Ancien lauréat et fondateur de l’école Dukesbridge,Rishi Nursimulu ose les défis.L’année dernière,il avait écrit Ansam,chantée avec The Prophecy et les élèves de Dukesbridge et cette année, il a écrit Viv nou lavi,qui sort le 8 août,avec la collaboration de Désiré François et du groupe Cassiya. Cette chanson parle de résilience, d’espoir et de célébration de la vie, même à travers les épreuves.
L’un des aspects fondamentaux qui distingue Dukesbridge, c’est son engagement sincère envers le développement holistique de chaque enfant. Son but est de former des jeunes épanouis, confiants et équilibrés, pas seulement sur le plan académique, mais aussi sur les plans artistique, émotionnel et social. Dukesbridge est à ce jour la première et seule école australienne officielle en Afrique.
Rishi Nursimulu, vous êtes un ancien lauréat et fondateur de l’école Dukesbridge. Pourquoi avoir fait le choix d’ouvrir cette école ?
Mes parents sont enseignants de formation, et l’éducation a toujours été au cœur de mon parcours. Être lauréat a complètement changé ma vie, et je reste profondément reconnaissant envers tous ceux qui m’ont soutenu pour y arriver. J’ai toujours eu ce rêve de faire quelque chose un jour pour mon pays, pour ma communauté. Je me souviens qu’en grandissant, je regardais avec admiration les quelques écoles internationales de l’île comme le Lycée Labourdonnais, Clavis ou Le Bocage. Elles semblaient si exclusives, presque inaccessibles. J’en rêvais, sans jamais imaginer pouvoir y entrer.
En rentrant à Maurice après une quinzaine d’années, j’ai constaté que ces écoles restent excellentes, mais que leurs frais sont hors de portée pour 90% de la population. J’ai senti qu’il fallait créer une alternative : offrir une éducation internationale de qualité pour les familles mauriciennes de la classe moyenne. Si l’on veut vraiment faire une différence dans notre pays, il fallait garder des frais aussi bas que possible pour couvrir les coûts, sans jamais sacrifier la qualité de l’enseignement, d’où la création de Dukesbridge. Nos frais de scolarité sont volontairement fixés à environ la moitié de ceux de ces écoles.
Grâce au soutien du gouvernement australien, nous avons pu bâtir quelque chose de solide en adaptant le curriculum australien au contexte mauricien, en formant les enseignants, en développant des politiques rigoureuses et en élevant les standards chaque année.
Et voir le parcours de Dukesbridge et de vos élèves aujourd’hui doit être un motif de fierté pour vous… Aujourd’hui, sans la moindre hésitation, ma plus grande fierté, ce sont les enfants. Certains d’entre eux sont avec nous depuis qu’ils avaient deux ans en maternelle, et les voir maintenant s’épanouir au Dukesbridge Secondary, c’est un sentiment indescriptible. Ce qu’ils ont accompli me dépasse : remporter des concours nationaux en écriture, des comédies musicales dignes de Broadway, des chansons enregistrées avec des artistes locaux reconnus dont une qui a été sacrée disque de l’année, mener des entretiens avec des ministres et même avec le président de la République…
Et pourtant, ce qui me rend le plus fier, ce n’est pas tant leur palmarès, mais leur humanité : ils sont respectueux, réfléchis, bienveillants. Ils prennent soin les uns des autres, s’expriment avec justesse, et incarnent de belles valeurs humaines. Ce sont, tout simplement de magnifiques jeunes êtres humains. Et ça, pour moi, c’est la plus grande réussite.
En quoi l’école Dukesbridge diffère des autres écoles en termes d’enseignement ?
Quand on nous demande :« Qu’enseignez-vous à Dukesbridge ? », on répond simplement : « Nous enseignons le bonheur. » C’est notre véritable devise, ce mantra de “teaching happiness”. Tout ce que nous faisons doit avoir l’adhésion des enfants, pour qu’ils soient heureux de venir à l’école, heureux d’apprendre.
