Secteur financier : Experts et opérateurs inquiets de l’impact d’une lourde fiscalité

Appel à un dialogue renforcé en marge de l’évaluation mutuelle de l’ESAAMLG prévue pour 2027

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Suivant la présentation du budget 2025/26, Mauritius Finance a réuni ses membres la semaine dernière au Caudan Arts Centre, en présence de plusieurs experts de l’industrie. Cette rencontre a permis d’analyser les mesures budgétaires relatives au secteur financier, en mettant en lumière les avancées et les zones d’ombres à clarifier. Les experts et opérateurs du secteur financier ont, à cette occasion, exprimé leurs inquiétudes sur les conséquences d’une fiscalité lourde. La discussion était modérée par Shamima Mallam-Hassam, présidente de Mauritius Finance et Managing Director de Trident Trust Mauritius Ltd. Priscilla Balgobin-Bhoyrul, Senior Partner chez Dentons Mauritius, Assad Abdullatiff, Managing Director d’Axis Fiduciary Ltd, Akshar Maherally, Managing Director de WTS Tax Consulting Mauritius, Ben Lim, CEO d’Intercontinental Trust Ltd ont pris part à une table ronde organisée à cette occasion.

En introduction, Ben Lim a rappelé la fragilité de l’environnement macroéconomique, caractérisé par un déficit budgétaire préoccupant et un risque réel de déclassement par les agences de notation comme Moody’s. Si les objectifs budgétaires affichés sont, selon lui, atteignables, il a insisté sur la nécessité d’une mise en œuvre stratégique. « Tout repose sur la capacité à transformer les intentions en actions concrètes, avec une gouvernance solide et des équipes engagées », a-t-il prévenu.

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L’annonce dans le budget d’une feuille de route nationale pour le renforcement du cadre de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT) a été saluée par Priscilla Balgobin-Bhoyrul. « En marge de l’évaluation ESAAMLG de 2027, nous sommes prêts sur le plan technique mais certaines incertitudes perdurent dans notre cadre réglementaire, par exemple la définition des Politically Exposed Persons et la durée de ce statut. Il nous faut un dialogue renforcé avec les autorités afin d’anticiper les exigences à venir », dit-elle.

L’annonce d’une plateforme intégrée de e-Licensing reposant sur l’intelligence artificielle a été unanimement saluée comme levier de modernisation du dispositif réglementaire. Toutefois, Assad Abdullatiff a averti contre une approche exclusivement technologique, sans une mobilisation adéquate des ressources. D’après lui, ce type de projet, bien que déjà annoncé dans le passé, peine à se concrétiser faute d’une mise en œuvre concrète. La solution dit-il, est de « libérer des ressources au sein de la Financial Services Commission (FSC) et instaurer un cadre de performance transparent ».

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Sur le plan fiscal, plusieurs intervenants ont exprimé leurs réserves face à certaines mesures, en particulier la mise en œuvre de la Fair Share Contribution pour les entreprises au-delà d’un seuil de Rs 24 millions de revenus imposables. Malgré l’exemption accordée aux détenteurs de licences Global Business, le sort des entités affiliées demeure flou, justifiant des clarifications urgentes, selon Akshar Maherally. Il a par ailleurs salué les dispositions sous le Partial Exemption Regime : « cette annonce constitue un signal encourageant pour notre secteur mais il doit impérativement s’accompagner d’une publication rapide des critères de substance. »

Parallèlement, les experts préconisent que la mise en œuvre du Qualified Domestic Minimum Top-up Tax (QDMTT) soit faite de manière stratégique pour préserver l’attractivité de Maurice. Il est recommandé aux autorités de publier un document de consultation afin de recueillir les avis des parties prenantes et d’éclairer les investisseurs internationaux.

Parmi les propositions : limiter l’application du QDMTT aux UPEs (Ultimate Parent Entities) situées dans des juridictions ayant déjà adopté la norme, réviser les incitations fiscales, et privilégier une introduction par voie réglementaire. Dans un contexte global concurrentiel, la hausse du taux d’imposition effectif jusqu’à 34% place Maurice à un seuil critique, rapprochant le pays de ceux pratiquant une fiscalité lourde, comme la France ou le Royaume-Uni.

Alors que les juridictions comme Dubaï, Jersey ou Guernesey proposent des régimes plus propices à l’investissement, Maurice cherche à attirer à travers des services de Wealth Management. Ces nouvelles charges fiscales, même si elles sont limitées dans le temps, envoient un signal d’incertitude. « Les entrepreneurs sont de plus en plus mobiles et le risque de fuite de capitaux est bien réel. Il y a aussi le risque que des investisseurs ou clients qui auraient pu choisir notre juridiction maintenant décident de différer leur décision dans le temps. Il nous faut plus que jamais un cap clair et une fiscalité qui soutienne la croissance au lieu de la ralentir », explique Ben Lim.

Pour Assad Abdullatiff, la théorie fiscale est claire : « au-delà d’un certain seuil, augmenter les taux d’imposition ne génère pas nécessairement plus de recettes. Au contraire, la fiscalité lourde peut commencer à créer une baisse de revenus fiscaux de l’État. » Malgré les réserves sur la nouvelle stratégie sur la fiscalité, la mesure budgétaire qui apporte une lueur d’espoir pour le secteur financier est l’introduction d’un cadre réglementaire dédié à la gestion de patrimoine et aux Family Offices, visant à positionner Maurice comme une juridiction de référence pour les High Net Worth Individuals, une initiative qui répond à un besoin exprimé de longue date par le secteur.

Priscilla Balgobin-Bhoyrul souligne, dans la foulée, la nécessité d’incitations fiscales ciblées pour renforcer son attractivité. Cette table ronde a enfin mis en exergue l’urgence d’une révision stratégique de la promotion internationale de Maurice. Les intervenants ont souligné l’importance pour l’Economic Development Board d’assumer pleinement son rôle stratégique en tant qu’agence de promotion économique, en renforçant la visibilité du pays sur la scène internationale. Cela permettrait à l’industrie de mieux valoriser ses produits et services.

À cet effet, l’allocation d’un budget dédié à la promotion des services financiers est jugée essentielle pour garantir un impact réel et soutenu. Mauritius Finance a engagé une vaste consultation auprès de ses membres afin de recueillir leurs observations avant la publication du Finance Bill. Un rapport technique sera soumis au ministère des Finances. Mauritius Finance représente l’ensemble des acteurs des services financiers de Maurice et œuvre également pour le renforcement des capacités au sein de l’industrie.

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