« L’Ile Maurice historique et contemporaine » : Mahé de La Bourdonnais

Le sujet est certes « alléchant », pour ne pas dire très « convoité », depuis qu’il existe des aventuriers de terres inconnues. L’Ile Maurice provoque encore les rêves les plus fous et son attractivité reste toujours inépuisable.

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Ma rencontre avec cette ile, haute en couleur, a pris la forme d’une quête, finalement, assez mystérieuse et non dépourvue de sens, depuis 36 ans maintenant.

C’est donc dans cet esprit que je témoigne, lors de mes conférences, en tentant d’apporter un peu de Lumière et de chaleur communicatives, celles que l’Ile Maurice m’a transmises et que je cultive avec beaucoup de précaution.

Ayant à mon actif 22 documentaires, dont « Les couleurs du Maroc » présenté au Caudan en novembre 2021, j’anime le mardi 7 février, à la mairie du 7ème arrondissement à Paris, « L’Ile Maurice historique et contemporaine » en présence de l’Ambassadeur de la République de l’Ile Maurice Monsieur Vijayen Valaydon, et, de Monsieur Jacques Belle, Ministre Conseiller, délégué à l’Ambassade de la République des Seychelles.

Remerciement à Madame la Maire Rachida Dati, et, à l’Association des amis de Mahé de La Bourdonnais pour leur soutien.

Photographe/conférencière, je vais partager ma passion pour ce beau pays à l’aide de mes photos et de mes vidéos, dont j’assure le montage professionnel et que j’accompagne de commentaires distillés en direct, agrémentés de chansons créoles écrites et interprétées par Emilie Poupard.

Pour évoquer le sujet moteur de ce documentaire, je profite de l’espace médiatique qui m’est proposé pour présenter le gouverneur Mahé de La Bourdonnais, créateur de la ville de Port Louis.

Tout commence avec ces blasons qui résument des siècles d’aventure avec le navire évoquant la découverte des iles de l’océan indien ; avec le dodo et le cerf qui évoquent la colonisation hollandaise, et, avec la canne à sucre, l’or des colons français et anglais. La devise des armoiries de la République de Maurice « L’étoile et la clef de l’océan indien », est une déclinaison de « L’étoile et la clef de la Mer des Indes », vision développée par le gouverneur français Mahé de La Bourdonnais.

La Compagnie des Indes orientale entend fortifier le commerce des navires qui transitent déjà de Lorient au Cap de Bonne Espérance vers l’Inde. Nous sommes au début du 18ème siècle, et il devient alors évident que Mauritius, désertée par les Hollandais, et, si près de l’île Bourbon, devient une terre très convoitée.

Rebaptisée Isle de France dès 1715 par la prise de possession des Français, et, après les premières années douloureuses, le roi Louis XV va nommer un gouverneur général des Mascareignes au nom de cette nouvelle Compagnie des Indes. C’est un certain Mahé de La Bourdonnais (1699-1753) qui va désormais les administrer.

Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais est né le 11 février 1699 à St-Malo, fils aîné d’un modeste armateur, ce jeune fils endeuillé par la mort de son père, doit travailler et prend la mer dès l’âge de 10 ans comme mousse. À 14 ans il se retrouve au service de cette fameuse Compagnie. À 26 ans il est nommé officier car il se distingue dans son engagement militaire, une première fois, lors de la prise de Mahé, en 1724, en Inde.

Connaisseur des Mascareignes après sa décennie passée en Inde, commerçant aguerri, il arrive à convaincre le commissaire du roi, dans un mémoire consacré aux affaires de la Compagnie des Indes. En effet, il vante la situation stratégique de l’Isle de France. Celle-ci servirait d’escale entre la France et l’Inde pour les vaisseaux qui seraient protégés, si l’on aménageait le port naturel des mollusques, au Nord-Ouest.

Lorient siège de la Compagnie des indes

Ce projet approuvé lui vaudra d’être choisi comme Gouverneur Général des Mascareignes pour développer socialement et économiquement ces iles. Il est alors âgé de 35 ans.

Pour dynamiser la Compagnie des Indes, il envisage donc une bonne infrastructure portuaire dans la précieuse rade protégée par les brisants. C’est « Le camp », misérable bourgade formée de cases et paillotes, qui va se développer. Secondé d’un ingénieur, Mahé de La Bourdonnais y créait un port avec une cale sèche et des magasins pour conserver des denrées. Ces premières fondations servaient pour la construction et la réparation des chaloupes, canots et chalands.

Il faut dire que les Hollandais avaient échoué car ils s’étaient cantonnés à Grand Port Sud-Est, rade difficilement aménageable, constamment battue par les vents du Sud-Est qui rendaient la sortie du port très laborieuse. Toutefois, ce chef-lieu au Sud n’est pas négligé par le gouverneur et va même porter le nom de « Bourg-Mahé » qui deviendra par la suite « Mahébourg ».

En entamant ces gros travaux de modernisation coûteux mais fructueux, il va falloir pallier le manque de main-d’œuvre, et Mahé de La Bourdonnais fait venir des esclaves d’Afrique, du Mozambique, de Madagascar. Les esclaves, régis par le Code Noir, sont initiés au travail du bois, de la pierre et de la maçonnerie, entre autres.

Mahé de La Bourdonnais avait une vision progressiste et un esprit vif qui lui permettait de concrétiser ses audacieux projets, sans détour. Aussi, en pratiquant l’esclavage, qui existait bien avant les colons européens, plus particulièrement en Afrique, il s’est certes déshonoré au regard du 21ème siècle et l’on serait tenté de le condamner aujourd’hui.

