Mathieu Appasamy : « Nous voulons travailler ensemble à une reconnaissance plus juste du secteur »

Face à une réglementation inadaptée et des procédures administratives contraignantes, l’Association des acteurs de la location saisonnière à Maurice (AALSIM) tire la sonnette d’alarme. Représentant plus d’un millier d’unités de logement réparties sur l’ensemble du territoire, l’organisation est déterminée à s’affirmer comme un acteur légitime, fédérateur et engagé au cœur de l’économie touristique. Alors que le secteur connaît une expansion remarquable, de nombreux opérateurs se heurtent toujours aux obstacles administratifs, entravant la régularisation de leur statut. Pour l’AALSIM, il est urgent d’instaurer un cadre réglementaire adapté qui permettrait l’adhésion de tous les professionnels et garantirait le développement harmonieux de cette activité essentielle pour l’économie mauricienne. En marge de la présentation du budget 2025/26, Matthieu Appasamy, président de l’AALSIM, s’explique.

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Qu’est-ce qui a motivé la création de l’Association des acteurs de la location saisonnière à Maurice ?
La location saisonnière est devenue un véritable levier du tourisme, soutenue par la professionnalisation des hôtes et l’essor des plateformes numériques. Pourtant, malgré ce développement, le secteur reste confronté à plusieurs défis majeurs.
D’une part, un manque de cadre réglementaire clair et adapté crée de l’incertitude pour les acteurs de terrain. D’autre part, la location saisonnière peine encore à être reconnue à sa juste place dans l’écosystème touristique, alors même qu’elle génère des revenus significatifs, crée de l’emploi et dynamise les territoires.
L’AALSIM est née de ce constat, mais aussi de l’envie de créer du lien entre confrères, de partager nos expériences, et de mieux valoriser notre activité auprès des institutions et du public.

Quels sont les objectifs principaux de l’association ?
Nos objectifs sont clairs : nous voulons structurer, valoriser et faire reconnaître la location saisonnière comme un pilier à part entière du tourisme mauricien. Nous souhaitons d’abord formaliser ce qui reste encore très informel, tout en démocratisant l’accès au tourisme, en donnant à plus d’entrepreneurs mauriciens la possibilité de devenir eux-mêmes acteurs de ce secteur.
Nous pensons qu’il est essentiel de travailler à la mise en place d’un cadre réglementaire adapté, qui protège les hôtes comme les voyageurs, et permette au secteur d’évoluer de manière saine. Nous souhaitons aussi que la location saisonnière soit mieux représentée dans les efforts de promotion de la destination Maurice, aux côtés des autres formes d’hébergement. Un autre axe important pour nous est la professionnalisation du secteur : cela passe par la formation, le partage d’expériences et l’accompagnement des hôtes vers une offre de qualité, stable et cohérente à l’échelle nationale.

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Quels problèmes ou défis spécifiques du secteur de la location saisonnière à Maurice, l’association souhaite-t-elle résoudre ?
Aujourd’hui, le secteur de la location saisonnière à Maurice fait face à plusieurs blocages que nous souhaitons éliminer. Le premier, c’est clairement la question de la réglementation, qui n’est pas adaptée à notre réalité de terrain. Les démarches pour obtenir un permis peuvent prendre entre un et deux ans dans le meilleur des cas, et encore faut-il que le bien soit considéré comme éligible. Or, beaucoup de refus sont basés sur des critères qui ne correspondent pas aux spécificités de notre secteur, ce qui freine inutilement l’activité.
À cela s’ajoute un vrai manque de promotion autour de la location saisonnière. Aujourd’hui, l’image de la destination Maurice est encore très centrée sur les grands hôtels, alors que notre offre apporte de la diversité, de l’authenticité et répond à une demande grandissante des voyageurs. Nous pensons qu’il est temps que ce modèle d’hébergement soit pleinement intégré à la stratégie touristique nationale.
Nous ressentons aussi un manque de soutien de la part des autorités. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé AALSIM : pour pouvoir dialoguer avec les institutions, faire entendre notre voix et travailler ensemble à une reconnaissance plus juste du secteur. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien des autorités.

