Témoignage : Traducteur, un métier-passion, une vocation d’âme

Malgré l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, le métier de traducteur reste plus que jamais indispensable. Car traduire, ce n’est pas seulement transposer des mots : c’est comprendre, interpréter, et restituer une intention. En ce 30 septembre, Journée internationale de la traduction, hommage à celles et ceux qui œuvrent dans l’ombre pour rendre le monde lisible.

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Pourtant, à Maurice, la discipline semble perdre du terrain : elle ne figure plus dans les examens officiels. Un paradoxe dans un pays où le multilinguisme constitue un atout et une richesse quotidienne. Plus que jamais, ce métier mérite d’être reconnu et enseigné.

Par sa résolution 71/288, adoptée le 24 mai 2017, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement désigné le 30 septembre, Journée internationale de la traduction, soulignant le rôle fondamental des spécialistes des langues dans le rapprochement des peuples, la promotion de la paix, de la compréhension mutuelle et du développement.

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Mais pourquoi le 30 septembre, précisément ?

Cette date commémore le décès de Saint Jérôme, moine érudit du IVe siècle, célèbre pour sa traduction de la Bible en latin à partir des textes grecs et hébraïques. Reconnu comme le saint patron des traducteurs, Saint Jérôme incarne la quête de fidélité et de sens qui habite tout professionnel de la langue.

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Une carrière choisie,
pas subie

Depuis 2006, je vis et respire traduction. J’ai eu l’honneur d’être la deuxième traductrice de français recrutée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Une riche aventure professionnelle qui a duré jusqu’en 2019. Mais la fin de ce contrat n’a en rien marqué la fin de ma passion : la traduction fait partie de mon ADN. Depuis, je poursuis mon chemin comme traductrice indépendante, avec toujours autant de dévouement.

Depuis mon plus jeune âge, je me suis rebellée contre la perspective d’un emploi traditionnel de « 9h à 17h ». Et la traduction, avec ses horaires atypiques, ses nuits blanches, ses urgences imprévues, m’a offert cette liberté d’organisation… mais aussi une intense discipline personnelle. Je me souviens d’une mission à Luanda (Angola) : valise en main à l’aube, traduction toute la nuit, et recherche d’un logement… au petit matin ! D’autres fois, les conférences s’enchaînaient, entrecoupées de brèves pauses pour dormir ou manger — une immersion totale.

Une passion qui ne s’éteint jamais

Chaque matin, je m’éveille avec une question : que vais-je traduire aujourd’hui ?

Chaque document est un monde à découvrir. La boîte mail, en perpétuelle consultation, devient une passerelle vers de nouveaux défis.

Être traducteur, c’est jongler avec les langues, mais aussi construire des ponts culturels, dans un monde toujours plus mondialisé. C’est faire preuve de curiosité, de rigueur, de souplesse, mais aussi d’humilité. Car la traduction parfaite n’existe pas. Il s’agit d’un travail d’orfèvre, en perpétuelle amélioration.

Ce que je préfère ? La relecture. Ce moment où le texte, tel une pâte encore malléable, commence à prendre forme, à se solidifier. Relire, peaufiner, ajuster… et parfois, savoir s’arrêter. Comme le disait si bien Boileau dans « L’Art poétique » (1674) :

« Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

Polissez-le sans cesse et le repolissez. »

Mais les délais sont parfois sans pitié, et il faut savoir lâcher prise, laisser les mots décanter, puis revenir avec un regard neuf.

Traducteurs : ces invisibles passionnés

On imagine le traducteur comme un solitaire, absorbé devant son écran, oubliant même de boire son café refroidi. C’est vrai. Nous passons de longues heures à traquer le mot juste. Et souvent, même hors travail, cette obsession persiste : impossible de lire une affiche ou un menu sans repérer une coquille !

Mais la traduction, c’est aussi des rencontres. Avec d’autres traducteurs, lors de conférences ou autour d’un repas, où les débats linguistiques font rage dans la bonne humeur. Avec des auteurs aussi : je garde un souvenir précieux de ma collaboration avec Shazad Rizvi, lors de la traduction de son roman « Woman Behind the Veil » (« Voilée » en français). Certains passages nécessitaient des échanges approfondis pour en restituer toutes les nuances.

Et l’avenir ?

On me demande souvent si les traducteurs humains seront remplacés par l’intelligence artificielle. Il est certain que les outils technologiques vont continuer à évoluer, et les professionnels devront s’y adapter. Mais la vérification humaine, le style, la sensibilité culturelle, la nuance, l’âme … tout cela restera irremplaçable.

La traduction n’est pas une simple conversion de mots. C’est un art, une médiation, un engagement.

L’ultime, c’est quand le lecteur croit qu’il a sous les yeux le texte original, et non une traduction. C’est là que réside, discrète mais puissante, la véritable magie du traducteur.

En marge de ce 30 septembre 2025, je rends hommage à tous les traducteurs et traductrices, visibles ou dans l’ombre, freelances ou institutionnels, qui font vivre les textes, rapprochent les peuples et enrichissent notre monde de leurs mots choisis avec soin.

Bonne Journée internationale de la traduction à toutes et à tous !

 

Sashi Jaddoo

Traductrice

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