Coordonnatrice de la recherche et de la sensibilisation marine à l’Heritage Marine Education Centre (HMEC), à Bel-Ombre, Pourani Chinapian a toujours ressenti une connexion avec l’océan. Elle est d’avis que la conservation repose sur l’éducation, l’implication locale et la rigueur scientifique, mais aussi que lorsqu’on parvient à éveiller les consciences, l’engagement des gens devient alors tangible. Coordonner la recherche et la vulgarisation scientifique à l’Heritage Marine Education Centre lui aura ainsi permis d’allier la recherche scientifique à la transmission du savoir. Une mission qui lui permet de sensibiliser le grand public tout en contribuant activement à l’avancement des sciences marines.
Vous êtes biologiste marine spécialisée dans les sciences de l’environnement marin avec une expertise sur l’acanthaster (l’étoile de mer « couronne d’épines »). Pouvez-vous nous parler de votre vocation ?
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours ressenti une connexion profonde avec l’océan. C’est ce lien instinctif qui m’a naturellement orientée vers des études en sciences marines. Ma vocation de biologiste marine a véritablement pris tout son sens lorsque j’ai pris conscience de l’urgence de préserver nos écosystèmes et de l’impact que nos actions peuvent avoir, non seulement sur l’environnement, mais aussi sur notre propre avenir.
Vous jouez un rôle essentiel au sein de l’Heritage Marine Education Centre en coordonnant la recherche et la vulgarisation scientifique. Pourquoi ce métier vous correspond-il autant ?
Ce poste à l’Heritage Marine Education Centre me permet aujourd’hui d’allier deux aspects qui me passionnent profondément : la recherche scientifique et la transmission du savoir. J’ai toujours été convaincue que la connaissance n’a de véritable valeur que lorsqu’elle est partagée. Grâce à ce rôle, je peux sensibiliser le grand public tout en contribuant activement à l’avancement des sciences marines. Cet équilibre entre engagement scientifique et impact éducatif donne un véritable sens à mon parcours professionnel.
Depuis votre intégration dans l’équipe de conservation, vous avez participé à de nombreuses actions communautaires. Que retenez-vous de ces expériences sur le terrain ?
Ces expériences, notamment Bis Lamer, un projet de Reef Conservation visant à sensibiliser la population au monde marin qui l’entoure, m’ont beaucoup appris sur la force du collectif. J’ai pu développer des compétences concrètes en animation communautaire, en sciences citoyennes et en communication scientifique adaptée à différents publics. Ce que je retiens surtout, c’est l’impact positif que peut avoir un message bien transmis. Lorsqu’on parvient à éveiller les consciences, l’engagement des gens devient alors tangible. Et cela confirme ma conviction que la conservation repose sur l’éducation, l’implication locale et la rigueur scientifique.
L’Heritage Marine Education Centre adopte une approche « de la crête au récif » pour relier les écosystèmes terrestres et marins. En quoi consiste-t-elle ?
Cette approche, dite Ridge to Reef, permet de visualiser l’interconnexion entre les activités humaines en amont, comme l’agriculture, la déforestation ou l’urbanisation, et leurs impacts en aval, sur les zones côtières et les récifs coralliens. À l’Heritage Marine Education Centre, nous l’utilisons pour montrer que protéger l’océan commence bien souvent sur la terre ferme, autour de nous. C’est une manière efficace de sensibiliser sur la responsabilité de chacun face à la préservation de la biodiversité marine.
Le centre mène également des recherches continues sur les écosystèmes marins de la région. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’aspect recherche est fondamental pour notre mission. La présence permanente de biologistes marins à Bel-Ombre permet un suivi régulier de l’état de santé des récifs, l’identification de menaces émergentes, et avec le soutien des scientifiques de la Reef Conservation, le développement de projets de recherche adaptés au contexte local. Cela favorise également des partenariats scientifiques solides avec d’autres institutions et renforce la crédibilité des projets soutenus par le centre.
Quel est le rôle du centre, en partenariat avec la Reef Conservation, pour sensibiliser les visiteurs ?
L’Heritage Marine Education Centre, fruit d’un partenariat entre l’Heritage Resorts & Golf et la Reef Conservation, joue un rôle clé dans l’éducation environnementale des visiteurs. À travers des visites guidées, des ateliers pratiques et des sessions de sensibilisation, nous encourageons une meilleure compréhension et un comportement plus respectueux vis-à-vis du milieu marin. Ce partenariat met également en lumière les projets de recherche menés par la Reef Conservation dans la région de Bel-Ombre.
En quoi l’Heritage Marine Education Centre améliore-t-il l’expérience touristique tout en promouvant des pratiques durables ?
Le centre agit comme un véritable trait d’union entre tourisme et sensibilisation environnementale. Les expositions interactives sur la biodiversité du lagon et les récifs coralliens enrichissent l’expérience des visiteurs en leur offrant une immersion éducative. Cela transforme un simple séjour en une aventure enrichissante, porteuse de sens et de valeurs durables.
Comment partagez-vous vos connaissances lors des sorties en mer ?
