« Kot bann gro pwason-la ! » Une expression, traduite en kreol morisien, langue devant faire son entrée à l’Assemblée nationale par la grande porte lors de la prochaine session, qui confirme l’état d’esprit de la nation dans la lutte contre le cancer socio-économique qu’est la corruption. Les mauvaises langues auront-elles tort de souligner que cette affirmation, prononcée avec pertinence par le président de la République, Dharam Gokhool, à l’occasion de l’International Anti-Corruption Day du 9 décembre, à l’autel du temple de la lutte contre la fraude et la corruption, pourrait se résumer à l’expression File Corrupt dans ce combat à armes inégales contre cette hydre à multiples têtes.
Toutefois, le dernier bulletin de la Financial Crimes Commission s’évertue à faire comprendre que le Corrupt File de la lutte contre la corruption a été Recovered. Du moins pour l’année en cours. Le 9 décembre a été l’occasion pour cette instance, en attendant de se transformer en National Crime Agency, de dresser le bilan d’une année riche en dénonciations et en enquêtes pénales subséquentes.
À ce dernier chapitre, la Financial Crimes Commission se distingue avec des Flying Colours. Le chapelet de chiffres égrenés est plus qu’éloquent. Pour vous en convaincre : en 2025, la Financial Crimes Commission a diligenté 1 595 enquêtes, dont 733 sont encore Live, soit loin d’être complétées, avec 90 arrestations, les unes plus spectaculaires que les autres, dont un ancien Premier ministre ayant logé, ne serait-ce qu’une nuit, en cellule au Moka Detention Centre, un ancien ministre des Finances présenté à tort ou à raison comme le trésorier de Lakwizinn du PMO d’avant le 10 novembre 2024, ou encore un ancien commissaire de police qui rêvait jusqu’à tout récemment de revenir à son poste constitutionnel aux Line Barracks. Tiens ! Le nom d’un ancien gouverneur de la Banque de Maurice s’affiche aussi en lettres d’or à ce palmarès des plus notoires.
Le montant de Rs 20 milliards d’Assets Under Investigation constitue un Indictment sommaire de l’envergure de l’état de putréfaction. Difficile à dire si le pire est still under the mat. Pour l’instant, la FCC a du pain sur la planche avec les 3 307 Statements consignés de multiples suspects et témoins à charge.
À elles seules, les statistiques ne suffiront pas pour compléter l’opération File Corrupt Recovered. Lies, Damned Lies and Statistics. Ce dicton, popularisé par Mark Twain, qui l’a lui-même attribué à l’ancien Premier ministre britannique Benjamin Disraeli, fait toujours tiquer devant tout déluge de chiffres, aussi formels soient-ils. La Financial Crimes Commission n’y est pour rien, car elle se veut sans peur et sans reproche, comme le fut le chevalier Bayard vers la fin du XVe siècle et le début du XVIe.
Toutefois, pour avoir la main haute, voire anticiper les Moves des cerveaux multidisciplinaires derrière le système institutionnalisé de fraude et de corruption, avec à la clé des milliards blanchis dans des Honourable Circuits, un ingrédient majeur fait défaut. Et ce, de manière systématique. Cet ingrédient, qui ne se vend nullement mais qui fait partie intrinsèque de chacun de nous, n’est nul autre que l’INTÉGRITÉ. Est-ce un fruit du hasard que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime consacre une page de son Website au concept d’intégrité ?
D’autant plus que cette agence des Nations Unies prend soin de souligner qu’« agir avec intégrité présente nombre de bienfaits au niveau personnel, social et professionnel ». Une façon d’affirmer que cet élément d’intégrité constitue un puissant antidote passe-partout pour contrecarrer les dérives, même les plus insignifiantes. Plus loin, cette même agence indique : « L’intégrité motive l’action en société. Elle est essentielle à l’harmonie sociale et au maintien de collectivités saines, dépourvues de corruption et d’hypocrisie ».
De quoi faire réfléchir, qu’il s’agisse de professionnels en tous genres – ces catégories professionnelles ne se comptent pas sur les doigts d’une main et ne sont nullement restrictives – dont les services sont retenus par ceux qui dorment sur des matelas bourrés de milliards blanchis, mais se retrouvent embêtés par la justice sous les dispositions de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act, ou encore ces préposés dans des institutions, avec des attributions et prérogatives bien établies, devant combattre la prolifération de l’argent sale dans le circuit.
Au-delà des grands discours déclamatoires contre la corruption, le Password pour l’opération Corrupt File Recovered ne peut être que le mot « intégrité »; pas nécessairement en majuscule. Le magistrat Prashant Bisson, siégeant en Cour de Port-Louis, épinglant dans son Ruling des professionnels de la médecine dans l’affaire Mamy Ravatomanga, peut aspirer à faire école…
Patrick Michel

