Cité-Perrier, Ampandrana, soit à quelque 15 minutes en taxi de l’avenue de l’Indépendance. Le rendez-vous matinal est donné au « Pavillon 13 », chiffre inscrit sur un mur blanc sublimé du portrait d’une jeune fille. Un décor qui détonne de la monotonie des immeubles alentours.
La créativité respire derrière le portail métallique, qui garde cette maison… aux allures de galerie d’art, attirant jeunes et artistes.
C’est feu Ramananarivo Andrianirina, dit Boule, décédé en 2021, qui a mis en place cette communauté : La Ligue à l’Aise. Baptisée ainsi car ceux qui s’y approchent doivent être « à l’aise » avant tout en vue d’être entièrement accueillis, explique Maëva Anaëlle, sa nièce, dont la mère s’occupe désormais de la demeure.
Un espace de rencontre et de partage où se nourrissent les esprits créatifs.
Du premier étage résonne Jah Roots Malagasy Revolution, groupe de reggae de Madagascar. Aux murs pendent des tableaux, dont certains signés Boule, alors que « nous ne savions pas qu’il peignait ».
Sur des étagères, des Aloalo (sorte de totems malgaches), le premier album (Lohamboto) du trio de rock Loharano – rencontré au Kenya et à l’origine de la découverte de cette ligue –, de même que des livres et des jeux de société.
Mais aussi un prix, celui du meilleur tatoueur, remis lors du Dago Tattoo Fest 2023, tenu à La Teinturerie. « J’ai appris tout seul à faire du tatouage avant de faire une formation professionnelle pour avoir un certificat », explique le lauréat, Zed le tatoueur (Zed Tattooink).
Ici, les clients s’installent sous de larges parasols plantés dans la cour, témoin des allées et venues de jeunes inspirés. Assis sur des chaises en bois, ils reposent le membre à tatouer sur des sortes de coussins tissés aux couleurs typiques de Madagascar.
Bien qu’utilisant un appareil électrique, Zed s’est spécialisé dans la technique du pointillé. Jouant avec l’ombre et la lumière d’après une multitude de points. Sans doute une habitude gardée depuis ses débuts. « Le premier tatouage que j’ai réalisé était avec un appareil artisanal, une machine “hand made“ », explique-t-il, avant de se replonger dans la création d’un Aloalo, dont un croquis a été sommairement gribouillé sur une feuille blanche il y a à peine quelques minutes. Avant d’être reproduit en main libre à la plume rouge sur le corps. Ce, en lui offrant la possibilité de tatouer ce que son cœur lui dicte.
L’expression de son talent s’affirme au gré des cigarettes et des pauses-café, tandis que naît un totem protecteur – unique.
Celui-ci marque à vie ce périple malgache en gravant deux éléments que le tatoueur aura de lui-même décelé chez son sujet : le ravinala (l’arbre du voyageur) pour les aventures en terres inconnues; et le barea (race de zébu sauvage), synonyme de force.
À la Ligue à l’Aise, l’esprit de liberté légué par Boule inspire encore.
De : Joël Achille.