Lors des excursions, je transmets mes connaissances de manière simple, captivante et adaptée au public. J’utilise des anecdotes, du matériel de démonstration et des modèles pour expliquer le fonctionnement et la fragilité des écosystèmes marins, mais aussi leur rôle essentiel dans l’équilibre planétaire. Mon objectif est de transformer l’observation en prise de conscience : plus on comprend, plus on agit.
Vous participez aussi à des projets de régénération des herbiers marins et des récifs…
Oui, la Reef Conservation entreprend des projets et des initiatives qui sont essentielles pour renforcer la résilience des écosystèmes côtiers. Pour les coraux, la Reef Conservation a signé un protocole d’accord avec Rogers Hospitality Ltd dans le cadre du projet Anou protez coray, financé par le PNUD. Bien que la pépinière principale soit à Pointe-d’Esny, le centre accueille des structures de transplantation et sensibilise les visiteurs.
En ce qui concerne les herbiers marins, la Reef Conservation, en partenariat avec le programme Global Monitoring for Environment and Security (GMES), a pour mission de cartographier les herbiers marins, d’observer et de surveiller la température de l’eau et le blanchissement des coraux. En outre, la Reef Conservation a signé un protocole d’accord avec l’Heritage Resorts & Golf pour soutenir le projet financé par l’UE, Nature based solutions for protecting the coastal zone, qui entreprend des évaluations de la biodiversité autour des herbiers marins par le biais d’une analyse de l’ADN environnemental (eDNA), des essais de restauration, et la capacité de séquestration du carbone des herbiers marins sur trois sites autour de Maurice, y compris la région de Bel-Ombre.
Face au changement climatique, la situation devient-elle critique ?
Oui, la situation est préoccupante. Le changement climatique exerce une pression énorme sur les écosystèmes marins: réchauffement des océans, acidification, élévation du niveau de la mer, événements climatiques extrêmes… Tout cela affaiblit la biodiversité. Le blanchissement des coraux, par exemple, est de plus en plus fréquent. D’où l’urgence de sensibiliser, d’agir et de promouvoir des solutions fondées sur la nature pour renforcer la résilience des milieux.
Quelles actions concrètes avez-vous mises en place avec la Reef Conservation pour sensibiliser le public ?
Avec la Reef Conservation, nous menons plusieurs projets concrets, comme les ateliers éducatifs, les campagnes de sensibilisation sur les plages, les sessions de science participative et les initiatives de restauration écologique. Ces actions visent à impliquer le public directement dans la protection de leur environnement naturel à travers une approche inclusive et pédagogique.
Rogers Hospitality agit également en faveur de la durabilité. Quels sont ses axes d’action ?
Le département Sustainability de Rogers Hospitality adopte une approche proactive : gestion durable des ressources, réduction de l’empreinte carbone, implication des communautés locales, promotion du tourisme responsable et soutien à la recherche scientifique. L’intégration de ces actions à tous les niveaux de l’entreprise illustre une volonté forte de contribuer activement à la préservation de l’environnement.
Le tourisme est-il aussi responsable du blanchissement des coraux, notamment via les crèmes solaires ?
Oui, certaines crèmes solaires contenant des filtres UV chimiques sont nocives pour les coraux. Elles peuvent altérer leur ADN, provoquer leur blanchissement et nuire à leur reproduction. Ces effets sont amplifiés par le stress thermique dû au réchauffement climatique. Promouvoir l’usage de produits solaires respectueux des coraux est donc essentiel, surtout dans les zones protégées.
Quelles sont les actions du programme Now For Tomorrow auxquelles la Reef Conservation participe ?
Le programme Now For Tomorrow de Rogers Hospitality met en place des initiatives concrètes pour sensibiliser les visiteurs au respect de la nature : ateliers sur la biodiversité, randonnées éducatives, modules sur les bonnes pratiques en mer, et activités de science citoyenne. L’objectif est d’encourager un changement de comportement durable tout en enrichissant l’expérience touristique.
Le tourisme peut-il devenir un levier pour la protection de l’environnement ?
Absolument, du moins s’il est pratiqué de manière responsable. Le tourisme durable peut financer la conservation, sensibiliser et encourager des comportements écoresponsables. Des pratiques comme l’écotourisme éducatif, l’utilisation de produits écologiques, la formation du personnel et la participation à des programmes de conservation transforment les visiteurs en acteurs du changement.
Êtes-vous satisfaite des résultats obtenus jusqu’ici ? D’autres projets sont-ils en cours ?
Je suis globalement satisfaite, surtout en constatant un éveil progressif des consciences. Nous sommes encore dans une phase pilote, et donc il est trop tôt pour dresser un bilan définitif. Mais de nombreux projets sont à l’étude, notamment pour approfondir la recherche scientifique à Bel-Ombre. La conservation est un travail de long terme, et chaque étape ouvre la voie à de nouvelles perspectives.
Comment le centre peut-il devenir un pôle éducatif fort pour les visiteurs et les communautés locales ?
Notre ambition est de faire du centre un espace vivant et accessible où chacun peut apprendre, échanger et s’engager pour la protection de la mer. Pour les touristes, nous proposons des expositions interactives, des sorties guidées, des ateliers… Pour les communautés locales, des programmes spécifiques sont mis en place (scolaires, participatifs) afin de renforcer le lien entre la population et son environnement, pour un avenir plus durable et solidaire.
Propos recueillis par Corinne Maunick