Secteur agro-industriel : Le production sucrière en chute libre attend des réformes urgentes et ambitieuses

L’assemblée générale annuelle du Mauritius Sugar Syndicate (MSS) était l’occasion de dresser un constat préoccupant : la production de sucre confirme sa trajectoire baissière malgré des prix de vente relativement rémunérateurs de ces dernières années. Pour le président sortant du MSS, Dhanunjay Kheedoo, l’heure n’est plus aux demi-mesures : seule une réforme structurelle ambitieuse pourra enrayer le déclin d’un secteur qui peine à retenir ses opérateurs, notamment les planteurs et à garantir une masse critique de production.
« The ex-Syndicate price for the 2025 Crop has been finalized at Rs 27 478 per ton sugar. It is lower than the record performance of Rs 30 954 over the preceding crop, but I should remind you at the outset that market conditions over the 2022 and 2023 crops had been exceptional, as we had already explained », s’appesantit le president du Syndicat des Sucres. Cette rémunération n’a pas suffi à stopper l’hémorragie. Il a indiqué que la superficie récoltée est passée de 39 200 hectares en 2022 à moins de 35 000 hectares aujourd’hui, tandis que le nombre de planteurs a chuté de près de 9 000 à environ 7 500 au cours de la même période.
« Despite the remunerative price levels over the last three years, the declining sugarcane cultivation trend has not been reversed. (…) We can only conclude that the different revenue streams from sugar cane, despite exceeding viability price levels, do not suffice in retaining them in production nor in reversing the declining trend », devait-il concéder. La conséquence directe : une production nationale qui peine à dépasser les 250 000 tonnes, loin de l’objectif stratégique fixé officiellement de 300 000 tonnes. Cette masse critique est pourtant jugée indispensable pour assurer l’attractivité du secteur et sa flexibilité commerciale.
Face à la volatilité des cours mondiaux, plus de 50 % de la production est tournée vers les sucres spéciaux et une flexibilité commerciale permettant d’orienter les ventes vers les marchés les plus rémunérateurs. Toutefois, ces efforts ne suffisent pas à enrayer la tendance de fond.
Le président sortant a fait état de la nécessité de revoir rapidement certains paramètres, en particulier le prix de la bagasse. Fixé à Rs 3.50 par kWh en 2021, ce tarif n’a pas suivi l’évolution du marché. « An adjustment to the price of Rs 3.50 per kilowatt hour energy production is overdue and should reflect the actual import costs of alternative biomass which have now exceeded twice that value », suggère-t-il, insistant sur le fait que cette révision est cruciale pour assurer la viabilité de l’industrie sucrière en tant que génératrice d’énergie renouvelable et de crédits carbone.
Problématique de la main-d’œuvre
Autre frein majeur à la relance : la pénurie de travailleurs agricoles. Les planteurs, déjà vieillissants, peinent à trouver de la relève. « The sustainability of the sugarcane industry goes beyond revenue and long outstanding structural reforms are urgently needed to reverse the declining production trend. While financial incentives have been provided by government for cane replantation, coupled with subsidies on fertilizers, the largest bottleneck remains labour shortage », dit encore le Syndicat des Sucres.
Le recrutement de travailleurs étrangers, évoqué à plusieurs reprises, se heurte à des obstacles réglementaires. « The prevailing labour regulations for the cane industry are quite restrictive, hence rendering the imports of such workers more costly than for the same level of skills in other sectors », fait comprendre Dhanunjay Kheedoo.
Le Syndicat des Sucres s’inquiète du manque de mesures structurelles capables de restaurer la compétitivité de ce secteur de l’économie. Les incitations financières ponctuelles et les subventions ont permis d’amortir le choc, mais pas de renverser la tendance structurellement. « While the ageing planters’ population is a foregone conclusion, those willing to pursue their activities have faced continuous operational constraints that have forced retrenchment, and even abandonment, of cane growing », dit-il.
La conversion des terres agricoles vers des projets immobiliers, encouragée par certains dispositifs, n’arrange rien à l’équation de l’industrie sucrière. L’appel est donc lancé au gouvernement en vue de faciliter l’accès à ​l​a main-d’œuvre étrangère.
Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Syndicat des Sucres, a pour sa part, énuméré les pressions extérieures qui compliquent la tâche des producteurs mauriciens. Les prix du sucre au sein de l’Union européenne se sont effondrés après avoir atteint un pic historique en 2023. « From EUR 762 on average in 22/23 and EUR 823 on average in 23/24, which were three exceptional, prices fell to an average of EUR 563 over the last year, ie a 32% Y-o-Y decrease », reconnaît-il.
Selon lui, l’arrivée massive d’importations à droits nuls, les quotas tarifaires post-Brexit et la montée en puissance du Brésil sur le marché mondial rendent la compétition intenable pour des producteurs de petite taille comme Maurice. L’enjeu est donc de miser davantage sur les sucres à forte valeur ajoutée et de diversifier les débouchés régionaux, notamment en Afrique australe et orientale.
Intervenant, le ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell, a adopté un ton à la fois ferme et optimiste. « Ever since I have appeared before this distinguished crowd, they have always complained. (…) The sector has not become morbid. But we have to adapt to changing circumstances. We knew all along that with the demise of the Sugar Protocol and the fall in the price of sugar, we had to adapt. Adapt or perish, but we have chosen to adapt », lance-t-il.
Tout en saluant les efforts des planteurs et usiniers, le ministre avance que la responsabilité de l’État ne saurait être illimitée. « There should be no more encroachment on private agricultural land. But who constantly comes with the beggar’s bowl, asking for more and more, if not our friends from the sugar cane industry? » dit-il, tout en temporisant et réaffirmant le soutien du gouvernement. « You can rest assured, we are not resting on our laurels. Because we believe in the sugar cane industry. And we will never let the sugar cane industry down. In the last budget, government, through taxpayers, voted more than Rs 350 million to support small sugar cane producers, sugar cane planters », a-t-il repris.
Mais ce soutien est assorti d’une exigence de regroupement et de rationalisation : « We cannot live in silos. We have to cluster our strength. This is the only way to beat those who think that they can overtake us », recommande le ministre.
En clôturant son mandat à la tête du Syndicat des Sucres, Dhanunjay Kheedoo a tenu à saluer les initiatives du gouvernement visant à récupérer 30 000 arpents de terres abandonnées et à rehausser la production à 300 000 tonnes. « A minimum sugarcane production level needs to be maintained. (…) Attaining the production target of 300 000 tons of sugar will therefore have even wider implications for the country’s economy. »
L’assemblée générale du MSS a ainsi mis en lumière l’urgence de mesures fortes. Entre la baisse continue des surfaces cultivées, le rétrécissement du nombre de planteurs, l’inadaptation du cadre de travail pour les travailleurs étrangers et l’érosion des prix mondiaux, le secteur est à la croisée des chemins. Les prochaines réformes, promises par le gouvernement, seront décisives pour savoir si l’industrie sucrière peut encore espérer s’imposer sur le front de l’économie.

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