Projections à haut risque

Alors que le jour du dépassement (la date à partir de laquelle l’humanité a consommé l’ensemble des ressources naturelles que la planète est capable de produire en un an pour régénérer ses consommations ou absorber les déchets produits) se rapproche toujours plus du début de l’année, la question de la croissance démographique s’avère davantage cruciale. En effet, si la population mondiale était estimée à seulement 600 millions début 1700, un peu plus de trois siècles plus tard, elle aura réussi l’exploit de dépasser les huit milliards. Avec des projections avoisinant les 10 milliards de Terriens en 2050 – qu’il faudra donc notamment nourrir et alimenter en énergie –, on comprend dès lors ce qui est aujourd’hui qualifié de véritable « casse-tête démographique ».
Pour autant, doit-on réellement s’en inquiéter ? Si la question risque de surprendre, tant il paraît évident que la réponse devrait assurément être positive, elle ne l’est en réalité pas tant que ça. Et ce, pour la bonne raison que, selon de nombreux experts – engagés notamment dans des labos universitaires traitant des « Études des risques existentiels » –, si l’on poursuit notre course au développement au rythme actuel, il se pourrait qu’il n’y ait tout simplement plus aucun humain vivant à l’horizon 2050, principalement du fait du changement climatique induit par notre mode de production/consommation.
La question du réchauffement planétaire est pourtant plus que jamais d’actualité, et pas un jour ne passe sans que des lanceurs d’alerte nous en rappellent l’urgence. Aussi ne peut-on prêcher l’ignorance dans le cas présent. D’où l’instauration de comités, de colloques et de conférences sur la thématique, en plus de laboratoires de recherche en solutions générales et/ou dédiées. À l’instar des fameuses COP. Mais force est de constater qu’il ne s’agit en réalité que de débats creux, lesquels ne débouchent le plus souvent que sur de fausses promesses et autres solutions complaisantes. Comment pourrait-on qualifier sinon la COP 29, qui s’est déroulée fin 2024 en Azerbaïdjan, sous la présidence d’un Ilham Aliyev ayant qualifié les hydrocarbures de « cadeau de Dieu » ? Avec, en bonus, un Donald Trump promettant dans le même temps de « forer à tout va » et une baisse risible de nos émissions carbonées…
À la connaissance des risques qui nous attendent – ou plutôt devrait-on dire des certitudes –, réduire notre dépendance aux énergies fossiles ne devrait pourtant pas être à ce point impossible à imaginer. Et pourtant… aucun engagement digne de ce nom n’aura été pris depuis l’accord de Paris, en 2015. Pire encore : aucune action ne suit les rares traités, quand bien même seraient-ils ratifiés en dix exemplaires. Pour l’exemple, alors que l’on avait acté le fait qu’il ne nous fallait pas dépasser les +1,5 °C d’augmentation de température par rapport à l’ère industrielle, ce plafond d’élévation aura été crevé en 2023. Si ce n’est pas une preuve de notre nonchalance maladive et de notre déni de la question climatique, ça y ressemble beaucoup, non ?
En outre, la problématique sous-jacente de notre dévouement inébranlable au culte de la croissance, à savoir la perte de la biodiversité, semble venir complexifier l’équation. « Semble », car en réalité, le réchauffement planétaire et la disparition du vivant sous toutes ses formes ne font qu’un, car liés de manière intrinsèque à la même origine anthropique : notre course effrénée aux profits. Ce qui ne retire en rien cette seconde urgence (ce qui ne signifie pas qu’elle soit moins importante). Là encore, les faits sont clairement établis, car les chiffres parlent d’eux-mêmes (disparition de 70% des insectes, deux tiers des animaux sauvages abattus, élevage intensif, déforestation massive, etc.).
En ce sens, l’on comprend l’absurdité de ne se focaliser que sur le seul réchauffement climatique. Certes, la question est extrêmement importante, mais elle est loin d’être la seule. En fait, nous vivons une époque marquée par une multitude de défis conjoncturels imbriqués les uns aux autres, et portant tous l’empreinte de notre système économique. En dépouillant aussi vilement notre planète sanctuaire, c’est un peu comme si nous creusions chaque jour un peu plus notre propre tombe. Attendant patiemment que l’on vienne y jeter les dernières pelletées de terre.

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Michel Jourdan

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