Qui sont les fondateurs de l’association ?
L’association a été créée en 2018 par un groupe d’agences et de Property Managers partageant les mêmes défis sur le terrain. Parmi les fondateurs, on retrouve Oazure, Horizon Holidays, Smart-Villas, BookMauritius-Villas et Villa Vie. Aujourd’hui, nous comptons une vingtaine de membres, principalement des acteurs corporate représentant près de 1 000 unités locatives sur le marché. Des indépendants nous ont aussi rejoints. C’est un signe fort que le besoin de représentation est partagé par l’ensemble du secteur.

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Quelles catégories d’acteurs peuvent devenir membres (propriétaires, agences, plateformes, prestataires de services, etc.) ?
Nous accueillons volontiers tous ceux qui font vivre la location saisonnière à Maurice. Opérateurs indépendants, Property Managers ou même agences spécialisées, chacun a sa place au sein de l’AALSIM. Nous accueillons également tout organisme institutionnel ou les structures publiques en lien avec cette activité, car nous croyons à l’importance du dialogue entre tous les acteurs du secteur, qu’ils soient privés ou publics.

Quelles sont les conditions d’adhésion à l’AALSIM ?
Les critères sont plutôt simples et accessibles. Il suffit d’opérer une location saisonnière, avec l’envie sincère d’offrir un produit de qualité et de s’inscrire dans une démarche de régularisation auprès des autorités. L’adhésion implique également une cotisation mensuelle symbolique, afin de soutenir les actions de l’association.
Ce qui compte surtout pour nous, c’est la volonté de rejoindre une dynamique collective, fondée sur l’échange, le respect des bonnes pratiques et la reconnaissance du secteur.

Quelles sont les premières actions prévues ou déjà mises en œuvre par AALSIM ?
Plusieurs actions ont déjà été menées pour faire avancer concrètement le secteur. Parmi elles, des rencontres régulières entre membres, organisées pour encourager l’échange d’expériences, la circulation des bonnes pratiques et la création d’une véritable dynamique de réseau. Un programme de formation en partenariat avec Vatel est également en cours de développement.
Nous avions adressé une proposition au ministre des Finances d’alors pour proposer l’allocation d’un budget dédié à la promotion de la location saisonnière – une proposition restée sans suite à l’époque, mais toujours d’actualité. Depuis, les échanges ont repris avec plusieurs autorités pour faire évoluer la réglementation et offrir au secteur la reconnaissance qu’il mérite.
Un programme de partage des données entre opérateurs est également en réflexion, pour permettre une meilleure compréhension du marché et des besoins réels sur le terrain. En parallèle, une campagne de recrutement est en cours sur Facebook, dans le but de rassembler davantage d’acteurs autour de cette dynamique collective. Faire grandir l’association, c’est aussi lui donner plus de poids et d’impact dans les discussions à venir. Nous invitons d’ailleurs ceux intéressés à remplir le formulaire sur notre page Facebook.

Y aura-t-il des campagnes de sensibilisation, des formations ou des événements professionnels ?
Oui, c’est au cœur de notre démarche. Un programme de formation en partenariat avec Vatel est en cours de développement. Parallèlement, nous organisons plusieurs fois par an des événements entre membres : ateliers pratiques, rencontres thématiques, discussions sur les enjeux du secteur… L’idée, c’est vraiment de favoriser l’entraide et construire une dynamique collective. Ces moments sont précieux, car ils permettent de faire évoluer nos pratiques, mais aussi de créer un vrai lien entre les membres.

Envisagez-vous de collaborer avec des institutions publiques, notamment la MTPA ou les autorités locales?
Nous sommes déjà en contact et avons établi de bons échanges avec toutes les institutions concernées.

En quoi l’association est-elle différente d’autres structures ou initiatives déjà existantes ?
À notre connaissance, il n’existe pas d’autres structures représentant ce segment. Pour le moment, notre association est la plus représentative avec près d’un millier de locations saisonnières représentées via opérateurs indépendants, Property Managers et agences.