Mahé de La Bourdonnais a manifesté une forme de paternalisme intéressé, en encourageant les esclaves dans l’apprentissage de leur travail quotidien. Malheureusement l’esclavage existe encore bel et bien de nos jours, souvent de façon déguisée et sournoise, ce qu’il faut débusquer sans complaisance, pour transcender les pages sombres de l’histoire.

Le port se dote ainsi d’un arsenal, de nombreuses casernes pour les équipages, d’un hôpital avec un chirurgien, et, à partir de plans très ingénieux, il fait canaliser les eaux qui descendent de la montagne.

Très vite, une petite ville portuaire se dessine tout autour et c’est ainsi la naissance de PORT LOUIS, avec une place La Bourdonnais. En l’espace d’une décennie Le Port Louis de l’île, siège du gouvernement des Mascareignes, aura une aussi bonne renommée que le port de Lorient d’où partent les navires pour les expéditions.

Ainsi, l’Isle de France devient une importante base navale sur la Route des Indes, destinée à la fonction militaire aidant la marine royale à se reconstruire. Le recrutement de “lascars” matelots indiens et de jeunes orphelins bretons ne donnant pas satisfaction, la compagnie engagera finalement quelque 400 matelots en 1741.

Dès 1743, en prenant soin des intérêts matériels des colons, Mahé de La Bourdonnais va étendre la culture des cannes restées sauvages depuis le passage des Hollandais en introduisant de nouveaux plants et offrant des concessions gratuites de terres sous réserve de les mettre en valeur.

La première sucrerie se trouve à Villebague,  au quartier des Pamplemousses, au nord de la capitale. C’est ici le berceau de la culture de la canne et de la fabrication de sucre à Maurice. Mahé de La Bourdonnais donne ainsi naissance à l’un des piliers fondamentaux de l’économie de l’ile, qui prendra essor plus tard avec l’industrialisation sucrière. Le Saint-Géran, navire de la Compagnie des Indes mis à l’eau en 1736 à Lorient, faisait la navette pour apporter du matériel justement pour la création de cette première sucrerie à Pamplemousses. Il fit naufrage en 1744 au bord des côtes nord-est. Mahé de La Bourdonnais dût faire face à ce drame aux lourdes conséquences sociales et économiques.

Le dynamisme de la Compagnie des Indes entre 1720 et 1740 donne à la France une place essentielle que les Anglais finissent par jalouser. Ce succès obligera la marine royale à intervenir sur des opérations de plus en plus lointaines du royaume.

C’est alors que Mahé de La Bourdonnais se distingue une dernière fois pour assurer la supériorité de la France en océan Indien sur les Anglais. Ce sera à nouveau en Inde pour prendre Madras en 1746.  Cette brillante victoire, à 47 ans, va le mener à des oppositions avec le général Dupleix, gouverneur de Pondichéry, qui va le destituer de son poste de gouverneur et le faire emprisonner à la prison de la Bastille le 2 mars 1748 sous le coup de plusieurs accusations.

Il s’emploiera à écrire sa propre défense et obtiendra d’être réhabilité au terme d’un procès mémorable.

Libéré 3 ans plus tard, il meurt en novembre 1753.

Fondateur de la capitale Port Louis, il laissera en mémoire, une allée triomphale qui abrite sa statue qui fait face à celle du « Père de la nation », Sir Seewoosagur Ramgoolam, en posture royale ! L’entrée de l’hôtel du gouvernement où siège le parlement, jouxte l’une des plus vieilles demeures en bois de l’océan Indien, celle de Mahé de La Bourdonnais. L’emblématique Jardin de la Compagnie, comme son nom l’indique, appartenait à la Compagnie des Indes. Doté de deux ruisseaux, il était source de réserve d’eau au cœur de la ville.

En 1988 l’édition de timbres à son effigie lui rend hommage.

Le 17 septembre 1989, la réplique de sa statue à Port Louis est offerte par les Mauriciens à St-Malo, sa ville natale.

En 1999, St-Malo est jumelée à Port Louis à l’occasion des 300 ans de la naissance de Mahé de La Bourdonnais.

L’Association des amis de Mahé de La Bourdonnais œuvre depuis 26 ans pour préserver le patrimoine historique de la France avec les Mascareignes concerné par ce malouin, marin exemplaire, capitaine et gouverneur, figure marquante de l’océan Indien.

L’histoire coloniale de l’ile Maurice l’a enraciné dans une grande diversité ethnique et culturelle. C’est justement ce brassage humain, convergence des quatre coins du monde, qui renforce sa qualité d’Etoile de l’océan Indien.

Timbre à l’éfigie de Mahé de La Bourdonnais émis en 1988

L’Ile Maurice d’aujourd’hui ne poursuivrait-elle pas le rêve de ses aïeux en cristallisant la sublime vision de Mahé de La Bourdonnais « L’ETOILE ET LA CLEF DE LA MER DES INDES », définitivement gravée dans l’histoire de l’océan Indien ?

Le premier livre de Georges Toussaint, « Mémoire d’histoires en Océan Indien », pour lequel j’ai collaboré, sera à disposition à la fin de la conférence.

Références

Auguste Toussaint, « Port Louis, Deux siècles  d’histoire, 1735-1935 », Nouvelle édition, Editions Vizavi, 2013.

Le site de L’Association des amis de Mahé de la Bourdonnais (https://www.labourdonnais-association.org).

Bernardin de Saint-Pierre, « Paul et Virginie » ;

Denis Piat, « Pirates et Corsaires à L’île Maurice », Edition Christian le Comte, MMVII.

Denis Piat, « Sur la route des épices » L’île Maurice 1598-1810, Les éditions du Pacifique.

 André De Kervern et Yvan Martial, « Ile Maurice : 500 cartes postales anciennes »;

« Ile Maurice Aquarelles » de Sophie Ladame (illustrations) et Yvan Martial.

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