Un jury de neuf personnes déjà constitué à l’appel du procès devant le juge Lutchmyparsad Aujayeb
Plus de 23 ans après le meurtre de la styliste Vanessa Lagesse, retrouvée morte dans sa baignoire à Grand-Baie, Bernard Maigrot fait face à un procès aux Assises. Le prévenu ayant plaidé non coupable en octobre dernier, un jury de neuf citoyens a été sélectionné à partir d’un pool de plusieurs dizaines de personnes hier. Ce jury aura la tâche de rendre un verdict dans cette affaire, qui continue de défrayer la chronique.
La sélection d’un jury de neuf membres a débuté hier dans une salle d’audience de la nouvelle Cour suprême. À cet effet, plusieurs dizaines de simples citoyens avaient été convoquées à cette fin. Ce jury devra rendre un verdict de culpabilité ou de non culpabilité contre Bernard Maigrot après avoir entendu tous les témoins et passé en revue toutes les preuves versées dans le dossier à charge. Ainsi, pas moins de 53 témoins, assignés formellement, seront entendus.
Bernard Maigrot, 62 ans, homme d’affaires, est accusé du meurtre de Vanessa Lagesse, en infraction avec les sections 215 et 223 du Code pénal. La victime, styliste de profession, avait été retrouvée morte dans la baignoire de son bungalow, à Grand-Baie, le 10 mars 2001. Elle avait été sauvagement agressée avant d’être étranglée avec une corde à linge. Le prévenu avait entretenu une relation avec la victime précédemment, et la police avait rapidement privilégié la thèse du crime passionnel.
Bernard Maigrot est représenté par Me Gavin Glover, Senior Counsel, tandis que la poursuite est assurée par Me Darshana Gayan, Senior Assistant Director of Public Prosecutions, et Kevin Moorghen, Principal State Counsel. Le procès est présidé par le juge Lutchmyparsad Aujayeb, et prendra fin le 28 juin prochain.
Tout porte à croire que la poursuite s’appuiera cette fois sur le rapport d’expertise ADN, analyse scientifique menée par le professeur Christian Doutremepuich en 2014, du Laboratoire d’hématologie médico-légale de France. Pas plus tard que la semaine dernière, le juge Aujayeb avait agréé à une motion de la défense pour que la poursuite lui soumette des informations supplémentaires par rapport à cette expertise, vu qu’elle comptait effectuer sa propre contre-expertise. La poursuite devra ainsi divulguer à la défense tous les documents et communications connexes concernant l’analyse ADN du suspect, la méthodologie adoptée par le professeur Doutremepuich et les procédures de transfert des prélèvements d’ADN, entre autres.
Cette affaire a connu d’innombrables rebondissements, échelonnés sur une période de plus de 23 ans, dont voici les principales étapes :
– Bernard Maigrot est arrêté le 23 avril 2001 par l’escouade de feu Prem Raddhoa, et est apparemment « torturé » pour qu’il passe aux aveux pour ce crime;
– Une enquête préliminaire est initiée le 7 mai 2003 devant la Cour de district de Mapou, enquête qui durera trois ans. Le magistrat avait déféré Bernard Maigrot aux Assises le 28 novembre 2007. Mais le 2 juin 2008, le DPP prend la décision de « discontinue » cette affaire;
– Le 4 juillet 2008, l’enquête policière est rouverte, avec cette fois l’assistance des autorités françaises. Des pièces à conviction sont envoyées en France pour des besoins de test ADN;
– Le 18 mai 2012, une accusation d’homicide est logée contre Bernard Maigrot aux Assises. Le juge Prithviraj Fekna, qui devait entendre ce procès, meurt le 6 août 2019;
– Le procès recommence le 5 septembre 2019 devant le juge Benjamin Marie-Joseph. Ce dernier décide en 2021, suite à une motion de la défense, que la poursuite ne pouvait se référer à ces nouvelles preuves scientifiques émanant de France vu que l’accusé n’y a pas été confronté durant l’enquête policière, et qu’il ne peut donc jouir d’un procès équitable en conséquence. Le DPP loge une deuxième Discontinuation of Proceedings;
– Basée sur le rapport du Laboratoire d’hématologie médico-légale de France, une nouvelle accusation est logée contre Bernard Maigrot le 21 février 2022 par le DPP;
– La défense demande un Permanent Stay of Proceedings à l’effet qu’il y aurait abus de procédure, motion qui est rejetée par le juge Aujayeb en octobre 2023, ce dernier ayant ordonné que le procès aille de l’avant.