Relations France/Maurice — Ramgoolam et Macron affichent une convergence stratégique

Le PM: « L’appui d’un « pays ami comme la France constitue une source d’espoir »

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Le président français insiste sur la densité des liens bilatéraux, qu’ils soient historiques, humains, économiques, géographiques ou linguistiques

Trente-cinq ans après la dernière visite officielle d’un président français à Maurice, Navin Ramgoolam et Emmanuel Macron ont livré, hier, deux discours denses, replaçant la relation Maurice–France au cœur des enjeux océaniques, climatiques, économiques et géopolitiques régionaux.

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« Maurice et la France partagent une vision commune des grands défis de notre époque. Face aux tensions géostratégiques, face au dérèglement climatique, face à la destruction de la biodiversité, face au dérèglement aussi des relations commerciales, nous croyons dans le respect des règles internationales, nous croyons dans un multilatéralisme efficace et dans les voies et moyens de coopérer. Et c’est ce qui a présidé à nos travaux aujourd’hui », a déclaré, hier soir, Navin Ramgoolam.

La  déclaration de  presse est intervenue après une longue rencontre en tête-à-tête entre Emmanuel  Macron et  Navin Ramgoolam qui a été suivie d’une séance de travail élargie entre les membres des deux délégations ministérielles.

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Intervenant en premier, Navin Ramgoolam a accueilli Emmanuel Macron pour une visite officielle hautement symbolique et historique. Il a relevé que la présence d’Emmanuel Macron est « profondément ressentie » par le peuple mauricien, dans un contexte mondial marqué par une instabilité géopolitique croissante et un ordre économique fragilisé. Face à ce désordre global, Navin Ramgoolam estime que Maurice, comme les petits États insulaires en développement, subit de plein fouet les effets des crises internationales. « L’appui d’un pays ami comme la France constitue ainsi une source d’espoir », affirme-t-il.

Le Premier ministre a évoqué les liens historiques et structurants qui unissent les deux pays, depuis la construction de l’État mauricien jusqu’à son adhésion aux conventions de Yaoundé et de Lomé, facilitée par Paris. Il a salué le rôle de la langue française et l’ancrage francophone de la société mauricienne, illustré notamment par les 252 ans d’existence ininterrompue de la presse nationale. Ramgoolam a aussi cité les présidents français, qui ont marqué la relation bilatérale, de De Gaulle à Hollande, soulignant la constance de l’amitié française.

Outre les aspects mémoriels et culturels, le Premier ministre a mis l’accent sur les dossiers politiques et stratégiques abordés en tête-à-tête avec Emmanuel Macron. Il a remercié la France pour son soutien « indéfectible » dans le dossier des Chagos et décrit une relance franche de la coopération bilatérale après une décennie de relations « quelque peu négligées ». Les discussions ont aussi porté sur la sécurité maritime, la coopération avec La-Réunion, la lutte contre le narcotrafic et les crimes transfrontaliers, ainsi que sur les enjeux géopolitiques régionaux.

Navin Ramgoolam a également fait état de la tenue d’« échanges francs et responsables » au sujet de Tromelin, illustrant une approche constructive et apaisée sur ce dossier sensible.

Il s’est appesanti sur la signature de plusieurs accords structurants dans les secteurs de l’économie bleue, de la transition énergétique, de la gestion durable de l’eau et de l’enseignement francophone. Le secteur privé n’a pas été oublié, notamment avec des accords sur la fourniture de sucre à Cristalco France et sur l’approvisionnement en blé avec Les Moulins de La Concorde.

L’Agence française de Développement (AFD) occupe une place centrale dans sa vision du partenariat franco-mauricien. Il a salué l’approche exemplaire de l’AFD, qui concilie croissance, bien-être social et protection de l’environnement. Son soutien à la transition écologique, aux projets régionaux de la COI, à la lutte contre la pollution plastique, aux programmes de résilience côtière et aux initiatives culturelles est qualifié de crucial pour Maurice.

