes – Vve Charles Antoine Marc (13000), Ajum Goolam Hossen (5000)
— Rue de Moka – Vve Antoine Chaumet (7000), Ajum Goolam Hossen (8000)
— Rues Jemmapes et Dumat – Mme Jules Simon (9000)
— Rue Dumat – The Colonial Dry Dock (6000), Irlapoulle Valaydon (30000)
— Passage de Monneron et Nouvelle rue Moka – D.H. Tostée (50000)
— Rue Chevreau – Mme Cormerais, née Pougnet (4000)
— Rue St Louis- Mme Caroline Peyrebere (6000)
Disparus à jamais sous les cendres meurtrières
Après avoir passé sous les flammes, «tous ces magasins qui faisaient de la Chaussée la plus belle rue de la ville, Chevalier, Vidal, Hermans, Grégoire, Goy, Charlot & Cie, Guillemin, Perretier, Collot, Payet, Tournois, etc., n’existent plus à l’heure actuelle.»(2) Et la liste d’établissements sinistrés s’allongeait dans l’article de presse. «La pharmacie Loumeau, la maison Elias Mallac, la maison Scott, le magasin Singer, la maison Chauvin, le magasin Castillon, le magasin Guillou, la succursale de la pharmacie Minet, la maison Laroque, la carrosserie Dell, la pharmacie Baschet, la quincaillerie dirigée par M. Couacaud, la Glacière, ont également été la proie des flammes.»(Idem)

Eut-il été possible de limiter les dégâts?

Après cela l’incendie a gagné «la rue Moka, détruisant la splendide maison Currie Fraser, (Immeuble Minvielle), le Magasin Général, les magasins des huiles Nairac, la pharmacie Curé, presque tous les immeubles de la rue Dumat, à l’exception de l’Hôtel Barkly – qui n’en pas moins beaucoup souffert – et tout le carré compris entre cette dernière rue et la rue Jemmapes.»(Idem) Et la dernière étape: «L’incendie a finalement attaqué un magasin de guano sis derrière la Ferme des rhums, et une partie du Chantier Dauban et Desvaux.» Fort heureusement, la Ferme des rhums elle-même a été épargnée. «C’est un hasard tout providentiel que la Ferme, où se trouvaient près de cent mille litres de rhum, n’ait pas sauté, ce qui eut donné lieu à une violente explosion et à de terribles conséquences.»(Idem)
Selon le rédacteur du Cernéen, «il eut été possible, pourtant, de circonscrire le sinistre à quelques immeubles seulement, si nous avions eu un service de pompes plus effectif et surtout des Conseillers municipaux ayant plus de sang-froid, d’énergie et d’initiative.» L’incurie de l’administration municipale est sujette à une sévère dénonciation. «En raison de l’incurie de l’administration urbaine, les pompes étaient dans un état tel que qu’il leur érait de toute impossibilité de lutter contre les progrès du sinistre, et les Conseillers municipaux affolés ont totalement négligé de prendre les mesures de sécurité les plus élémentaires. Pour enlever un nouvel aliment au feu, pour l’empêcher de gagner la Chaussée, il eut suffi d’abattre une ou deux maisons. Dans aucun autre pays on n’eut hésité à le faire: l’administration municipale n’y a pas seulement songé.»(Idem)
Et pourtant Port-Louis ne manquait pas de bras qui eurent pu contribuer à combattre le sinistre – noirs créoles, marins de l’escadre et soldats de la garnison. Toutefois, ces personnes n’inspiraient pas confiance. «A qui se fier d’ailleurs pour le sauvetage? Les noirs créoles ne songeaient qu’au pillage,. Les marins de l’escadre et les soldats de la garnison se fussent constitués, si la demande en avait été faite, en un corps de sauveteurs pour enlever les marchandises des magasins et les placer ensuite dans un lieu de sûreté, aux Casernes, par exemple. Mais comme quelques-uns d’entre eux – surtout les soldats – s’étaient assez mal conduits dès le début, les propriétaires des maisons refusèrent absolument de les laisser pénétrer dans leurs demeures….Ajoutons que beaucoup d’individus qui auraient pu, sinon se dévouer, au moins se rendre utiles et prêter une certaine assistance pour opérer les déménagements se contentèrent de rester les mains dans les poches…»(3)

Une indemnisation en temps record!

Une fois les comptes faits, les compagnies d’assurance auprès desquelles les sinistrés de l’incendie de juillet 1893 étaient abonnés, se hâtèrent de d’indemniser ces derniers. Les deux compagnies, soit la Colonial Fire Insurance Cy et la Mauritius Fire, décidaient «de payer dans le plus bref délai tous les immeubles assurés»(4) chez elles. «Le montant qu’elles ont à payer est de Rs 1, 300, 000 en chiffres ronds. Avec leurs seules réserves, elles sont en état de faire face à la plus grande partie de cette somme et pour la parfaire il suffit d’un appel de fond de Rs 100 aux actionnaires qui ont touché depuis la création de la Société plus du double de ce qu’ils avaient versés. Leur capital restera le même que celui dont elles disposaient lorsqu’elles ont commencé leurs opérations. C’est dire qu’elles offriront toujours aux assurés une entière sécurité… Le pubic peut donc continuer à avoir une absolue confiance dans ces deux Compagnies qui ne tarderont pas, nous en sommes convaincus, à restituer leur fonds de réserve et à payer de nouveau de magnifiques dividendes à leurs actionnaires.»(Idem)
Parallèlement des mesures furent prises pour parer à d’autres sinistres du genre à l’avenir ( et il y en eut plusieurs au cours des années suivantes – 3 avril 1895,12 juillet et le 26 août 1896). « A la suite de ce désastre, qui attire sur la Municipalité le blâme sévère du gouvernement et de toute la population du Port-Louis, diverses mesures furent prises pour pour empêcher qure pareil sinistre se renouvelât; un corps de «Sauveteurs-hospitaliers» fut formé; la brigade des pompiers fut réorganisée; le 29 juin 1894, un officier de la Metropolitan Fire Brigade, M. Gibbs, mandé à cet effet d’Angleterre, arriva à Maurice pour s’en occuper.»(2)

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Reconstruction du quartier sinistre
«Suite à l’incendie, l’entrepreneur de travaux publics Paul Ivanoff Manuel reconstruisit , en pierre, pratiquement tout le quartier sinister; il y a exécuté des trottoirs et des caniveaux qui sont encore un modèle de voirie municipale. La plupart de ces édifices existent encore.»
(Extrait du Dictionnaire de Biographie Mauricienne – entrée signée Gaêtan Raynal sur Manuel Paul Ivanoff.)

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Références
1.Chelin, Jean Marie, Port-Louis, Histoire d’une capitale, Volume I, des origines à 1899, Phoenix: Imatech 2017.
2.Le Cernéen, mardi 25 juillet 1893.
3.Toussaint, Auguste, Port-Louis, deux siècles d’histoire, 1735-1935, La Typographie Moderne, 1936. Une nouvelle édition de cet ouvrage est sortie en 2013 aux Editions Vizavi, Port-Louis.
4.Urbini, Jean-Baptiste, et Richon, Emmanuel, «Le Grand Incendie de Port-Louis, 1893»,201

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