L’un des aspects fondamentaux qui distingue Dukesbridge, c’est notre engagement sincère envers le développement holistique de chaque enfant. Nous voulons former des jeunes épanouis, confiants et équilibrés. Pas seulement sur le plan académique, mais aussi sur les plans artistique, émotionnel et social. C’est pourquoi nous mettons un grand accent sur les activités extrascolaires et notamment les arts de la scène : musique, chant, danse, théâtre… Nous ne mettons pas les enfants dans des cases – au contraire, nous cherchons à révéler les talents uniques de chacun.
Nous sommes la première et, à ce jour, la seule école australienne officielle en Afrique ! Lorsque nos élèves complètent leur scolarité à Dukesbridge, ils reçoivent un certificat du gouvernement australien (Western Australia). Une vraie reconnaissance internationale, ici même à Maurice. Cette reconnaissance par le gouvernement australien est un élément qui nous distingue clairement. L’obtention de cette certification a été un parcours exigeant. Il a fallu passer par une année entière de due diligence, d’évaluations rigoureuses et de conformité à des standards très élevés. Je me souviens encore du jour où j’ai reçu l’appel officiel d’Australie. Après un an d’efforts, on nous annonçait que Dukesbridge serait reconnue comme une école australienne. C’était un moment profondément émouvant.
Quelle est la particularité du curriculum australien ?
Dans les premières années, l’accent est mis sur la “literacy & numeracy”. Les enfants, dès 14 ou 15 mois, sont “immersed in phonics”, exposés aux sons et aux bases du langage. Chaque leçon est pensée de manière à construire progressivement les acquis, comme un puzzle que l’on assemble pièce par pièce. À l’âge de cinq ans, la grande majorité de nos élèves sont capables de lire un petit livre. Et cela, sans stress, grâce à une immersion douce dans les apprentissages à travers le jeu. De même pour la numératie, les enfants apprennent à penser de manière critique, à suivre des étapes logiques dès leur plus jeune âge, à travers des jeux et des activités stimulantes. À mesure qu’ils avancent dans les années, le niveau de mathématiques devient plus stimulant tout en restant fascinant. Par exemple, l’Australian Maths Competition est reconnue mondialement pour encourager la réflexion critique et les compétences de résolution de problèmes chez les élèves.
La pédagogie australienne est centrée sur l’enfant. Elle est ouverte, humaine et réfléchie. Elle pousse les éducateurs à toujours nous poser les bonnes questions : « Qu’est-ce que les enfants doivent vraiment apprendre aujourd’hui ? Comment puis-je leur transmettre cela de manière stimulante, pour qu’ils retiennent avec plaisir et sans grand effort ? » Je me rappelle qu’après notre accréditation, les Australiens nous ont imposé une règle que chaque classe sorte au moins une fois par jour pour apprendre dehors. Il n’est pas rare de voir un cours de mathématiques se dérouler à l’ombre d’un arbre. L’apprentissage est souvent interdisciplinaire.
Récemment, nos élèves de Year 8 ont travaillé sur un projet entrepreneurial pour la fête des mères. Ils ont dû établir un “business plan”, faire une étude de marché, utiliser Excel pour gérer un budget (avec l’aide du cours d’informatique), fabriquer leurs propres produits en classe de Design & Tech, et enfin, vendre leurs créations aux enfants du primaire. Même les plus petits ont participé ! Les enfants du primaire recevaient Rs 100 ou Rs 200 de leurs parents et devaient apprendre à gérer leur argent pour acheter un cadeau pour leur maman. Toute l’école a été impliquée pendant une semaine. C’était une expérience magnifique, un véritable apprentissage, concret, vivant pour tout le monde.
Pensez-vous que l’éducation à Maurice doit être en restaurant la joie, la curiosité et la dignité à l’école ?
