Procès de Bernard Maigrot : le Pr Doutremepuich soumis au Credibility Test de la défense

Me Gavin Glover, Senior Counsel et avocat de Bernard Maigrot, a procédé, hier aux Assises, au contre-interrogatoire du professeur Christian Doutremepuich, qui avait effectué une analyse ADN dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Vanessa Lagesese, retrouvée morte dans son bungalow de Grand-Baie le 10 mars 2001. Des affirmations de l’expert étranger, notamment à l’effet qu’il ne savait rien au sujet de cette sinistre affaire, ont été ainsi remises en question lors de cette étape, considérée comme un Credibility Test du témoin à charge.

- Publicité -

Dans une déposition en cour par retransmission vidéo de France, le Pr Doutremepuich avait affirmé que l’ADN de Bernard Maigrot a été retrouvé sur des draps de Vanessa Lagesse qui contenaient de nombreuses traces de sang, draps qui avaient été découverts au bungalow de la victime, à Grand-Baie. Des découpes de 10×10 cm avaient été effectuées dans ces draps pour permettre de procéder à l’analyse ADN.

Me Gavin Glover : Dans votre déposition du vendredi 14 juin, à la question de savoir comment l’ADN s’est retrouvé là où il a été retrouvé, vous aviez répondu que cela ne relevait pas de votre expertise.

- Publicité -

Pr Christian Doutremepuich : C’est exact.

GG : Ce sont donc d’autres qui font le travail d’interprétation et ce n’est pas de votre ressort ?

- Advertisement -

CD : L’analyse de l’ADN, qu’il soit présent dans le sang, le sperme ou les cellules, ne permet pas de dire comment l’ADN a été disposé d’une façon ou d’une autre.

Me Glover s’est ensuite étendu sur le « protocole de lavage » ordonné par le Pr Doutremepuich aux autorités mauriciennes en 2011. Ce protocole impliquait le lavage de plusieurs morceaux de tissu découpés dans un drap, dont certains avaient été imprégnés d’ADN buccale et d’autres non, de quatre volontaires mauriciens. Ces échantillons avaient ensuite été scellés par les soins du FSL et envoyés au Pr Doutremepuich.

GG : Selon le protocole, vous précisez bien que le lavage doit se faire selon les informations fournies par les bonnes de Vanessa Lagesse. Mais vous dites que vous ne savez rien de cette affaire. Qui vous a alors dit qu’il y avait des bonnes dans cette affaire ?

CD : Le terme « bonne » est un terme technique. J’ai écrit cela en pensant qu’il y avait des personnes qui faisaient le ménage. Le terme « technicienne de surface » est aujourd’hui utilisé.

GG : Vous aviez fourni les lignes directrices du test à la police. Mais ce que celle-ci a fait ou pas, vous n’en savez rien ?

CD : C’est exact. Je n’ai pas reçu de compte rendu. C’est le choix de la police de Maurice.

GG : Ce test avait été ordonné en 2011. Vous étiez en contact avec le commissaire de police et avec le Directeur des poursuites publiques. Cette expérience permettait-elle de voir si l’ADN résistait au lavage ?

CD : C’est exact.

Me Glover est revenu sur deux articles rédigés par le Pr Doutremepuich, le premier publié en 2012, soit un an après le test de lavage ordonné par lui, et l’autre ayant été publié en 2016. Dans ces articles, le professeur explique comment l’ADN peut adhérer aux surfaces des objets et que même après avoir séjourné dans l’eau ou après qu’il y ait eu utilisation de détergents lors d’un lavage, et on peut obtenir un profil ADN.

GG : Vous aviez ordonné le protocole de lavage en 2011. Mais en 2016, ce n’est plus le même protocole décrit par vous.

CD : C’est exact.

GG : Vendredi, vous avez expliqué qu’il fallait plus d’échantillons de contrôle pour un résultat plus clair.

CD : C’était une erreur de ma part. Je n’avais pas indiqué aux autorités mauriciennes le nombre minimum d’échantillons de contrôle.

GG : Le test de lavage de 2011 ne répond donc pas à la complexité de notre dossier.

CD : Je n’irai pas aussi loin que vous. J’admets que le test comportait un nombre insuffisant d’échantillons de contrôle pour être valide. Le test nécessitait plus de personnes.

J’aurais dû mentionner un nombre minimum de personnes pour les autorités mauriciennes.
L’avocat de la défense a alors indiqué à la cour qu’il comptait demander l’invalidation de ce protocole face aux jurés. À ce stade, il a alors voulu montrer un document au Pr Doutremepuich qui contenait sa signature. Me Kevin Moorghen, représentant de la poursuite, a objecté à la présentation de ce document, précisant ainsi que la poursuite avait reçu ce document de la défense alors que le professeur s’apprêtait seulement à témoigner, et qu’il a de fait été impossible à la poursuite de demander d’explication à cet expert.

Le juge Aujayeb a retenu que la crédibilité du témoin était en jeu, que le document avait effectivement été communiqué à la poursuite et que l’objection de celle-ci n’était donc pas justifiée. Après le Ruling du juge, le document, en date du 20 juillet 2005, a été montré au Pr Doutremepuich.

GG : Est-ce votre signature ?

CD : Oui.

GG : Le document émane-t-il de vous ?

CD : Oui.

Deux rapports du laboratoire du Forensic Science Service basé à Huntingdon, au Royaume-Uni, ont ensuite été montrés au professeur, en date du 14 juin 2001 et du 6 septembre 2002 et émanant d’une scientifique dénommée Davey. Ce laboratoire avait aussi effectué des analyses scientifiques dans le cadre de cette affaire.

GG : Vous connaissez le Forensic Science Service du Royaume-Uni ?

CD : Oui, je connais ce service.

GG : Dans le document en date du 20 juillet 2005, qui contient votre signature, vous vous rapportez aux rapports de Mme Davey.
Me Darshana Gayan, représentant le ministère public, a aussitôt objecté, vu qu’il y aurait Hearsay, Mme Davey n’étant pas témoin dans cette affaire. Me Glover a rétorqué que le « truthfulness » du témoin était en jeu, alors qu’il avait affirmé qu’il ne connaissait rien de l’affaire. L’objection de la poursuite a encore une fois été rejetée par le juge.

Une fois le contre-interrogatoire de Gavin Glover terminé, le Pr Doutremepuich a été réinterrogé par Me Darshana Gayan, Le témoin a alors expliqué qu’il n’a pas fait le lien entre l’affaire que lui avait mentionnée Mme Davey en 2001 et le test de lavage qu’il avait ordonné en 2011. Le juge et les avocats ont ensuite remercié le Pr Doutremepuich, dont le témoignage a pris fin. Le procès reprend ce mardi.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques