RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT PALESTINIEN À L’ONU: Le veto de trop !

Quelle que soit l’issue de la démarche de l’Autorité palestinienne de solliciter le Conseil de sécurité le 23 septembre prochain pour la reconnaissance de son État comme membre à part entière de l’ONU, elle aura néanmoins eu le mérite de lever le voile sur le rôle de toutes les parties concernées et de situer les responsabilités des uns et des autres dans cet interminable conflit entre Juifs et Palestiniens, devenu l’épicentre de l’instabilité géopolitique dans toute la région du Proche-Orient. Alors que la grande majorité des 193 États membres, comprenant Maurice, ont exprimé leur intention de soutenir cette démarche – 127 pays ont déjà reconnu un État palestinien –, les États-Unis la qualifient de « contre-productive » et ont fait savoir qu’ils opposeront leur veto – encore un ! – à toute résolution en ce sens.
Il va de soi qu’il ne peut y avoir de dénouement acceptable à un litige si le médiateur autoproclamé se trouve en position de conflit d’intérêt. En effet, depuis sa déclaration unilatérale de l’indépendance en 1948 avec la bénédiction du président américain Harry S. Truman, l’État Hébreu a toujours constitué le symbole de la suprématie américaine au Proche-Orient et l’assistance massive qu’il reçoit de Washington dans les domaines militaire, technologique, logistique, etc, est destinée justement à maintenir et consolider cette influence. À pas moins de 35 résolutions du Conseil de sécurité blâmant Israël, les États-Unis ont opposé leur veto, ce qui fait qu’aujourd’hui, les principaux points de discorde – la délimitation des frontières d’un État palestinien, les colonies juives, les réfugiés, le statut de Jérusalem-est, entre autres – demeurent toujours entiers. Même la condition préalable du gel de la colonisation à Jérusalem-est et en Cisjordanie, formulée par l’Autorité palestinienne pour toute reprise de dialogue, abandonné depuis plus d’un an maintenant, a été repoussée par le Premier ministre israélien, et ce dans l’indifférence totale de la Maison-Blanche.
Ainsi, en décidant de soumettre la destinée de son pays entre les mains des membres de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité dans le but « de réparer une injustice de l’histoire », comme il l’affirmait le 16 septembre 2011 avant son départ pour New-York, Mahmoud Abbas se voit dans l’obligation de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Une telle situation place, bien évidemment, les États-Unis dans une position non seulement embarrassante et inconfortable mais aussi contradictoire par rapport à leur politique menée jusqu’ici dans le monde musulman dans le sillage du printemps arabe. La valse incessante des négociateurs qui ont fait la liaison entre Tel-Aviv et Ramallah ces derniers jours tout comme le Quartette (États-Unis, Russie, l’UE et l’ONU) qui s’est réuni en quatrième vitesse à New-York le 18 septembre n’ont pu convaincre les Palestiniens d’abandonner leur projet.
Des décennies de négociations entre les deux parties concernées n’ayant mené nulle part, Barack Obama avait pris l’engagement lors de son discours d’investiture de janvier 2009 de trouver une issue à ce bras de fer diplomatique et ambitionnait d’améliorer les relations entre son pays et le monde arabo-musulman, si malmenées sous l’administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001. Ce même message d’espoir pour un nouveau départ était réitéré par le président en juin 2009 au Caire où l’accent avait été mis sur « l’aspiration légitime du peuple palestinien pour la paix, la dignité et un État libre et indépendant ». Or, aujourd’hui, l’intention déroutante de la Maison-Blanche se dévoile au grand jour et les Palestiniens ont le sentiment d’avoir été menés en bateau, d’où leur initiative de s’en remettre directement à la communauté internationale.
D’autre part, cette décision des États-Unis de faire usage de leur droit de veto prend complètement à contre-pied leur politique de soutien au printemps arabe, particulièrement à le révolution du Nil et ce alors que l’Égypte est devenu le catalyseur de la réconciliation entre le Fatah et les radicaux islamistes Hamas – même si les deux frères ennemis ne se trouvent pas sur la même longueur d’onde par rapport à l’actuel projet de reconnaissance de leur État – et a même ouvert le point de passage à Rafah avec la bande de Gaza pour déjouer le blocus israélien que Hosni Mubarak avait imposé pour empêcher le trafic de toute sorte. Ce manque flagrant de cohésion dans la politique américaine au Proche-Orient est mis en exergue par les Républicains qui, manifestement, ne comptent pas ménager le président déjà affaibli par une économie qui menace de tomber dans la récession et qui n’a jamais pu être remise sur les rails en dépit des investissements massifs après la crise des subprimes en 2008.
Mais quoi qu’il en soit, cette tentative de l’Autorité palestinienne de rejoindre le concert des nations en tant qu’État libre et indépendant comme les autres aura néanmoins permis de mettre en perspective les vrais enjeux qui orientent les stratégies au Proche-Orient comme dans les relations internationales. Par rapport aux intérêts politiques et considérations géostratégiques, le bien commun tout comme la sécurité et le bien-être des peuples et nations ne représentent, paraît-il, que le cadet des soucis des décideurs qui façonnent à leur guise la destinée de la population globale.

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