Oui, tout à fait ! C’est un objectif simple mais fondamental : capter l’attention des élèves, éveiller leur curiosité, rendre chaque leçon vivante. Parce qu’un enfant heureux est un enfant qui apprend. Et un enfant qui aime venir à l’école est déjà en chemin vers la réussite. Pour être honnête, ce n’est pas qu’une mentalité australienne. C’est, selon moi, la responsabilité de tout enseignant, quel que soit le système. Même à Maurice, même à l’époque, je me souviens de mon enseignante de Grade 3 à l’école Aryan Vedic, feue Mme Sawmynaden. Elle faisait preuve d’un dévouement et d’un engagement hors du commun envers nous, ses élèves. Pour moi, cela a été un vrai déclic. Elle voyait en nous un potentiel, elle croyait en nous. Elle nous donnait du travail supplémentaire pour nous stimuler. Elle nous emmenait à la bibliothèque municipale pour la lecture. L’école, avec elle, ne se limitait pas aux matières académiques.
Je me souviens que notre Music Day durait deux jours entiers ! Elle nous emmenait chanter en dehors de l’école bien que nous ne fûmes encore que des enfants. Des enseignants comme elle se font malheureusement de plus en plus rares aujourd’hui. Et c’est là, selon moi, que chacun de ceux qui travaille dans une école doit se poser la question : quelle est ma mission ? Oui, le système mérite d’être réformé, il est trop centré sur les examens, et cette pression nuit à la qualité de l’enseignement. Même à mon époque, on avait le streaming, la CPE et pire, le fameux ranking ! Pourtant, des enseignants comme Mme Sawmynaden parvenaient à rendre l’école vivante, enrichissante, sans sacrifier l’exigence académique. C’est à chaque enseignant de prendre ses responsabilités, d’être proactif, de se remettre en question et de faire preuve de créativité.
Vous accueillez en ce moment un Senior Officer du département de l’éducation australien. Quel est le but de cette visite ?
Dans le cadre de notre accréditation, les visites des officiers australiens sont essentielles pour garantir l’assurance qualité de notre établissement. Tous nos enseignants suivent obligatoirement une formation spécifique dispensée par les autorités australiennes. Actuellement, nous recevons Jodie Matthews (Principal Consultant for International Education au sein du ministère de l’éducation australienne) pour une période de trois semaines, au cours desquelles elle observe chaque enseignant dans nos établissements primaires et secondaires. Elle évalue leur travail en classe et assure actuellement une formation approfondie cette semaine.
De plus, l’implication de Mme Matthews avec Maurice a débuté avec l’accréditation de Dukesbridge en 2022, où elle a établi des liens avec le ministre de l’Éducation. Cette visite initiale a ouvert la voie à une collaboration continue, notamment dans le domaine de l’Éducation et de la formation professionnelle technique (TVET). Récemment, une délégation du gouvernement australien a visité Maurice pour approfondir ces efforts.
En outre, Mme Matthews avait facilité personnellement la visite de l’Ombudsperson for Children dans des écoles et centres pour enfants à besoins éducatifs spéciaux (SEN) à Perth au cours de 2022-23, dans le but d’explorer les meilleures pratiques pour l’intégration des enfants avec des besoins éducatifs spéciaux. À la demande du ministre de l’Éducation mauricien, l’honorable Gungaparsad, Mme Matthews animera une formation pour tous les recteurs à Maurice cette semaine. Elle sera également disponible pour discuter avec les parents actuels et potentiels du curriculum australien et de Dukesbridge.
Un autre sujet qui revient est le “bullying”. Comment, selon vous, lutter contre le harcèlement ?
Juste parler, parler, parler. Non, ça ne suffit pas. Lutter contre le harcèlement, ce n’est pas seulement réagir aux incidents, c’est construire une culture où
la gentillesse, le respect et l’inclusion font naturellement partie de la vie quotidienne. Cela doit être ancré profondément chez les enfants. Nous avons lancé l’année dernière une campagne à l’échelle de toute l’école, avec un thème fort : Ensemble. Ce n’était pas juste un mot sur des affiches. Ce thème a influencé notre manière d’enseigner, de parler aux élèves, et même de prendre nos décisions. Un enfant heureux et épanoui n’a pas besoin de se valoriser en harcelant ou humiliant quelqu’un d’autre. Chaque matin à Dukesbridge commence avec de la musique, de l’énergie, des mouvements, les enfants dansent, chantent, rient. Cela peut paraître simple, mais cela change tout.
