
Président du Conseil international de la langue française,
Paris – juillet 2023
Président du Conseil international de la langue française à Paris
Robert Merle (1908-2004), né à Tébessa (Algérie) a fait une très longue et très prolifique carrière d’écrivain original et indépendant. Dès 1949, son premier roman, inspiré de faits réels, Week-end à Zuidcotte, a eu un très grand succès et a été porté au cinéma.
Avec les dates de cet écrivain, on entre véritablement dans la modernité sans quitter les perspectives historiques. Mais c’est dans le genre historique qu’il a le plus brillé, avec une saga de 13 volumes consacrée à la Renaissance puis aux règnes de Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, de 1547 à 1661. Le schéma général de cette longue fresque est toujours le même : un personnage modeste et sympathique, originaire de Gascogne, Pierre de Siorac, monte à Paris et fréquente de très près la cour, et surtout le roi, dont il devient l’homme lige et le confident. Au fil des années, le flambeau passera aux mains de son fils mais c’est toujours la même ligne qui est suivie. Dans cette histoire qui porte le nom du premier volume, Fortune de France, de nombreux personnages apparaissent dans leur vérité historique et l’auteur recueille avec soin les phrases célèbres qu’ils ont prononcées. Mais Robert Merle va plus loin en nous restituant l’ambiance de l’époque, en utilisant avec verve des fragments de la langue de l’époque à laquelle il donne toute sa saveur et en brodant, autour du héros, un tissu d’aventures qui pourraient sortir aussi bien des Trois mousquetaires de Dumas. Quand on a commencé cette plaisante lecture, on peine à s’en arracher et il suffit de tomber par hasard sur un des 13 volumes pour avoir envie de revenir aux autres. Pour ceux que rebutent l’étude de l’Histoire, cette fresque vivante et gaillarde peut jouer le rôle d’une véritable introduction à cette période de plus d’un siècle qui a tellement contribué à façonner notre pays.
Si vous commencez cette lecture rafraichissante et pleine d’humour, vous ne la lâcherez plus.
Bien différents sont deux autres ouvrages également remarquables de Robert Merle : l’Île (1962) et Malevil (1972). Dans le premier, l’auteur s’inspire d’un fait divers qui a fait scandale en son temps, celui des révoltés du Bounty en 1789 et il met en scène un marin du navire, Adamo, garçon sympathique épris d’idées démocratiques opposé à un capitaine qui est une brute sauvage. Après le meurtre de ce dernier, les marins s’emparent du navire, se réfugient d’abord à Tahiti, embarquent des Tahitiens (et des Tahitiennes) et vont fonder une colonie où ils ambitionnent de créer une démocratie à leur idée. Très vite des tensions apparaissent entre deux communautés aux cultures si différentes, les Blancs imposant leurs institutions aux Tahitiens… L’histoire devient alors un véritable conte philosophique mettant en scène les oppositions fondamentales des deux communautés. Cela pourrait dégénérer en une véritable guerre mais la situation se retournera au dernier moment, nous proposant une fin heureuse à l’aventure.
C’est encore un autre conte philosophique que nous offre Robert Merle avec Malevil. Cette fois, nous sommes tout-à-fait dans le monde contemporain. Le héros de l’histoire, Emmanuel Comte, qui habite le château de Malevil en Aquitaine descend dans sa cave creusée très profond dans le rocher pour y chercher une bouteille de vieux vin. Situation banale s’il en est.
Sauf que, lorsqu’il remonte à la surface, il découvre un paysage totalement ruiné, vraisemblablement par une explosion nucléaire. Plus de feuilles aux arbres, plus d’oiseaux, plus de campagne, tout a été brulé. Au bout de quelque temps, quelques survivants qui ont échappé à la mort, se regroupent autour du personnage principal et tentent de reconstituer une nouvelle vie.
La question qui se pose est alors la suivante : la nouvelle communauté sera-t-elle capable de faire mieux que la civilisation disparue ? C’est en fait une question qui se pose à chacun de nous dans beaucoup de circonstances de notre existence. Et je dis « chacun de nous », vous comprendrez aussi que je peux dire « chacun de vous ».