Siddick Maudarbocus – directeur de Les Mariannes Wellness Clinic : « Nous faisons face à une crise sociale liée aux addictions »

Pour le Dr Siddick Maudarbocus, directeur de Les Mariannes Wellness Clinic, l’année 2026 devra marquer un tournant radical dans la lutte contre l’addiction. Face à l’explosion des drogues de synthèse, à l’échec du tout-répressif et à la fragilité grandissante des jeunes, il plaide pour un système coordonné, doté de véritables pouvoirs et d’une politique de dépistage précoce. Il réclame surtout un État qui assume ses responsabilités et ose frapper fort.

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Vous affirmez que 2026 sera un tournant décisif pour votre clinique. Quelle avancée médicale ou thérapeutique souhaitez-vous impérativement introduire pour transformer en profondeur la prise en charge de l’addiction ?
Nous faisons maintenant face à une crise sociale liée aux addictions. Nous constatons un nombre important d’accidents de la route causés par des conducteurs sous l’effet de la drogue ou de l’alcool, ce qui est extrêmement dangereux. Il est dommage que les autorités tardent à réagir face à ce fléau social.
Notre planche de salut, c’est le durcissement des délits, notamment avec la réintroduction du permis à points en janvier. C’est un bon pas dans la bonne direction. Mais les autorités doivent être plus sévères. Tout conducteur prenant le volant avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite doit être sévèrement sanctionné. Il faut que les autorités donnent le coup de rotin bazar. Les sanctions doivent être très dures. Il ne faut pas les administrer à petites doses. Je pense aux pays d’Europe, ou encore à la Scandinavie, où les lois sont extrêmement strictes.

En 2026, envisagez-vous d’étendre vos programmes de réhabilitation ou de mieux cibler les publics insuffisamment pris en charge, comme les jeunes polyconsommateurs ou les femmes dépendantes ?
Nous avons introduit de nombreuses sessions de counselling au sein du centre. Les Mariannes Wellness Clinic dispose d’un bon nombre de psychologues et de conseillers formés dans ce domaine. Mais, comme je l’ai souvent répété, je pars du principe que l’addiction se traite d’abord par un bon counselling. Il faut comprendre les traumatismes émotionnels des patients et traiter le mal à la racine.
Nos professionnels réalisent énormément de counsellings, mais l’essentiel est d’aider les personnes qui, malgré une apparente capacité à se débrouiller dans la vie, portent un lourd fardeau émotionnel. C’est dommage que cet aspect ait été négligé pendant si longtemps.
Pour 2026, nous allons renforcer encore davantage nos programmes, surtout pour les jeunes, souvent confus émotionnellement et mentalement. Nous constatons, avec beaucoup de désolation, que nombre d’entre eux viennent de familles désunies. Il faut remettre ces trajectoires sur les rails. Nous pouvons vraiment aider beaucoup de jeunes, à travers le counselling, à sortir du fléau de la drogue. N’oublions pas que la jeunesse est la richesse future de notre pays.

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Votre objectif pour 2026 inclut une coopération internationale accrue. Quels pays ou centres souhaitez-vous intégrer à votre réseau pour renforcer la lutte contre les drogues de synthèse émergentes ?
Les Mariannes Wellness Clinic dispose d’un système qui fait ses preuves. Là où les traitements de réhabilitation durent habituellement de trois à six mois, nous avons réussi à réduire ce délai. Ce faisant, nous obtenons des résultats très satisfaisants sur des séjours oscillants entre quatre et six semaines.
Nous sommes en contact avec différents centres internationaux au Moyen-Orient et en Asie, surtout en Malaisie, afin qu’ils s’inspirent de notre programme. Le but : exporter notre savoir-faire.