Nous avons aussi mis l’inclusion au cœur de notre culture. Les enfants en situation de handicap sont pleinement intégrés dans les classes. Leur présence n’est pas cachée ou ‘gérée’, elle est normalisée, célébrée même. Quand la différence est visible et acceptée, l’empathie grandit.
Nous avons aussi impliqué les parents. Car les enfants n’apprennent pas seulement à l’école, ils reflètent ce qu’ils voient à la maison. S’ils entendent des moqueries, des critiques, des paroles méchantes entre adultes, ils croiront que c’est normal. Nous avons donc inclus les parents dans la conversation. Parce que lutter contre le harcèlement, ce n’est pas seulement le rôle de l’école, c’est une responsabilité partagée.
L’un de nos plus beaux moments a été quand environ 500 enfants, venus de différentes écoles, se sont réunis pour chanter Together / Ansam, une chanson pour dire Non à la violence et au harcèlement. Ce jour-là, ils ont compris qu’ils avaient une voix. Et qu’ils pouvaient l’utiliser pour changer les choses. Depuis, notre école est devenue un lieu où les enfants osent parler, veillent les uns sur les autres, et comprennent la force de la bienveillance. Le harcèlement n’a pas disparu, mais nous avons rendu
sa croissance bien plus difficile. Et, c’est ainsi, nous en sommes convaincus, que le vrai changement commence.
Dans le système mauricien, il y a environ 30% d’échec à la fin du cycle primaire chaque année. Selon vous, comment pouvons-nous surmonter ce problème ?
Après avoir étudié les épreuves du PSAC au cours de la dernière décennie, on constate clairement que le niveau d’exigence a considérablement baissé. Et pourtant, le taux d’échec reste très élevé ! C’est préoccupant. Si nous voulons vraiment transformer l’éducation à Maurice, il faut revenir aux fondamentaux. La littératie et la numératie sont les piliers de tout apprentissage. Quand ces bases sont solides, le reste suit naturellement. Si elles sont fragiles, même un système doté des meilleures ressources ou des dernières technologies continuera d’échouer. La maîtrise de l’anglais ne représente pas uniquement un atout linguistique. Dans le système mauricien, c’est une véritable passerelle vers la réussite scolaire. Selon le SACMEQ (Southern and Eastern Africa Consortium for Monitoring Education Quality), les élèves mauriciens de Grade 6 qui parlent toujours ou parfois l’anglais à la maison réussissent nettement mieux en mathématiques que ceux qui ne le parlent jamais chez eux.
D’après le rapport, le fossé à Maurice est la plus conséquente de toute la région étudiée. Pour améliorer la littératie, une réforme sérieuse du curriculum doit commencer dès la petite enfance, avec un encadrement explicite et structuré de l’acquisition du langage. J’encourage l’introduction formelle d’un programme de phonétique dans les écoles préprimaires, accompagné d’activités quotidiennes d’expression orale, d’écoute active et de développement du vocabulaire. Les enfants doivent être plongés dans une langue riche et expressive dès le plus jeune âge à travers des chansons, des histoires, des échanges et des jeux porteurs de sens. Les Seychelles nous montrent l’exemple : là-bas, les enfants apprennent avec aisance le créole seychellois et l’anglais, preuve que le bilinguisme est non seulement possible, mais aussi libérateur.
En parallèle, il faut redonner aux enfants confiance dans les mathématiques et, surtout, le goût d’en faire. La solution ne passe pas par plus de fiches d’exercices ou de pression. Elle réside dans un changement de regard sur la manière dont on enseigne les maths. Il ne faut plus présenter cette discipline comme un empilement de règles à mémoriser, mais comme une science de la logique, des motifs, de la créativité et de la résolution de problèmes. Elle doit stimuler la curiosité et la pensée critique, pas la peur. Quand un élève commence à se sentir compétent en maths, souvent perçues comme la matière la plus difficile, cela renforce son estime de soi scolaire de manière globale. Je rencontre encore trop souvent des gens qui disent : « Je ne suis pas une personne faite pour les maths. » Comme si la capacité à comprendre les mathématiques était un don inné. C’est totalement faux. Les compétences mathématiques s’acquièrent. J’en ai fait l’expérience.