Un livre blanc pour encadrer, reconnaître et valoriser la location saisonnière

Dans le cadre de la réforme de la politique de location saisonnière à Maurice, l’AALSIM et Airbnb ont soumis conjointement une série de recommandations visant à mieux encadrer, reconnaître et valoriser ce secteur en pleine croissance.
Alors que le tourisme représentait près de 19,5% du PIB avant la pandémie de Covid-19, il fait aujourd’hui face à plusieurs défis : pénurie de main-d’œuvre, pressions liées au changement climatique et inégalités dans la répartition des bénéfices. Dans ce contexte, les locations saisonnières offrent une réponse complémentaire à l’hôtellerie traditionnelle, en proposant des formules d’hébergement variées, plus flexibles, souvent plus abordables – et surtout, ancrées dans les communautés locales.
Ces recommandations soulignent notamment que la location saisonnière permet à de nombreux Mauriciens de générer des revenus additionnels et de participer plus largement à l’économie touristique.

Le livre blanc met en lumière les limites du cadre réglementaire actuel : une législation obsolète, des démarches longues et complexes, des coûts de mise en conformité dissuasifs, et l’absence de distinction entre un hôte particulier et un opérateur professionnel – autant de freins qui expliquent un taux de conformité estimé à seulement 10%.

Pour y remédier, le livre blanc insiste sur la nécessité de clarifier la définition de locations saisonnières et de mettre en place un système d’enregistrement simple, accessible en plusieurs langues, et d’adapter les obligations selon le profil des opérateurs. Elles évoquent aussi l’importance d’une transparence accrue sur les annonces, ainsi que la publication de référentiels de bonnes pratiques en matière de qualité et de sécurité, sous l’égide de la Tourism Authority.

Isabelle Descroizilles (Managing Director de MJ Holidays) : « Un rôle clé dans l’économie nationale »

« Forte de 30 ans d’expérience dans le tourisme, dont 15 ans dans la location touristique, je suis convaincue que ce secteur répond à une nouvelle exigence des voyageurs : conjuguer liberté, grands espaces, intimité et services haut de gamme. C’est ce que nous proposons dans nos resorts, avec une présence attentive de nos équipes sur place.

MJ Holidays a rejoint l’AALSIM il y a quatre ans pour contribuer activement à la professionnalisation d’un secteur encore trop souvent perçu comme “para-hôtelier”. Pourtant, il joue aujourd’hui un rôle clé dans l’économie nationale : il génère des emplois, des revenus, et attire un volume croissant de clients. Il est désormais essentiel de simplifier les procédures de licencing et de garantir la qualité des hébergements. C’est un enjeu majeur pour la réputation et l’attractivité durable de nos destinations. »

Gary Toulcanon (opérateur indépendant) : « Faire entendre la voix des Hosts »

« Je fais de la location saisonnière depuis huit ans. Je suis devenu Superhost en trois mois seulement. Les touristes apprécient surtout mon sens de l’accueil et ma disponibilité. Au moindre souci, même pour ceux qui n’ont rien à voir avec mon logement, ils savent qu’ils peuvent compter sur moi. Je trouve donc cela dommage que notre contribution au secteur touristique ne soit pas reconnue comme il se doit. D’ailleurs, le statut de Host lui-même n’est pas reconnu par les autorités concernées.
C’est frustrant que les lois actuelles régissant la location saisonnière ne soient pas adaptées à ceux qui louent leur logement aux touristes. En raison des règlements contraignants et dépassés, je ne parviens pas à développer davantage mon business de hosting.

Est-ce qu’on impose à un salon de coiffure, à un spa ou à un restaurant d’avoir un autre permis spécial pour offrir leurs services aux touristes ? Pourtant, rien ne dit qu’ils parviennent toujours à offrir un service de qualité à ces derniers. Alors, pourquoi imposer des règlements si contraignants aux propriétaires de maisons qui louent aux touristes ?

D’où ma démarche de me joindre à l’AALSIM afin de faire entendre la voix des Hosts auprès des autorités. J’invite d’ailleurs ces derniers à devenir membres de notre association puisque l’union fait la force. »

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