Maurice reste dominée par une logique répressive. Quelle rupture les autorités doivent-elles accepter pour enfin traiter la dépendance comme un enjeu de santé publique plutôt qu’un dossier policier ?
Vous avez parfaitement raison. Maurice reste dominée par une logique répressive. Il était plus simple d’arrêter les consommateurs pour remonter les filières. Finalement, nous avons échoué : aucune inculpation lors des grandes saisies, des ramifications financières obscures, l’identification des key players inexistante. Résultat : un marché inondé de trafiquants et de consommateurs.
Une approche répressive donnera-t-elle les résultats escomptés ? Non ! Nous remplirons les prisons de personnes qui n’ont pas forcément leur place derrière les barreaux. Toute la structure de la lutte contre la drogue doit être entièrement revisitée, avec des garde-fous solides.

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Face à l’explosion des drogues de synthèse, comment expliquez-vous l’absence d’un système d’alerte rapide alors que votre clinique en signale les effets depuis des années ?
Beaucoup de personnes et d’organisations mènent une lutte sans relâche contre ce fléau. Mais il n’y a aucune coordination. Chacun agit à sa manière, ce qui entraîne un doublon des campagnes et des approches. À mon avis, la lutte aurait dû être chapeautée par un organisme unique, capable de fixer un cahier des charges aux différents acteurs, avec des deadlines précis. Ce n’est pas le cas à Maurice.
Dans le privé, on travaille avec des deadlines et un performance output. Si vous ne répondez pas aux attentes, vous quittez la chaise. Dans le service public, on y reste éternellement et presque sans de compte à rendre. Dans le domaine de la drogue, il faut de l’accountability et des échéances. L’urgence est aussi grave qu’au moment de la pandémie de Covid-19.

Vous dénoncez l’absence de coordination entre police, justice et santé. Quel organe unique faudrait-il créer, avec quels pouvoirs, pour éviter que les patients ne restent coincés entre des institutions qui ne communiquent pas ?
Je pense qu’il faut d’abord une équipe non paralysée par la lourdeur bureaucratique. Sinon, tout sera bloqué. Chaque département doit être composé de personnes motivées, décidées à travailler réellement. Il faut briser la mentalité du départ à 16h pile. Cette culture ne peut pas exister dans un secteur qui lutte contre la drogue.

Pourquoi les autorités refusent-elles encore d’investir massivement dans les traitements de longue durée alors que vos données montrent que les rechutes surviennent surtout après trois à six mois ?
Le traitement de l’addiction est un travail de longue durée. C’est un programme fondé sur le counselling, qui s’étend sur plusieurs mois, dans des centres spécialisés ou dans des espaces propices à un engagement psychologique. Malheureusement, Maurice manque de psychologues qualifiés pour aborder la réhabilitation. Il ne faut pas réinventer la roue : à l’étranger, de nombreux conseillers sont formés spécifiquement à la dépendance.
Je suis triste de constater que de nombreux jeunes commencent à consommer « tout bêtement ». Mais l’addiction est un territoire où, une fois qu’on touche le produit, on devient accro. Cela tient au déséquilibre biochimique dans le cerveau : l’individu ne fonctionne plus sans la substance. L’argument que j’entends souvent, « je peux arrêter quand je veux », est faux. Une fois dans les griffes de la drogue, on devient son esclave.

Le dépistage précoce reste quasi inexistant à Maurice. Quel dispositif obligatoire – scolaire, communautaire ou en entreprise – faudrait-il instaurer pour repérer les usagers avant qu’ils ne basculent dans une dépendance sévère ?
Le dépistage précoce est essentiel. Tout ce que nous faisons repose sur des bases scientifiques qui permettent de mesurer. Il faut dépister – urine ou sang – afin de quantifier le degré de consommation et statuer, par exemple, si la personne peut prendre le volant.
Je constate que certaines entreprises employant des chauffeurs de poids lourds ne font aucun drug test. C’est incroyable ! Nous naviguons dans le noir. Au minimum, ces tests doivent être effectués aléatoirement, et tout chauffeur testé positif doit être soumis à un programme de counselling.

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