L’insulte à la dignité de ceux au bas de l’échelle

DR DIPLAL MAROAM

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Que le coût de la vie est en train de prendre l’ascenseur dans tous les pays du monde n’est un secret pour personne et Maurice ne fait pas exception à la règle. La colère gronde sur tous les continents et l’éruption sporadique de violence à Maurice comme dans de nombreux autres pays ces derniers temps ne serait que la partie émergée de l’iceberg qui risque, malheureusement, de se révéler davantage au fil du temps si aucune mesure corrective pérenne n’est prise. Certes, la part de la guerre en Ukraine et de la crise sanitaire dans l’aggravation de la situation économique globale est indéniable mais tout mettre sur le dos de ces calamités comme le font de nombreux gouvernements, y compris le nôtre, constitue une vaine tentative de détourner la conscience et l’attention des populations des vrais enjeux et problèmes qui, eux, sont liés à l’instabilité chronique du système économique actuel, le rendant ainsi hautement vulnérable aux secousses et crises de toutes sortes. Les émeutes de la faim de 2008, la révolution arabe de 2011 de même que la hausse perpétuelle de la criminalité associée au petit comme au grand banditisme et au commerce des produits illicites ont, toutes, un dénominateur commun : un système économique pyramidal qui, au cours de son évolution, laisse toujours au bord de la route, une masse de gens sombrant dans la spirale de la pauvreté et la précarité.

Ainsi, le plus grand enjeu socio-économique du moment, c’est d’abord et surtout la restructuration de fond en comble de ce système et sa conversion en un modèle rectangulaire inclusif qui embarque tout le monde dans le train du développement – condition sine qua non du progrès et de l’assainissement social. Pour parvenir à cette fin, la première mesure fondamentale consiste à prolonger l’étape de la création de la croissance qui représente la finalité du système actuel pour y inclure la répartition de manière convenable de cette croissance afin que toute la population puisse en bénéficier. Car le bonheur et le bien-être d’un peuple ne reposent pas uniquement sur la performance du système économique mais l’accès au produit ultime de ce système.

Or, il est malheureux que c’est la tendance inverse qui est constatée aujourd’hui. Des coupes budgétaires deviennent monnaie courante et les prestations sociales rétrécissent comme une peau de chagrin. Résultat : l’exacerbation du phénomène de l’exclusion et des inégalités dans toutes les régions du monde. D’ailleurs, une des préconisations courantes du FMI à tout État venant solliciter une assistance financière porte sur la réduction des charges sociales et la dévaluation de la monnaie avec, pour conséquence directe, l’augmentation vertigineuse des prix à la consommation, entraînant une baisse considérable de l’accès aux produits de première nécessité aux couches les plus vulnérables de la société. Comme quoi, il ne peut y avoir d’économie saine prônant l’inclusion de tous les segments populaires sans État solide pour pouvoir résister aux crises et dérives d’un système économique sans bornes et d’un marché sans paramètres définis.

Si un pays comme le Singapour est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est parce qu’il a pu d’abord établir toutes les conditions de base pour un développement économique harmonieux et assurer ensuite le ruissellement à travers toutes les couches sociales du fruit de la croissance. Chez nous, la démonstration insolente de la richesse constitue une insulte à la dignité de ceux au bas de l’échelle. De nombreuses voix s’élèvent ces jours-ci réclamant, à juste titre, une réduction des gros salaires qui, dans le public comme dans le privé, dépassent l’entendement. L’exemple devant toujours provenir d’en haut, il incombe à nos dirigeants de revoir à la baisse leurs privilèges mirobolants et rémunérations faramineuses. Or, il convient ici de rappeler que c’est le PRB de 2008 qui avait accordé les augmentations les plus spectaculaires, entre 65% et 100%, à nos dirigeants et hauts fonctionnaires, avec même un pic de 116% au Deputy Speaker. Le PM d’alors, Navin Ramgoolam, justifiant de telles largesses par le souhait du gouvernement d’attirer les meilleures compétences du pays. Or, très peu d’entre nous se hasarderaient à reconnaître une quelconque hausse de la qualité que ce soit de notre Assemblée nationale ou de la Fonction publique depuis 2008.

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