La situation, longtemps bloquée dans les négociations entre Israël et le Hamas en vue d’un accord de paix, semble se décanter lentement, portée par de nouvelles médiations régionales et la perspective de la visite prochaine de Donald Trump en Égypte. Dans la région comme à travers le monde, les regards restent fixés sur chaque signe d’ouverture, chaque déclaration, chaque geste susceptible de faire basculer le fragile équilibre entre guerre et paix. Les populations, épuisées par des mois de souffrance et d’incertitude, n’osent plus qu’espérer – sans trop y croire encore – qu’un accord durable voie enfin le jour.
Mais avant de parler d’avenir, il faut regarder en face le prix payé jusqu’ici. Car derrière les négociations et les calculs diplomatiques se déroule une tragédie humaine d’une ampleur inédite.
Le nombre officiel de morts dépasse aujourd’hui les 67 000. Selon l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, « Gaza compte 2,2 millions d’habitants : plus de 10% d’entre eux ont été tués ou blessés ». Une enquête menée à la mi-août par +972 Magazine, Sikha Mekomit et The Guardian, sur la base de données internes des services de renseignement israéliens, indique qu’au moins 83% des Palestiniens tués dans la guerre à Gaza sont des civils. Le responsable des affaires humanitaires de l’ONU, Tom Fletcher, rappelait encore le 24 septembre dernier qu’à Gaza « un enfant est tué en moyenne chaque heure depuis presque deux ans ».
À ce décompte tragique s’ajoute celui des journalistes : plus de 240 ont déjà été tués. « Ils se sont vu confier une mission collective au nom de toute une nation : consigner pour l’Histoire ce qui s’est passé à Gaza », écrivait Ahmad Tibi, membre de la Knesset et président du parti Ta’al, dans les colonnes de Haaretz le 28 août. « Ce n’est pas seulement du journalisme professionnel, mais du journalisme sacrificiel. »
Plus de 170 000 Palestiniens ont été blessés. L’enclave compte désormais le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde, selon l’UNRWA. La famine et les distributions meurtrières d’aide n’ont fait qu’aggraver le nombre de décès. Près de 90% des habitants de Gaza ont été déplacés, souvent à plusieurs reprises. La bande de Gaza, détruite à plus de 80%, est devenue un champ de ruines. Ses systèmes de santé, d’éducation, d’administration et de protection sociale sont à l’agonie. Du jamais-vu dans l’histoire de l’enclave palestinienne.
Face à ce désastre, la communauté internationale se divise entre indignation et impuissance. Cent cinquante et un des 193 États membres de l’ONU ont désormais reconnu l’État palestinien, et d’autres devraient suivre dans les prochains jours. Dans le même temps, Israël a annoncé l’expulsion de 171 militants propalestiniens – parmi lesquels Greta Thunberg – après l’interception d’une flottille qui tentait de briser le blocus de Gaza. La jeune militante suédoise a résumé le sentiment d’une grande partie de l’opinion mondiale : « Personne ne peut prétendre ignorer ce qui se passe. À l’avenir, nul ne pourra dire qu’il ne savait pas. »
Le souvenir de cette femme tirant un traîneau chargé de ses affaires personnelles, après l’attentat du 7 octobre 2023 – qui avait fait 1 719 morts et permis la prise de 251 personnes en otage — reste gravé dans les mémoires. Elle se dirigeait vers le nord de Gaza, criant : « Que deviendrons-nous maintenant ? Ils vont nous écraser ! » On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’est devenue cette femme. Les années de guerre ont-elles eu raison d’elle, comme de tant d’autres ?
Et pourtant, au cœur de ces ténèbres – qu’elles soient celles du monde ou celles que chacun affronte dans sa vie personnelle -, une lueur d’espoir subsiste. Elle résiste, fragile mais tenace, dans le regard de ceux qui continuent à croire à la paix, dans la solidarité des peuples, dans le refus obstiné d’accepter l’injustice comme une fatalité. Rien n’effacera les ruines ni les pertes humaines, mais chaque geste de compassion, chaque mot de réconciliation, chaque effort de dialogue maintiennent vivante cette lumière qui vacille sans jamais s’éteindre. Oui, malgré tout, une lueur d’espoir demeure y compris en Ukraine, pays martyr.
Jean Marc Poché
Tour d’horizon : Prions pour la paix à Gaza
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