Pendant un trimestre, j’ai personnellement accompagné nos élèves de Grade 6 en leur lançant chaque après-midi des défis de maths à résoudre à la maison, que nous corrigions ensemble le lendemain matin. Je voyais dans leurs yeux une vraie lueur de fierté et de confiance naissante, au fur et à mesure qu’ils relevaient ces défis avec brio.
Le ministère de l’Éducation a organisé les Assises récemment. Quelles ont été vos propositions pour améliorer le système ?
Nous avons rédigé un rapport complet sur ce sujet en avril, avec des recommandations audacieuses mais nécessaires. Je tiens à inviter tout le monde à le lire, il est disponible sur le site de Dukesbridge (rubrique Research). Pour répondre à votre question, c’est peut-être bien de me concentrer sur la culture des examens nationaux à Maurice, qui malheureusement conditionne presque tout le système éducatif. La course contre la montre (le rat-race) commence très tôt. Dès la Grade 5 avec le modular PSAC 1, suivi du PSAC 2 à la mi-année en Grade 6, puis du PSAC 3 en fin d’année. Ensuite, les élèves doivent passer le NCE en Grade 9, les examens du SC (O-Level) en Grade 11, puis le HSC (A-Level) en Grade 13. Ce système qui impose épreuve sur épreuve valorise inévitablement l’apprentissage par cœur, au détriment d’une compréhension profonde et de compétences essentielles comme la pensée critique, la créativité ou le travail d’équipe.
Or, aucune étude ne prouve que le modular exams du PSAC en modules améliore les performances des élèves. Il n’y a pas non plus d’éléments concluants indiquant que les examens NCE préparent mieux les élèves aux O-Level. À l’inverse, plusieurs pays ont fait le choix de retarder les examens formels afin de privilégier l’apprentissage fondamental et le développement personnel. En Australie, il n’y a aucun examen national à ces niveaux. Les enfants sont évalués, mais il n’existe pas cette pression constante liée à une compétition nationale.
À Maurice, on aime les examens, c’est culturel, donc je pense que le PSAC va encore rester quelque temps. Mais je recommande fortement qu’il se concentre exclusivement sur la littératie et la numératie. Ce sont les compétences fondamentales à cet âge. S’ils apprennent aussi l’histoire, la géographie et les sciences, c’est fantastique. Mais est-ce vraiment utile de les faire passer des examens sur une date exacte du XIXe siècle ? Quelle compétence évalue-t-on réellement ici ? Celle de mémoriser les dates?
Je suis heureux que l’une de mes recommandations ait déjà été mise en œuvre : la suppression des examens modulaires du PSAC. Je propose également que les examens du NCE en Grade 9 soient tout simplement abolis. Quand j’étais élève, ils n’existaient pas, et on s’en sortait très bien. Il est profondément injuste que des élèves soient orientés vers des filières techniques ou “vocational” uniquement sur la base de leur échec en Grade 9, sans autre recours. Tous les élèves devraient avoir la possibilité de se présenter au SC (O-Level), mais à travers un curriculum plus souple. Des élèves en difficulté pourraient suivre des matières adaptées comme le Maths for Life en Australie tout en obtenant une qualification officielle en Grade 11.
En résumé, j’ai proposé une simplification des examens du PSAC, avec un recentrage sur les compétences de base. L’élimination complète des examens du NCE. L’introduction de filières différenciées au niveau du SC, pour mieux répondre aux profils variés des élèves. L’évaluation doit refléter les progrès de l’élève et un guide pour les enseignants à mieux les accompagner. Elle ne doit jamais devenir un mur qui bloque leur avenir.
Votre école n’a pas rejoint le réseau national pour le préscolaire gratuit. Pourquoi ?
Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment cru à la viabilité du concept de préscolaire gratuit. En analysant les chiffres, nous avons constaté un déséquilibre majeur dans le financement public : l’État dépense Rs 12 349 par enfant dans une école accueillant 10 élèves, contre seulement Rs 4 352 par enfant dans une école de 101 élèves. J’étais convaincu qu’un jour ou l’autre, le gouvernement se rendrait compte de cette faille et serait contraint de revoir, voire de réduire, le financement, car les ressources budgétaires ne sont pas illimitées. Je ne voulais pas que nos écoles et nos élèves se retrouvent pris au piège le jour où l’État déciderait de faire marche arrière.
Dans le secteur privé, c’est la main invisible qui pousse vers l’excellence. Lorsqu’un établissement dépend de ses frais de scolarité, il est naturellement incité à maintenir un haut niveau de qualité, à investir dans le développement de ses enseignants et à innover constamment. Mais dès lors que tout est payé par l’État, cette dynamique s’essouffle. Les écoles deviennent moins enclines à se remettre en question, à investir, ou à réagir rapidement aux besoins même en matière de réparations urgentes. Et, avec le temps, la qualité finit par se dégrader. Je ne voulais pas exposer Dukesbridge à ces risques. Nous avons préféré garder notre autonomie, notre liberté pédagogique, et notre exigence de qualité, dans l’intérêt des enfants et des familles que nous servons.
Selon vous, le système de Cambridge est-il toujours adapté pour Maurice ?
La véritable question à se poser est la suivante : si l’on abandonne Cambridge, quel système allons-nous adopter à la place ? Il est essentiel de comprendre que si nous voulons que nos enfants soient reconnus à l’échelle internationale, il leur faut des qualifications reconnues mondialement. Et c’est précisément ce que permettent les examens Cambridge O-Level et A-Level. Si nous devions les remplacer par des examens locaux, peut-être que le taux de réussite augmenterait sur le papier, mais dans les faits, il se pourrait que plus aucune université ou employeur à l’international ne prête attention à nos diplômés. Certains évoquent aussi la possibilité de basculer vers un autre système international, comme l’International Baccalaureate (IB). Mais ce n’est pas parce que de nombreuses écoles dites internationales utilisent ce système qu’il est forcément le plus adapté. D’ailleurs, de nombreuses écoles internationales au Royaume-Uni reviennent actuellement aux A-levels. En discutant avec mes anciens professeurs à la LSE et des collègues en Angleterre, un constat revient souvent : le système IB ne convient pas à tous les profils.
À Maurice, beaucoup ne savent pas réellement ce qu’implique le IB. C’est un programme qui exige une grande autonomie de l’élève. Un enfant autonome et curieux y prospérera sans doute. Mais la réalité, c’est que de nombreux enfants, et, ils sont de plus en plus nombreux ont besoin d’un certain cadre (sans que celui-ci soit rigide) dans lequel les parents peuvent aussi suivre leurs progrès. Par ailleurs, certains éléments phares du IB, comme le service communautaire ou l’apprentissage par investigation (enquiry-based learning), sont aujourd’hui de plus en plus intégrés dans les écoles Cambridge elles-mêmes. On n’a pas besoin d’être une école IB pour adopter ces bonnes pratiques. Alors, après avoir pesé les coûts et les bénéfices d’un changement radical de système, je n’ai pas estimé qu’il y avait un réel besoin de tout bouleverser.
Autre chose que vous souhaitez ajouter?
Nous avons récemment eu une rencontre très constructive avec le ministre de l’Éducation et les représentants du gouvernement australien. Ce fut un bel échange. Autrefois, le secteur privé de l’éducation était parfois perçu comme étant en concurrence avec l’État. Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut le voir. Nous sommes tous d’accord sur un point fondamental : notre pays et nos enfants ont besoin de diversité en matière d’opportunités éducatives. Nous devons travailler main dans la main, dans un esprit de collaboration, pour l’avenir de notre nation.
Bien que j’aie une mission particulière envers les élèves de Dukesbridge, l’école que j’ai fondée et que je préside, ma passion pour mon pays reste encore plus forte. Et lorsque nous avons les moyens d’aider au-delà de nos murs, nous devons le faire, non pas par devoir, mais par amour pour notre île et ses enfants.