En conclusion, le Premier ministre a évoqué les défis du gouvernement en place depuis novembre 2024, affirmant sa confiance dans la capacité du pays à les relever grâce à la résilience du peuple mauricien et au renforcement constant du partenariat avec la France. Il a réitéré que Maurice et la France « portent un destin commun » fondé sur l’amitié, la fraternité et une ambition partagée pour le progrès humain.

Macron : « Il était temps d’y remédier »

En réponse, Emmanuel Macron est revenu sur la portée historique de sa venue. Au sujet de sa visite 35 ans après, il est d’avis que ce long intervalle ne reflétait en rien « la densité des liens bilatéraux, qu’ils soient historiques, humains, économiques, géographiques ou linguistiques. » Il a ensuite détaillé la convergence des deux pays face aux grands défis actuels : tensions géostratégiques mondiales, dérèglement climatique, destruction de la biodiversité, mutation des relations commerciales. Il a insisté sur la nécessité d’un multilatéralisme efficace et d’une coopération renforcée, base de la visite et des discussions de la journée.

Le président français a mis l’accent sur la sécurité maritime, domaine prioritaire pour Maurice comme pour la France dans l’océan Indien. Il a annoncé la signature de plusieurs accords majeurs visant à renforcer les capacités conjointes : mobilisation coordonnée des moyens navals français, amélioration de la surveillance aérienne mauricienne, et développement de la formation via l’Académie de l’océan Indien. Ces mesures visent la protection des zones économiques exclusives, la lutte contre les trafics illicites, le narcotrafic et les crimes organisés transnationaux.

Macron a abordé les engagements pris lors de la Conférence des Nations unies sur les océans à Nice, saluant Maurice comme l’un des premiers États à avoir ratifié le traité sur la haute mer.

Sur les questions éducatives, le président français s’est réjoui de l’introduction prochaine d’une filière bilingue d’excellence français-anglais dans les écoles publiques mauriciennes. Il a également confirmé le renforcement de la coopération universitaire, la reconnaissance mutuelle des diplômes et la poursuite de l’organisation des BTS français à Maurice.

Au chapitre des enjeux énergétiques et hydriques du pays, EDF sera mobilisée pour analyser les vulnérabilités du réseau électrique, tandis que l’AFD, soutenue par une contribution européenne, accompagnera d’importantes améliorations dans la gestion de l’eau à Maurice et Rodrigues, notamment via des financements mixtes prêts-subventions.

Enfin, le président français s’est exprimé sur les enjeux régionaux indiquant que la France accompagnerait la transition politique et économique en cours, notamment sur l’emploi des jeunes, l’énergie, la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.

Macron a conclu en exprimant sa profonde gratitude pour l’accueil du peuple mauricien et en réaffirmant la volonté de la France de « faire beaucoup mieux ensemble », dans un « partenariat modernisé, durable et fidèle à l’histoire commune des deux pays. »

La situation à Madagascar a également été évoquée par les deux dirigeants . « Le président Macron et moi avons également passé en revue la situation en Madagascar. Je souscris entièrement aux efforts de la France à la demande de l’Union européenne et aux appels lancés pour l’Union africaine et la SADC pour que la situation se stabilise le plus rapidement possible et surtout pour la jeunesse malgache et pour un retour à la démocratie », a déclaré Navin Ramgoolam

Pour sa part, le président Macron a évoqué la situation régionale et confirmé les convergences, notamment sur Madagascar, pays engagé dans une transformation profonde. « Nous avons pris acte de la volonté des nouvelles autorités de répondre aux aspirations de la jeunesse qui s’est exprimée avec force et dignité et que nous devons accompagner, ainsi que la volonté exprimée par les nouvelles autorités de fixer un horizon temporel limité à la transition permettant le développement des élections dans un délai long. La France accompagnera cette transition avec une attitude d’ouverture, le soutien aux priorités des Malgaches, en particulier s’agissant du développement économique, de la jeunesse, de l’énergie, de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite », a-t-il fait ressortir.

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