Spectacle — Au Caudan Arts Centre : « Tizan et ses Gato Kanet » enchante petits et grands

On connaît tous l’histoire de Tizan et ses Gato Kanet, mais l’approche d’Ashish Beesoondial, qui a revisité ce conte, a ouvert une porte vers l’évasion. Dans une adaptation libre et joyeuse, il a permis également à un adulte de retrouver l’imaginaire de l’enfance. C’était aussi une sorte de voyage dans la littérature jeunesse avec le conte Tizan et ses Gato Kanet.

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Salle comble composée d’enfants et de leurs parents pour accueillir l’histoire de Tizan en trois versions : anglaise, française et kreol. On était partagés entre l’histoire, l’humour, la peur avec ce personnage de sorcière qu’incarne avec brio Estelle Lasémillante et qu’on souhaiterait revoir plus souvent sur les planches. Il y a aussi la part de poésie qu’insuffle Rachel de Spéville, la conteuse, et l’enthousiasme dégagé par le jeune Vivaan Gaur, élève du Lycée de Labourdonnais, dans la peau de Tizan..
Des traits et des mots qui s’entremêlent pour construire un récit, avec des personnages qui déambulent sur scène. Tout passe par le grand livre d’histoire de Rachel, la conteuse qui embarque les spectateurs dans le récit de Tizan. Un bel exercice que de fouiller de nouveau dans sa mémoire : gato kanet, arbre bonbecs, ce fameux arbre à bonbons qui fait le bonheur de Tizan. Ces petits bonbons multicolores tant convoités par Tizan et qui, du coup sur scène, offrent une belle aquarelle de couleurs, pour laisser place à l’imaginaire. La ramure de l’arbre chargée de sucrerie planté par Tizan et qui a porté ses fruits donne de l’espoir à tout un chacun de devenir un peu le magicien de sa vie et de voir tous ces rêves réalisés.
Le conte autant que la fable a ce pouvoir de divertir et d’instruire. Sur la scène du théâtre du Caudan Arts Center, des enfants spectateurs au début se laissent vite prendre au jeu. « Vas-y Tizan, te laisse pas faire. Sauve-toi des griffes de la vilaine sorcière », «Attention, sorcière, Tizan s’est échappé du chaudron, tu vas manger ton propre fils. »

Des parents tentent en vain de calmer leurs enfants emportés par ce flot d’émotions. Le conte de Tizan a été un déclencheur d’émotions tout en favorisant le développement de l’imaginaire des petits en leur permettant d’enrichir leur vocabulaire tout en mettant des mots sur les actions. La sorcière semble voler la vedette. Estelle Lasémillante, grimée pour la circonstance, habite son personnage avec cette verve qui la caractérise. La résonance de ses pas met tous les enfants en accord. « Elle arrive la sorcière, prends ma bouteille d’eau Tizan, asperges-en la sorcière. » Les parents s’esclaffent, certains semblent même étonnés de la réaction de leurs enfants.

Tizan Gato Kanet est une pure merveille qu’on a redécouverte dans une mise en scène riche de petits détails, comme ce chaudron qui laisse évacuer de la fumée, ou ce gros matou ronronnant comme échappé d’un film de Disney. Les personnages semblent crédibles. Une écriture scénique qui mêle des éléments du théâtre, de la musique, des arts pour un spectacle enchanteur et plein de poésie.

Tizan fait partie de notre folklore et a bercé notre enfance et touché des générations de Mauriciens. Le texte touche également la sensibilité des petits. Les costumes des comédiens et les lumières de scène bien mis en relief ont créé cet univers recherché où détente fusionne avec ce côté mystérieux, les enfants tenaillés par la peur de voir Tizan être mangé vif par la sorcière.

Joshua Rose dans le rôle du fils de la sorcière dégage une énergie et rien que son apparence fait rire les petits. Il s’est taillé un costard dans du sac en plastique… Il y a aussi Chloé Mayotte dans le rôle de la mère de Tizan, Nuckiren Pyeneeandee dans celui du père. Tous les acteurs sont bien incarnés, avec un sens du détail, ce qui permet aux spectateurs de visualiser les personnages et leur environnement, comme s’ils existaient dans la vraie vie.

En mettant Tizan Gato Kanet en scène, Ashish Beesoondial a voulu s’adresser à une audience plus jeune tout en préservant cette touche locale avec l’apport des sirandannes. Prendre la liberté de créer tout en ayant la capacité de retenir en haleine son jeune public est plus que jubilatoire ; il s’agit aussi d’un vrai pari de raviver une tradition narrative. D’où la présence de la narratrice, Rachel de Spéville, qui non seulement raconte l’histoire, mais participe aussi aux côtés des personnages.

Tizan est avant tout un hommage au patrimoine culturel mauricien et le fait d’avoir su mettre en place cette équipe de comédiens mauriciens habiles dans leur jeu de scène mérite tout le respect pour un travail fait en amont. Et au final, si fluide, si captivant, au point où chacun est ressorti de la salle avec dans l’âme cette partie d’une enfance retrouvée. Le temps de renouer avec un patrimoine oral unique et précieux. Un conte folklorique populaire qui durera dans le temps et qui pousse à dire merci à Ashish Beesoondial pour cette parenthèse enchantée.

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